DOSSIER
Auteur(s) : DOSSIER RÉALISÉ PAR SERGE TROUILLET
Des lois inefficaces et même cindynogènes, un principe &discReturn; – la catégorisation – à récuser, des textes confus sinon contradictoires : l’arsenal juridique régissant l’évaluation comportementale canine est à repenser. Bâti sous influence médiatique et sur des critères relevant d’une autre époque, il doit absolument, jugent les vétérinaires comportementalistes, être reconstruit sur des bases scientifiquement recevables et statistiquement étayées.
La loi ne remplit pas ses objectifs. » Pour Christian Diaz (T 81), praticien comportementaliste, les comptes n’y sont pas. Elle pénalise les propriétaires de chiens de catégories 1 et 2, et n’a pas l’effet escompté en matière de prévention des morsures ni de surveillance des chiens mordeurs. Elle est davantage le fruit de réactions à des événements ponctuels que d’un raisonnement sur son bien-fondé. De longue date, les chiens constituent une cible privilégiée des responsables politiques qui préfèrent surréagir à un sentiment d’insécurité que d’être soupçonnés de laxisme.
Le Dangerous Dogs Act britannique (1991), en référence duquel a été votée la loi du 6 janvier 1999 sur les animaux dangereux et errants et la protection des animaux, n’a jamais fait la preuve de son efficacité. La loi du 20 juin 2008 sur la protection des personnes, qui aggrave sans justification le sort des chiens de catégories 1 et 2, est entrée en application, rappelle Christian Diaz, au moment où les Pays-Bas abrogeaient l’interdiction de détention des pitbulls, cette mesure prise en 1995 n’ayant pas eu d’effet sur la fréquence des accidents impliquant des chiens.
Depuis plus de 30 ans, on recense en moyenne en France deux ou trois accidents mortels provoqués par les chiens annuellement. Bien moins que les accidents de chasse (30), les noyades en piscine (500) ou encore les accidents domestiques (18 000) ! Les lois de 1999, 2007 et 2008 ne dévoileraient-elles pas les arrière-pensées du législateur ? Jean-François Rubin (L 83), autre praticien comportementaliste, n’en doute pas un instant : « Elles visaient celui qui est au bout de la laisse. »
Assimilant les chiens à des armes, la loi invente donc les catégories de chiens dits dangereux. La première catégorie est celle des chiens d’attaque, qui ne sont pas des chiens de race ; la seconde, celle des chiens de garde et de défense, qui sont des chiens de race à l’exception de ceux de type rottweiler. Tous sont définis comme étant des molosses de type dogue, avec un corps massif, une forte ossature et un cou épais. C’est ainsi que les pitbulls, qui n’avaient jamais fait de victimes en France avant 1999, contrairement aux bergers allemands et aux chiens apparentés, ont aussitôt été mis à l’index sous la pression médiatique. Pire, en les rejetant, en les muselant, en ne les sociabilisant plus, on favorise leur éventuelle dangerosité, ce qui rend la loi cindynogène !
Une aberration doublée, pour Christian Diaz, d’une abomination : l’application à la race canine de théories morphopsychologiques qui consacrent la supériorité de la race pure ! Qui établissent une relation entre critères morphologiques et comportement déviant ! Ainsi est-il affirmé dans le rapport Sarre, à l’origine des principales dispositions du volet “chiens dangereux” de la loi du 6 janvier 1999, que le berger allemand de race pure est un chien inoffensif ! Même les débats pour la loi du 20 juin 2008, à l’Assemblée nationale et au Sénat, ont pointé l’ineptie de la catégorisation. Mais de là à y renoncer…
La loi présente tout de même des aspects positifs, comme la déclaration des morsures de tous les chiens. Hélas, regrette Jean-François Rubin, « si elles étaient toutes déclarées et si les textes étaient mieux rédigés, on parviendrait progressivement à déceler les grenades dé goupillées qui se promènent au bout d’une laisse ! ». Mais ce n’est pas le cas. La sous-déclaration est patente. Les médecins, parce qu’ils ne sont pas suffisamment informés, les vétérinaires, parce qu’ils veulent préserver leur clientèle, tous redoutent de violer le secret professionnel, alors qu’il s’agit d’une dérogation légale. Quant aux propriétaires, l’idée de payer pour que leur chien de famille soit mis sous surveillance sanitaire, évalué, avec un rapport transmis au maire, les détourne de leurs obligations.
Seules, en réalité, l’évaluation comportementale des chiens vraiment dangereux, la mise en place d’outils d’information et d’éducation auprès du public, ainsi que la création d’un observatoire des morsures seraient à même de diminuer l’incidence des morsures à l’origine de dommages graves, en particulier sur les enfants, cibles privilégiées des agressions canines. Si la première disposition est assurée par les vétérinaires, la seconde est insuffisante. Quant à la troisième, elle a été enterrée par le décret du 28 juin 2011 ! Elle aurait sans doute confirmé que la plupart des morsures sont le fait de petits chiens, à la face, parce qu’on les prend dans les bras. « C’est ce que disent les urgentistes dans les hôpitaux », atteste Jean-François Rubin. Donc l’imaginaire populaire sur les races dites dangereuses…
Mais alors, que convient-il de faire ? Christian Diaz a son idée : « Supprimer la catégorisation, que la loi se concentre sur la déclaration des morsures et que soit réac tivée la création de l’observatoire. Comment peut-on prévenir un risque qui n’a pas été évalué ? » Depuis le 1er novembre 2013, le résultat de l’évaluation doit être inscrit par les vétérinaires au Fichier national d’identification des carnivores domestiques (I-CAD), afin de faire l’objet d’un traitement statistique par le ministère de l’Agriculture, de l’Agroalimentaire et de la Forêt. Un effort qui se fait toujours attendre ! « Je ne suis pas loin de penser que l’exploitation traîne parce qu’elle montrera à l’évidence que les chiens dits de catégorie sont plutôt moins dangereux que la moyenne des chiens, et que cette réalité est gênante », suppute Jean-François Rubin.
Le rapport d’étape, sur la période novembre 2013-avril 2014, a disparu du site du ministère. Il confirmait que les chiens de catégorie étaient à 98 % aux niveaux 1 et 2, et que les chiens mordeurs n’étaient pas en réalité des chiens de catégorie ! Aussi devient-il aujourd’hui impérieux de ne plus se raconter d’histoires ! Il faut reprendre les textes et les récrire sereinement, hors pression médiatique et échéances électorales, en les débarrassant de l’idéologie malsaine qui les sous-tend. Le comité d’éthique et de bien-être animal du Conseil national de l’Ordre entend, à cet égard, faire valoir sa position. La législation sur les chiens dangereux figure en effet parmi ses chantiers prioritaires de 2016.
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UN MAILLAGE TERRITORIAL ASSURÉ
PAS UNE PRIORITÉ DANS LES ÉCOLES
À Alfort, une formation est également organisée depuis cette année, en juin et en novembre. Caroline Gilbert, maître de conférences en éthologie fondamentale et appliquée, se félicite de disposer des facilités du centre hospitalier universitaire vétérinaire d’Alfort : « Cela nous a permis, pour notre première formation, de conduire nos confrères en consultation où ils ont suivi trois diagnoses et une évaluation comportementale. » Son propos, cependant, concerne d’abord la formation initiale. « J’ai été responsable de cette formation à Alfort entre 2011 et 2014, à raison d’une vingtaine d’heures par an, mais elle a été supprimée depuis. Il n’en existe pas non plus à Nantes ; quant à celle de Lyon, elle est optionnelle ! Je regrette qu’elle ne soit pas assurée dans ces écoles1, même sur huit heures, car la problématique concerne tout praticien, qui doit l’information à ses clients. »LIBRE ET RESPONSABLE
RAPPEL DE LA LOI
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L’ouvrage ECG du chien et du chat - Diagnostic des arythmies s’engage à fournir à l’étudiant débutant ou au spécialiste en cardiologie une approche pratique du diagnostic électrocardiographique, ainsi que des connaissances approfondies, afin de leur permettre un réel apprentissage dans ce domaine qui a intrigué les praticiens pendant plus d’un siècle. L’association des différentes expériences des auteurs donne de la consistance à l’abord de l’interprétation des tracés ECG effectués chez le chien et le chat.
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