DOSSIER
Auteur(s) : DOSSIER RÉALISÉ PAR SERGE TROUILLET
L’évolution de l’élevage en France à l’horizon 2050, quelle qu’elle soit, sera sans doute de nature à modifier les pratiques des vétérinaires dans les zones rurales. Le scénario – même s’il n’est que prospectif – qu’a élaboré l’entreprise associative indépendante Solagro fournit, à cet égard, de la matière pour leur réflexion.
Depuis 35 ans, l’entreprise associative toulousaine Solagro développe une expertise avant-gardiste dans les domaines de l’environnement, de l’énergie, de l’agriculture et de la forêt. « Nous travaillons à favoriser l’émergence et le déploiement de pratiques et de procédés qui participent à une gestion économe, solidaire et de long terme des ressources naturelles », précise Christian Couturier, directeur de son pôle énergie. Le scénario qu’il a contribué à élaborer pour l’agriculture française à l’horizon 2050, Afterres 2050, propose ainsi un arbitrage entre les modes de production, les utilisations des terres et de la biomasse : « Nous défendons un changement de modèle agricole et alimentaire, sans rupture technologique. »
Pour atteindre l’objectif alimentaire tout en répondant à l’enjeu du réchauffement climatique, les auteurs de l’étude estiment qu’il est nécessaire de couvrir nos besoins alimentaires en privilégiant les protéines végétales. Il convient d’inverser, selon eux, le rapport deux tiers/un tiers qui prévaut aujourd’hui en faveur des protéines animales, afin de rejoindre la moyenne mondiale. « Qu’ils proviennent de nutritionnistes, d’agronomes, de grands chefs cuisiniers ou de rapports de l’Organisation des Nations unies (ONU), les points de vue convergent pour dénoncer notre régime alimentaire qui n’est pas généralisable à l’ensemble de la planète, tant en matière de ressources que de santé humaine. Il faut rééquilibrer l’assiette en faveur des protéines végétales », soutient Christian Couturier.
L’impact sur l’agriculture d’un tel infléchissement de notre alimentation est prégnant. Solagro prône une plus grande mixité des productions végétales, un allongement des rotations, l’introduction massive de légumineuses, le développement prioritaire de l’agriculture biologique, la production intégrée, etc. Les rendements en seraient moindres, mais la capacité exportatrice de l’agriculture française n’en serait pas remise en cause. Pour Christian Couturier, « la France exporterait moins de grains pour l’alimentation du bétail au profit de produits destinés à l’alimentation humaine, notamment vers les pays du pourtour méditerranéen où se profile la disparition des cultures céréalières en raison du changement climatique ».
La mutation de l’élevage serait radicale. On utiliserait les terres arables des plaines pour nourrir les êtres humains et non les animaux, et les pâturages des montagnes pour élever les vaches. Sa répartition géographique en serait profondément bouleversée. Par ailleurs, fini la spécialisation des troupeaux. Moins de prim’holstein pour le lait, de charolaise, de limousine ou de blonde d’Aquitaine pour la viande. Priorité aux races mixtes. Les races à viande n’auraient donc été qu’une “parenthèse historique”. L’idée serait de garder les élevages bovins économiquement viables en inventant de nouvelles filières de production associées (énergie, matériaux), et de maintenir les fonctionnalités écologiques des prairies naturelles.
Dans cette optique de moindre consommation de lait et de viande et de maintien des exportations, le cheptel bovin laitier serait divisé par deux : « La laitière à 9 000 l disparaîtrait, tandis que le cheptel tout herbe représenterait le quart des effectifs, aux côtés de systèmes assez proches de ceux prévalant actuellement, à la fois performants (7 000 l) et économes (moindre consommation de concentrés). » Il resterait peu de place pour les systèmes bovins viande, dimensionnés par la différence avec la production de viande du troupeau laitier. Le cheptel bovin global passerait ainsi de 8 millions de têtes à 4,3 millions (dont 1,6 million de vaches allaitantes), entraînant une réduction de 40 % des émissions de méthane entérique.
Pour les porcs et les volailles, le type d’élevage industriel tel qu’on le connaît aujourd’hui a pratiquement disparu du scénario. Toutes les productions sont sous le signe de la qualité, avec une dimension de bien-être animal reconsidérée. Le nombre de porcs passe de 8,5 millions de places, presque en totalité en intensif, à 5,1 millions, dont 2 millions en “conventionnel amélioré”. Cette évolution est similaire pour les volailles. Le troupeau caprin, destiné essentiellement à la production de lait, reste inchangé ; quant aux ovins, dont la viande est en grande partie importée et qui permettent de valoriser des espaces peu productifs, ils voient leur cheptel augmenter de 20 %.
Un tel scénario, selon lequel l’élevage produirait environ 40 % de produits animaux de moins qu’aujourd’hui, apparaît en conséquence très défavorable à l’emploi agricole, en particulier dans le secteur agroalimentaire. Toutefois, en raison de protéines végétales moins chères, il en résulterait, selon les auteurs, une augmentation du pouvoir d’achat des consommateurs qui se traduirait par un gain net de près de 150 000 emplois en 2030. « Notre scénario a pour but de préparer une transition perçue par la société comme une évolution positive ou un défi, et non comme une contrainte. Afterres 2050 se veut désirable, crédible, compréhensible, car la transition ne se décrète pas », argumente Christian Couturier. Et d’ajouter que la diminution des cheptels ne signifie pas l’abandon de l’élevage, ni celle de la pâture l’abandon des prairies : « Il s’agit de trouver de nouv elles vocations aux prairies et d’inventer des systèmes sociotechniques qui permettent aux élevages bovins d’aujourd’hui d’évoluer vers de nouvelles formes de production . »
En somme, la diminution du cheptel est une chose, l’exploitation agricole en est une autre. Il faudra, pour Solagro, se diversifier, notamment par la valorisation de la biomasse, et faire évoluer le schéma de l’exploitation traditionnelle vers des systèmes plus complexes, plus intégrés, avec des productions plus variées. «
Ce n’est pas une vision d’écologistes adeptes de la décroissance, mais un scénario qui ne s’en tient pas aux seules considérations économiques
: il est quantitatif, chiffré, responsable
», conclut Christian Couturier.
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« UN SCÉNARIO IDÉALISÉ »
« ÉVITER LES RUPTURES »
« LES VÉTÉRINAIRES S’ADAPTERONT »
« NOUS PROFESSIONNALISER DANS NOTRE GESTION D’ENTREPRISE »
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