Corrida : l’Ordre prend position - La Semaine Vétérinaire n° 1689 du 28/09/2016
La Semaine Vétérinaire n° 1689 du 28/09/2016

DÉONTOLOGIE

PRATIQUE MIXTE

L'ACTU

Auteur(s) : CHANTAL BÉRAUD 

Le Conseil national de l’Ordre a émis un avis doctrinal constatant une souffrance animale lors des corridas et invite chaque vétérinaire impliqué dans la tauromachie à procéder à un questionnement éthique intime.

Oui, « dans les spectacles taurins sanglants, la douleur infligée aux animaux n’est pas contestée (…). Ces spectacles entraînent, par des plaies profondes sciemment provoquées, des souffrances animales foncièrement évitables et conduisant à la mise à mort d’animaux tenus dans un espace clos et sans possibilité de fuite, dans le seul but d’un divertissement. Ils ne sont aucunement compatibles avec le respect du bien-être animal ». Ceci est un extrait d’un avis doctrinal mis en ligne par le Conseil national de l’Ordre des vétérinaires sur son site internet1. « Ce n’est pas un avis personnel ni moral émanant du seul président du Conseil de l’Ordre », commente Ghislaine Jançon, en charge de la commission éthique vétérinaire et animal de l’Ordre. Ladite commission, composée de cinq élus nationaux, a en effet agi en concertation avec les élus siégeant dans chaque région qui travaillent sur le bien-être animal et après audition tant du Collectif des vétérinaires pour l’abolition de la corrida (Covac) que de l’Association française des vétérinaires taurins (AFVT). « Cet avis, reprend Ghislaine Jançon, résulte donc d’une démarche démocratique, pyramidale et consensuelle, qui a duré près d’un an. Cette question relève de la même logique que le premier sujet sur lequel a travaillé notre commission, à savoir la nécessité d’un étourdissement efficace des animaux avant la saignée à l’abattoir. L’avis donné dans les deux cas se base sur des études scientifiques qui analysent précisément la douleur animale. » L’AFVT considère, par ailleurs, qu’il n’est pas possible de supprimer cette douleur dans une corrida, car elle est utile pour exprimer l’agressivité de l’animal2. Le rapport Éthique vétérinaire et corrida décrit conséquemment la nature des blessures infligées lors des trois tercios, dits de pique, de banderilles et de mort3.

Le vétérinaire taurin respecte-t-il le Code de déontologie ?

C’est via une dérogation introduite dans le Code pénal que la corrida est légalement autorisée en France. Cette clause « a contrario confirme qu’elle est juridiquement considérée comme tenant ou pouvant tenir des sévices graves ou actes de cruauté envers les animaux », poursuit l’avis doctrinal. De plus, le Code de déontologie fixe l’obligation de respecter l’animal. Son article R.242-48 « impose dorénavant à chaque vétérinaire, lorsqu’il se trouve en présence d’un animal blessé, qui est en péril, de s’efforcer, certes dans les limites de ses possibilités et certes en présence d’une demande effective, d’atténuer la souffrance de l’animal ». « C’est pourquoi, argumente Ghislaine Jançon, dans la filière taurine, les vétérinaires doivent assumer leur rôle sanitaire et veiller à minimiser autant qu’ils le peuvent la souffrance animale. Nous invitons également chaque vétérinaire à relire ce Code de déontologie, pour réfléchir dans sa pratique professionnelle à la façon d’exercer son métier en prenant en compte ce critère. Et ceci vaut pour des domaines variés, allant bien au-delà de la corrida. Notre commission va prochainement travailler sur d’autres champs d’application, dont l’euthanasie de convenance, le dispositif des chiens dits dangereux, les animaux errants, le vétérinaire en filières organisées. Ce n’est pas ouvrir la boîte de Pandore, le but est de réfléchir et d’anticiper pour mieux résoudre les problèmes. »

Et le président de l’Ordre, Michel Baussier, de conclure : « Cet article R.242-48 ne peut pas rester sans conséquence sur le questionnement éthique de chaque vétérinaire et va placer les confrères impliqués dans la tauromachie devant un conflit intime. » L’Ordre n’entend pas, en revanche, mener d’autres réflexions proches dans le domaine de la corrida, considérant notamment « que ce n’est pas son rôle d’interpeller les politiques pour demander un changement d’ordre législatif ».

La réaction de l’AFVT

Joint par notre rédaction, le bureau de l’AFVT dit « refuser d’entrer dans la polémique ». Et, « dans son unanimité, il souhaite uniquement préciser le rôle des vétérinaires exerçant ou apportant leur expertise dans le domaine taurin. Nous n’avons rien d’autre à dire et n’avons pas l’intention non plus de répondre à des médias hors de notre profession ». L’AFVT rappelle notamment que « les spectacles tauromachiques étant des activités parfaitement légales en France, comme en Espagne et au Portugal, il est donc tout à fait naturel, et même réglementaire, que des vétérinaires soient présents tout au long de ce que l’on peut appeler une filière taurine, au même titre que les vétérinaires des filières aviaire, ovine, porcine, etc. ». Et de rappeler leurs différentes missions (suivi médical, surveillance sanitaire, interventions pendant et après la corrida, etc.). Dans les arènes de 1re catégorie, le vétérinaire taurin effectue notamment des prélèvements de cornes post -mortem, pour expertise, afin de vérifier qu’aucune fraude n’ait été commise (cornes raccourcies). Et de conclure : « Il est alors normal, comme pour les autres filières, que ces vétérinaires se regroupent dans une association pour échanger, apprendre, participer à des travaux, dans le seul but de mieux connaître le toro, afin de lui assurer des conditions de vie optimales jusqu’à son combat dans l’arène. Combat qui est sa seule destinée possible, et dont l’interdiction entraînerait immédiatement sa disparition ainsi que celle de ses quelque 200 000 congénères dont l’existence (paradisiaque) ne se justifie que par lui. »

La « très grande satisfaction » du Covac

Pour sa part, Jean-François Courreau, professeur émérite à Maison-Alfort, animateur et cofondateur du Covac, est « très heureux que l’Ordre se positionne clairement, en indiquant que les blessures infligées sont telles qu’elles ne peuvent qu’induire de la souffrance. Et pour nous, aucun vétérinaire ne devrait cautionner un spectacle de souffrance animale. Nous rendons donc hommage à l’Ordre de cet engagement éthique dont l’impact va toucher la France, mais également les pays environnants. À l’avenir, notre collectif coordonnera des actions communes avec des associations similaires en Espagne et au Portugal. Dans l’espoir de parvenir à l’abolition de la corrida, comme l’ont déjà fait certains États du Mexique ou la Catalogne en Espagne ». Pour l’heure, néanmoins, force lui est de constater « qu’en France il existe à ce sujet un blocage politique très important. Même la simple deman de d’interdire ce spectacle sanglant à des mineurs n’a trouvé aucun écho ». Selon lui, « l’interdiction de la corrida reste un sujet marginal pour la majorité du grand public. Il reste donc à en faire découvrir la réalité à l’ensemble de la population. Quant aux vétérinaires, ils ne peuvent pas être absents de ce débat ! Nous les invitons à s’inscrire en ligne sur notre site 4 , sachant que notre collectif compte déjà 2 200 adhérents ».

1 Lire la réponse du président de l’Ordre au Covac : bit.ly/2dCn9bf.

2 Lire la rubrique “Vétérinaires” sur terredetoros.com.

3 Lire le rapport du pôle éthique vétérinaire et animal : bit.ly/2d9foa7.

4 veterinaires-anticorrida.fr.

“ Cet avis résulte d’une démarche démocratique,pyramidale et consensuelle.”
ghislaine jançon
“ Les vétérinaires ne peuvent pas être absents de ce débat ! ”
jean-françois Courreau
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