La propriétaire d’une jument blessée, une victime indemnisée - La Semaine Vétérinaire n° 1689 du 28/09/2016
La Semaine Vétérinaire n° 1689 du 28/09/2016

JURISPRUDENCE

ÉCO GESTION

Auteur(s) : CÉLINE PECCAVY 

Lors d’un accident impliquant une voiture et un cheval, comment être indemnisé pour la dévalorisation de l’animal heurté par le véhicule et les frais engagés ? Il convient de ne pas confondre victime et bien de la victime.

Mme M, qui dirige un centre équestre, est propriétaire de plusieurs chevaux, dont la jument K. Le 28 mars 2014, deux cavalières de son centre, Mlles W et P, partent faire une balade à cheval. Mlle W monte la jument K.

Elles empruntent une route départementale lorsqu’une voiture venant dans le même sens de circulation et conduite par Mme V heurte et blesse la jument K au jarret gauche.

Une route, trois personnes, une voiture, deux chevaux, rien de plus. Pas de témoin de la scène.

Deux versions radicalement opposées vont, de ce fait, être communiquées aux assurances dans un premier temps et en justice dans un second temps, faute d’arrangement amiable1.

La version de M me V : selon Mme V, l’accident est intervenu alors qu’elle doublait tranquillement les chevaux. La jument K aurait soudain pris peur de quelque chose qui se trouvait dans le fossé, se serait déportée sur la gauche et aurait même rué. Sous le choc, le phare avant du véhicule, ainsi que le rétroviseur ont été endommagés. Mme V en demande le remboursement.

La version des cavalières : celles-ci affirment toutes deux qu’elles circulaient en file indienne, au pas et en serrant leur droite lorsque Mme V est arrivée sur cette même route dans le même sens de circulation. Sa vitesse était cependant bien trop élevée et aucune distance de sécurité n’a été prise pour dépasser les deux chevaux. Le choc, inévitable, a donc eu lieu. À l’instar de Mme V, Mme M demande l’indemnisation de son préjudice.

L’estimation des préjudices subis par la jument : afin d’allier gain de temps et fiabilité, Mme M a fait le choix de faire examiner la jument par un vétérinaire tiers au dossier et expert près la cour. Celui-ci conclura notamment à une ankylose articulaire avancée, non réversible, des étages distaux du jarret gauche dans une situation relativement stabilisée, mais dont l’aggravation est possible si le jarret est soumis à des contraintes mécaniques que suppose une activité sportive ou d’enseignement de l’équitation. L’usage en équitation sportive (obstacles, dressage) ou en enseignement constitue une contre-indication médicale, et il vaut donc mieux s’orienter désormais sur la reproduction ou la compagnie.

Sur la base de ce rapport, Mme M a demandé à être indemnisée principalement pour la dévalorisation de la jument, la perte sur produit d’exploitation, les frais vétérinaires et de pharmacie engagés.

Le jugement rendu

Le tribunal va tout d’abord exposer que cette affaire doit être jugée selon les dispositions de la loi du 5 juillet 1985 (loi Badinter). Le magistrat rappellera ensuite que la victime, dans un accident de la circulation, a droit à l’entière réparation de son préjudice aux biens, sauf si elle a commis une faute.

Si Mme V veut pouvoir se dégager de toute indemnisation, elle doit donc prouver une faute. À défaut, elle sera condamnée à réparer. S’agit-il de la faute du cheval ? Eh bien, non ! Juridiquement, et c’est ici que le jugement est intéressant (tout en étant conforme au droit) dans sa motivation, la victime n’est autre que la propriétaire de la jument. C’est donc la faute de Mme M qui est ici évaluée. Comment ? Comme suit : « Les deux cavalières du centre équestre géré par la demanderesse se trouvaient bien en file indienne au pas, en serrant leur droite sur une route ouverte à la circulation où elles avaient le droit de circuler, ce qui démontre que la propriétaire du centre avait bien inculqué aux cavalières les règles de circulation sur route et ainsi satisfait à son obligation d’information, ce d’autant qu’il n’est pas établi que le cheval blessé aurait été particulièrement dangereux ou vicieux, ce dont sa propriétaire aurait eu connaissance avant la survenance de l’accident. M me M est, dès lors, fondée à obtenir réparation intégrale de son préjudice. »

En conclusion, au regard de la loi Badinter, il convient de ne pas confondre victime et bien de la victime, même si celui-ci est un être vivant...

1 Le jugement de cette affaire a été rendu par le tribunal d’instance de Muret (Haute-Garonne), le 13 mai 2016.

Formations e-Learning

Nouveau : Découvrez le premier module
e-Learning du PointVétérinaire.fr sur le thème « L’Épanchement thoracique dans tous ses états »

En savoir plus

Boutique

L’ouvrage ECG du chien et du chat - Diagnostic des arythmies s’engage à fournir à l’étudiant débutant ou au spécialiste en cardiologie une approche pratique du diagnostic électrocardiographique, ainsi que des connaissances approfondies, afin de leur permettre un réel apprentissage dans ce domaine qui a intrigué les praticiens pendant plus d’un siècle. L’association des différentes expériences des auteurs donne de la consistance à l’abord de l’interprétation des tracés ECG effectués chez le chien et le chat.

En savoir plus sur cette nouveauté
Découvrir la boutique du Point Vétérinaire

Agenda des formations

Calendrier des formations pour les vétérinaires et auxiliaires vétérinaires

Retrouvez les différentes formations, évènements, congrès qui seront organisés dans les mois à venir. Vous pouvez cibler votre recherche par date, domaine d'activité, ou situation géographique.

En savoir plus


Inscrivez-vous gratuitement à nos Newsletters

Recevez tous les jours nos actualités, comme plus de 170 000 acteurs du monde vétérinaire.

Vidéo : Comment s'inscrire aux lettres d'informations du Point Vétérinaire

Retrouvez-nous sur