DOSSIER
Auteur(s) : MICHAELLA IGOHO-MORADEL
Quarante, c’est le nombre de mesures du plan ÉcoAntibio pour réduire de 25 % en cinq ans (de 2012 à 2017) l’usage des antibiotiques en médecine vétérinaire, afin de préserver leur efficacité. Où en est-on de sa mise en œuvre ? Quelles sont les mesures qui restent perfectibles ?
Le ministère de l’Agriculture, de l’Agroalimentaire et de la Forêt dévoilait, en novembre 2011, le plan ÉcoAntibio 2012-2017. Deux objectifs sont visés par cette première étape : diminuer de 25 % en cinq ans l’exposition des animaux aux antibiotiques et axer les efforts sur la réduction des recours aux antibiotiques d’importance critique en médecine vétérinaire, notamment les céphalosporines de 3e et 4e générations et les fluoroquinolones. 2016 est l’occasion de dresser le bilan de l’application de ces 40 mesures. Des actions ont été mises œuvre, mais d’autres sont encore dans les tuyaux…
L’un des objectifs chiffrés du plan ÉcoAntibio 2012-2017 était la réduction de 25 % en cinq ans de l’usage des antibiotiques en médecine vétérinaire. Les résultats obtenus sur cette période ont été exprimés en fonction du niveau d’exposition animale aux antibiotiques, indicateur appelé Alea. Il est calculé, chaque année depuis 1999, par l’Anses-ANMV. Grâce à ce suivi, une première tendance a pu être dégagée, bien qu’il soit encore prématuré de communiquer des chiffres précis. Selon l’Anses, une diminution de 20 % de la consommation des antibiotiques en santé animale a été observée entre 2012 et 2015. Il semblerait que les résultats définitifs du plan ÉcoAntibio 1 seront connus en 2017, une fois que l’Anses publiera son rapport sur le suivi des ventes de spécialités vétérinaires contenant des antibiotiques en France en 2016. Cette baisse continue devrait se poursuivre cette année. Le rapport de l’ESVAC, qui suit cette évolution au niveau européen, place déjà la moyenne française en deçà de la consommation européenne d’antibiotiques en médecine vétérinaire, qui était en 2012 de 144 mg/kg contre 99,1 mg en France.
Depuis 1982, le Résapath est chargé d’assurer la surveillance de l’antibiorésistance des bactéries pathogènes animales. Pour l’année 20141, le réseau indique avoir collecté plus de 36 000 antibiogrammes issus de ses 67 laboratoires adhérents. Ces échantillons sont répartis par espèce animale (bovins 27,7 %, volailles 22,2 %, chiens 18,9 %, et un peu moins pour les équidés, les porcs et les chats). À cette même période, une tendance à la baisse des résistances aux antibiotiques critiques est observée. De façon plus détaillée, concernant les céphalosporines de 3e et 4e générations (C3G et C4G), « les taux les plus élevés se situent entre 5 et 10 % et concernent les veaux, les chiens et les chats, ainsi que les équidés. Dans les autres espèces animales, le taux est égal ou inférieur à 5 % (notamment pour les poules/poulets, les porcs et les dindes) ». Le rapport souligne toutefois une hausse chez les veaux. Pour les fluoroquinolones, « les taux de résistance sont globalement plus élevés que ceux aux C3G et C4G. À titre d’exemple, malgré les tendances à la baisse, ils sont supérieurs à 20 % chez les bovins, à 15 % chez le chien et à 10 % chez le porc ». Plus généralement, une diminution chez les bovins et les chiens ou une stabilisation (autres espèces) sont notées. En revanche, pour les antibiotiques non critiques, le recul est net : « Des tendances à la baisse de la résistance sont observées depuis 2006 pour la plupart des antibiotiques et dans toutes les filières ».
Interrogé sur la synthèse de ce premier plan, Michel Baussier, président de l’Ordre national des vétérinaires, indique qu’« à l’examen du bilan, tel qu’il a été fait par la DGAL récemment et tel qu’il sera vraisemblablement repris lors des journées consacrées en novembre à l’antibiorésistance, il faut reconnaître que c’est un sentiment global positif qui domine. La consommation d’antibiotiques vétérinaires a très notablement baissé et semble se situer dans l’objectif du plan. L’antibiorésistance apparaît plutôt, d’après les premiers signaux, à la baisse. On peut dire qu’en cinq ans la sensibilisation des principaux acteurs a été très importante et leur évolution comportementale très positive. C’est à l’évidence la principale cause de réussite. Cela tient incontestablement à la méthode interactive et participative de construction de ce plan. C’est sans doute ce qui fait la différence avec celui en santé humaine, qui semble assez loin d’avoir donné d’aussi bons résultats ». Le président de l’Ordre explique qu’« il n’est toutefois pas certain que les bons résultats dont on tend à se féliciter soient le fruit exclusif du plan ÉcoAntibio. Les vétérinaires, en ce qui les concerne, s’étaient remis en cause et avaient su modifier leurs comportements avant toute pression réglementaire. Quoi qu’il en soit, il ne faut point trop d’autocongratulation. Le triomphe doit rester très modeste, le risque de rechute demeure. L’effort doit donc se maintenir sans relâche ».
À son tour, Marie-Anne Barthélémy, secrétaire du SIMV, rappelle qu’en tant qu’acteur du plan son regard est « positif sur la méthode employée pour le construire. La démarche collective a été gagnante, elle a permis aux différentes parties prenantes de mieux se connaître, de comparer leurs expériences et de prendre chacun sa part de responsabilité. C’est un vrai succès du plan vétérinaire ». Elle nuance toutefois ses propos en soulignant que « le bilan est plus réservé si on évalue la réussite du plan ÉcoAntibio au regard de ces deux objectifs annoncés. La baisse des quantités et des usages est bien là : l’exposition (Alea) a été réduite de 20 % en quatre ans. Cette diminution est observée dans toutes les espèces, et c’est le cas également concernant le suivi spécifique de l’usage des C3G et C4G, ainsi que des fluoroquinolones dites critiques. Cependant, on ne valorise pas beaucoup l’observation du moins et on ne parle pas du mieux. On peut regretter que la France ne soit plus visible lorsqu’il s’agit de parler de lutte contre l’antibiorésistance menée dans le secteur vétérinaire et de montrer les efforts accomplis ».
«
L’objectif de préserver durablement l’arsenal thérapeutique n’est, lui, pas atteint, minore-t-elle. L’arsenal est plus que jamais menacé par des demandes de nouvelles études. Or les laboratoires ne peuvent protéger leurs données sur des AMM existantes et hésitent à réinvestir. Le dispositif d’encadrement des antibiotiques critiques, qui ne tient pas compte des espèces, des indications et des voies d’administration, et le choix des normes françaises Afnor pour les tests de sensibilité ont porté un coup de frein à l’innovation. Ces mesures ont manqué d’étude d’impact.
» Marie-Anne Barthélémy conclut en indiquant que «
les mesures d’incitation à l’innovation ne seront crédibles qu’accompagnées d’une lisibilité des politiques en France et en Europe. Nous demandons une politique publique du médicament vétérinaire qui s’intéresse à favoriser l’accès au marché, à la promotion des médicaments au-delà des antibiotiques
: un plan de santé animale
».
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Source : plan ÉcoAntibio 2012-2017.
D’un point de vue quantitatif, les chiffres de l’Anses seront dévoilés en novembre prochain… mais les indicateurs montrent que l’objectif de réduction de l’utilisation des antibiotiques (25 %) sera vraisemblablement atteint. Qualitativement, le sentiment dominant est que les vétérinaires ont beaucoup subi, avec un excès de réglementation parfois difficile à comprendre. L’impression d’avoir été malmenés pendant cinq ans est réelle. En comparaison avec l’initiative lancée en médecine humaine, basée sur des mesures incitatives, celles prises pour la médecine vétérinaire sont presque toutes coercitives. De façon générale, les mesures législatives du plan ÉcoAntibio, pilotées par la DGAL, ont été mises en œuvre. On peut toutefois regretter l’absence d’études d’impact avant leurs promulgations : les pouvoirs publics n’ont pas pris en compte les conséquences qu’elles ont sur l’équilibre économique des structures d’exercice professionnel.
Il faut noter que les vétérinaires avaient bien, en amont, pris conscience des enjeux liés à la lutte contre l’antibiorésistance. Les praticiens, avec le soutien de la SNGTV, avaient mis en place des initiatives (journées nationales des GTV consacrées à l’antibiothérapie, bonnes pratiques en filière cunicole, moratoire en filière porcine, etc.), bien avant l’arrivée du plan, qui ont lancé une dynamique. On peut donc affirmer que ces efforts avaient déjà permis une baisse significative de la consommation des antibiotiques en médecine vétérinaire et des résistances des bactéries pathogènes avant que le plan n’entre en action.
La SNGTV a tenu ses engagements sur les mesures dont on lui avait confié le pilotage : formation continue des vétérinaires, guide de bonnes pratiques de l’antibiothérapie. La version 1 des fiches de bonnes pratiques d’usage des antibiotiques en productions animales est en ligne sur le site de la SNGTV depuis juin 2014. Une actualisation est en cours. Celles élaborées par l’Afvac et l’Avef seront bientôt disponibles.
Certaines mesures, pourtant attendues par les praticiens, n’ont pas été conduites à leur terme : on peut citer la mesure 20 sur la disponibilité des médicaments pour les espèces mineures, celle sur les traitements alternatifs (19), celle sur les moyens de diagnostic rapide (16) ou encore la mesure sur les autovaccins (15).
Pour l’avenir, sans engager de nouvelles mesures, il faut commencer par identifier ce qui n’a pas été fait dans le plan ÉcoAntibio 2012-2016 et, surtout, arrêter d’ajouter de nouvelles contraintes réglementaires.
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GLOSSAIRE
« LES MARGES DE PROGRÈS EN MATIÈRE DE SENSIBILISATION ET DE FORMATION SONT LARGES »
« LE SIMV EST TRÈS ENGAGÉ DANS LA CONSTITUTION D’UN ÉCOSYSTÈME FAVORABLE À L’INNOVATION »
« L’IMPRESSION D’AVOIR ÉTÉ MALMENÉS PENDANT CINQ ANS EST RÉELLE »
« LES FICHES CONCERNANT LES ANIMAUX DE COMPAGNIE SONT TERMINÉES »
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