Bien-être animal en élevage : utopie ou réalité ? - La Semaine Vétérinaire n° 1692 du 18/10/2016
La Semaine Vétérinaire n° 1692 du 18/10/2016

250 ANS D’ALFORT

ACTU

ÉVÉNEMENT

Auteur(s) : JEAN-PIERRE KIEFFER 

Le colloque « Bien-être animal et société » , organisé le 13 octobre à l’école d’Alfort, a été l’occasion de soulever des débats entre vétérinaires, enseignants, scientifiques, chercheurs, éleveurs et politiques.

Le 13 octobre, jour de son 250e anniversaire, l’École nationale vétérinaire d’Alfort (ENVA) a consacré un colloque au bien-être animal, organisé par les associations des anciens élèves de l’École nationale d’administration (ENA) et de l’ENVA, ainsi que le Réseau de santé publique vétérinaire, les débats étant animés par le journaliste Jean Lebrun.

Depuis deux siècles et demi, l’école d’Alfort est restée sur le même site, ce qui est un exemple unique. Elle se tourne résolument vers l’avenir, et le thème choisi pour ce colloque en 2016, « Bien-être animal et société », est bien éloigné des raisons de sa création en 1766, reflet de l’évolution de la société et de la profession.

Malgré l’absence de Michel Barnier et de Gérard Larcher annoncés au programme, le colloque s’est ouvert par deux interventions remarquables. René Carlson, présidente de la World Veterinary Association, a souligné que le bien-être animal était la clé de la santé animale, et que c’est le rôle des vétérinaires d’y veiller en éduquant les propriétaires des animaux et les professionnels, tout autant que les responsables politiques. Puis Françoise Demode, directrice de l’Association des anciens élèves de l’ENA, a rappelé que le bien-être animal est une forte demande sociétale, dont Michel de Montaigne avait tracé le contour, considérant que nous devions la justice aux hommes tout autant que la douceur et la bienveillance aux animaux, un véritable devoir de civilisation.

Développer des critères positifs de bien-être animal

Jean Glavany, ancien ministre de l’Agriculture (mais aussi vétérinaire honoris causa), est revenu sur l’amendement qu’il avait présenté pour introduire une modification du Code civil : « Les animaux sont des êtres vivants doués de sensibilité ». Il a confié avoir été sensible à l’appel de 24 intellectuels, relayé par la Fondation 30 millions d’amis. Jean Glavany a défendu sa méthode « des petits pas », qui n’avait pas empêché, d’un côté, une vive opposition de la Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles (FNSEA), et de l’autre, le reproche d’avoir coupé l’herbe sous le pied d’une réforme plus ambitieuse du statut de l’animal.

Des critiques sont venues de l’invité suivant, Jean-Pierre Digard, mettant en doute, sans discernement, les compétences et la sincérité de ces 24 intellectuels. Cet ethnologue connu pour ses prises de position contreles associations de protection animale, sans distinction,a agité le chiffon rouge des antispécistes et des vegans.

Francis Wolff, professeur de philosophie à l’École normale supérieure de Paris, a défendu l’idée de devoirs différents selon les espèces, les hommes n’étant pas des animaux comme les autres. Il a appelé à ne pas réduire la relation entre les hommes et les animaux à celle de la victime et du bourreau, et à développer des critères positifs de bien-être animal (et non l’absence de mal-être), comme l’a souligné également Patrick Pageat, vétérinaire comportementaliste.

Luc Mounier, professeur de zootechnie et bien-être animal à VetAgro Sup, a rappelé que la science a fait évoluer l’élevage en établissant que les animaux sont capables d’émotions. Le bien-être animal peut être évalué par un système harmonisé et fiable, comme le Welfare Quality® développé en élevage laitier. Le rôle du vétérinaire est essentiel pour une analyse objective et pour corriger les mauvaises pratiques.

Une réglementation pas toujours compatible avec le bien-être

Comme l’a précisé Léopoldine Charbonneaux, directrice de l’association “welfariste” Compassion in World Farming (CIWF) France qui, comme l’Œuvre d’assistance aux bêtes d’abattoirs (OABA), entretient un dialogue constructif avec les professionnels de l’élevage et de l’abattage, l’objectif est d’encourager les pratiques d’élevage respectueuses du bien-être animal et donc d’améliorer les conditions de vie des animaux. Cette approche n’oppose donc pas l’homme et l’animal, au contraire. Le bien-être des deux est intimement lié. Cela passe par une amélioration du conventionnel et un développement de l’alternatif. Mais encore faut-il que le consommateur soit informé par un étiquetage du mode d’élevage pour faire un choix éclairé. Cet étiquetage a beaucoup de mal à s’imposer, dans un contexte où la course aux prix les plus bas est engagée par la grande distribution. Les prix du porc ou du lait mettent des producteurs sur la paille, et le bien-être ne fait pas toujours le poids face au diktat économique.

Christiane Lambert, vice-présidente de la FNSEA, a détaillé le mode de fonctionnement de son élevage de 300 truies et les relations entre l’éleveur et ses animaux. Mais une confusion est apparue dans le débat entre le respect des normes réglementaires et le bien-être animal. Ces normes minimales assurent la santé et la productivité des animaux, mais ne répondent pas réellement aux besoins comportementaux des porcs. Le comportement fouisseur du porc à l’engraissement, élevé sur caillebotis, peut-il être véritablement satisfait avec des objets manipulables, tels que des chaînes ?

Marc Prikazsky, PDG de Ceva Santé animale, a révélé les résultats récemment publiés d’une enquête, dont il ressort que 90 % des Français se déclarent concernés par le bien-être animal. 40 % précisent que leur sensibilité s’est accrue pendant les 12 derniers mois. Ce sont 60 % des citoyens qui souhaitent un meilleur environnement pour les animaux de rente.

Le bien-être animal inscrit dans le Code de déontologie

La conclusion du colloque revenait au président du Conseil national de l’Ordre des vétérinaires. Comme il aime à le rappeler, Michel Baussier est fils d’exploitant agricole. Il a exercé en clientèle rurale, avec des éleveurs, dont l’un lui avait communiqué cette définition : « L’éleveur, c’est quelqu’un qui touche ses animaux. » Le bien-être animal est un point important du nouveau Code de déontologie, qui doit être au cœur des préoccupations des vétérinaires, appelés à ne plus être silencieux sur ce sujet essentiel.

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