La tauromachie divise toujours l’Espagne

En quelques jours, plusieurs coups de théâtre ont remué l’Espagne, dans le sempiternel débat qui divise aficionados et opposants à la tauromachie. Jeudi 20 octobre, le tribunal constitutionnel espagnol (TC) a annulé l’interdiction des corridas, votée en juillet 2010 par le Parlement de Catalogne, sur le motif que ce dernier aurait outrepassé le droit : la Catalogne dispose en effet des compétences juridiques pour réguler les fêtes taurines, mais elle ne peut interdire les corridas, déclarées patrimoine culturel… plusieurs années plus tard, en 2013 ! Le 25 octobre 2016, le Congrès des députés espagnols vient, à son tour, de voter des mesures pour renforcer la tauromachie. Au grand dam notamment des militants de la cause animale, des indépendantistes catalans et de Podemos, le jeune parti de la gauche radicale. Quant au président de la Fédération des entités taurines de Catalogne, Francisco March, il salue une « victoire morale » concernant la décision du TC.

Peu de conséquences en France

Dans l’Hexagone, nombre d’observateurs, pro- comme anticorrida, semblent pourtant s’accorder pour juger qu’il « s’agit avant tout d’événements espagnols d’essence politique, qui n’auront vraisemblablement que peu de conséquences sur la France ». Quant à l’Ordre national des vétérinaires, « il n’a aucun commentaire à faire à propos d’une telle décision du TC, purement de droit, et qui plus est, de droit espagnol », indique Ghislaine Jançon, en charge de la commission éthique vétérinaire et animal de l’Ordre. « Les Espagnols semblent repartis dans une guerre de mouveme nt, assortie de batailles juridiques », analyse, pour sa part, Jean-François Courreau, professeur émérite à Maisons-Alfort, animateur et cofondateur du Collectif des vétérinaires pour l’abolition de la corrida (Covac). Et d’ajouter : « Au final, la Catalogne pose un défi au pouvoir central. Dans les faits, l’avis du TC ne sera pas suivi d’effets, puisque notamment les maires, les communautés de communes, les parlements régionaux peuvent prendre diverses mesures anticorrida ». En interdisant, par exemple, l’entrée des mineurs ou en bloquant des subventions. En Catalogne, plusieurs personnalités politiques ont déjà réagi en ce sens. Comme la maire de Barcelone, Ada Colau, qui rappelle sur Twitter que « Barcelone est une ville antitaurine depuis 2004 ». De plus, une ordonnance municipale y interdit les spectacles mettant en scène la mort d’un animal. « Quoi qu’en dise le TC, commente Ada Colau, nous ferons respecter les normes qui empêchent la maltraitance animale. » Pour sa part, la vice-présidente du gouvernement de Madrid, Soraya Sáenz de Santamaría, lui a répondu lors d’une conférence de presse « qu’il fallait savoir accepter un jugement, qu’il plaise ou non. C’est la règle du jeu de toute démocratie. Si nous disions aux citoyens qu’ils doivent seulement respecter les décisions judiciaires qui leur donnent raison, toutes les sentences seraient contournées ».
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