CONFÉRENCE
PRATIQUE CANINE
Formation
Auteur(s) : LAURENT MASSON
La mise en application du décret du 1er avril dernier1 amène le praticien à s’interroger sur ses pratiques quotidiennes. En effet, la prescription d’antibiotiques peut parfois s’avérer superflue en urologie ou en gynécologie.
Face à des signes de cystite chez le chat, une antibiothérapie n’est pas recommandée en première intention. Seuls 2 à 10 % des cystites sont bactériennes, la majorité étant idiopathiques. Néanmoins, chez des chats de plus de 10 ans sans antécédents de cystite, plus de 50 % des chats pollakiuriques peuvent présenter une infection urinaire : une uroculture est donc conseillée. Chez le chat atteint de maladie rénale stable présentant une cystite, une antibiothérapie peut être recommandée en raison du risque d’aggravation de l’insuffisance rénale liée à une pyélonéphrite. Chez le chien, le risque d’infection du tractus urinaire (ITU) est plus probable : environ 25 à 30 % des chiens pollakiuriques présentent une cystite bactérienne. Un examen du culot urinaire vient confirmer l’hypothèse. Une prostatite doit être suspectée chez tout chien mâle présentant des signes d’atteinte du tractus urinaire. Enfin, il importe de ne pas se contenter d’une antibiothérapie lors d’infection compliquée, récidivante ou avec un facteur favorisant. La prise en charge du facteur favorisant est indispensable si l’on veut obtenir une guérison. Dans tous les cas sans atteinte de l’état général, il n’y a aucune raison d’utiliser des antibiotiques critiques en première intention, même en l’attente des résultats de l’uroculture.
L’incidence des pyélonéphrites n’est pas connue, d’autant plus que des atteintes du haut appareil urinaire peuvent être rencontrées sans atteinte du bas appareil urinaire. Les symptômes évocateurs sont une fièvre et une douleur à la palpation rénale (si apparition aiguë), une baisse de l’état général, une polyuro-polydipsie (PUPD), une augmentation de la taille des reins et une insuffisance rénale associée. Il est souvent difficile de savoir qui, de l’infection ou de l’insuffisance rénale, est à l’origine de l’autre.
Les signes cliniques de prostatite aiguë sont un abattement, une hyperthermie, une palpation abdominale tendue et une raideur des membres postérieurs (boiterie parfois). Des signes urinaires (dysurie, pollakiurie, strangurie, hématurie intermictionnelle) sont observés dans un quart des cas. Une prostatite chronique doit être suspectée lors de cystite chronique récidivante, de mauvaise libido ou de semence de mauvaise qualité. Au toucher rectal, la prostate est irrégulière, éventuellement basculée, rarement douloureuse, peu souvent associée à une adénomégalie locorégionale. Seulement 34 % des prostatites sont compliquées d’une infection.
Chez le chien, l’utilisation de la bandelette urinaire peut venir conforter l’hypothèse d’ITU en présence d’une leucocyturie et d’une nitriturie (positive surtout en faveur d’Escherichia coli), ainsi qu’une augmentation du pH lors d’ITU causée par des germes à uréase+ (Staphylococcus spp., Proteus mirabilis). Cependant, l’absence de ces signes ne permet pas d’exclure une ITU. Lors d’infection, les hématuries sont plus souvent microscopiques et sans atteinte systémique : des examens d’imagerie sont donc recommandés lors d’hématurie macroscopique. L’examen du culot urinaire peut mettre en évidence la présence de leucocytes, de bactéries, ainsi que de cristaux de struvites. Chez le chien, la cristallurie à struvites évoque dans 95 % des cas une ITU par germe à uréase+.
La cystocentèse reste la technique de choix, mais un prélèvement lors de la miction est possible après avoir nettoyé la zone urogénitale. La mise en culture doit être rapide, en conservant les urines au froid pour éviter les faux positifs, ou en utilisant un tube à l’acide borique (effet bactériostatique). Enfin, il est important de rappeler qu’une uroculture positive ne permet de confirmer qu’une infection du bas appareil urinaire.
Lors d’uroculture négative à partir de cystocentèse, la suspicion de pyélonéphrite ne peut pas être totalement écartée. Idéalement, la pyélonéphrite est confirmée en mettant en culture des urines pyéliques ou une biopsie rénale. Néanmoins, en présence d’hyperthermie, de douleur à la palpation rénale, de leucocytose, de dilatation pyélique ou de calcul rénal coralliforme à l’échographie, de cyclindres leucocytaires, une uroculture positive sur un prélèvement par cystocentèse est très en faveur d’une pyélonéphrite. La situation est plus compliquée devant une uroculture positive chez un chat uniquement azotémique : il convient de suspecter une pyélonéphrite et de voir si l’antibiothérapie permet d’améliorer l’azotémie.
Lors de signes d’atteinte du bas appareil urinaire, un examen cytobactériologique des urines (ECBU) est réalisé en première intention à partir d’urine recueillie par cystocentèse. En l’absence de signes urinaires, un ECBU est sans intérêt. Une échographie doit être réalisée afin de rechercher des signes d’hyperplasie bénigne de la prostate (taille augmentée, présence de cavités de taille inférieure à 1 cm), de prostatite aiguë (tissu adipeux péricapsulaire hypoéchogène, ascite anéchogène péricapsulaire, et adénomégalie +/- hétérogène), de kyste ou d’abcès prostatique (souvent moins de 1 cm, 30 % des kystes sont porteurs sains de bactéries). En présence d’anomalies échographiques, une ponction prostatique (voire un massage prostatique) est réalisée en vue d’une analyse cytologique et bactériologique. La biopsie prostatique permet de réaliser un diagnostic différentiel avec la métaplasie squameuse et le carcinome prostatique, mais elle est coûteuse (matériel et anesthésie flash). Enfin, des signes de spondylodiscite peuvent être observés sur la radiographie lombosacrée. La collection d’éjaculat est intéressante mais peu spécifique et difficile à réaliser sur un chien douloureux.
Lors de cystite, les antibiotiques à privilégier sont l’amoxicilline seule, la céphalexine et les sulfamides potentialisés. La durée du traitement est de 7 à 10 jours, voire de 3 à 6 semaines en cas d’infection compliquée, avec un antibiotique choisi à partir de l’antibiogramme. Les antibiotiques critiques ne seront utilisés qu’en l’absence d’alternative (tétracycline, nitrofurantoïne ou gentamicine). Il conviendra de s’assurer de la guérison en réalisant un ECBU 5 jours après l’arrêt de l’antibiothérapie. Bien sûr, il est important de contrôler la source de l’infection (tumeur, calcul, malformation, etc.) afin de limiter l’utilisation des antibiotiques et d’arriver à un succès thérapeutique.
Lors de pyélonéphrite où la survie de l’animal est en jeu, il est recommandé d’utiliser une antibiothérapie par voie intraveineuse (IV) pendant les 3 à 4 premiers jours, avec un antibiotique qui diffuse bien dans le parenchyme rénal. Les quinolones sont ainsi souvent choisies car cette famille dispose d’une formulation intraveineuse et diffuse bien dans le rein. Le traitement antibiotique sera ensuite poursuivi, selon les résultats de l’antibiogramme, pendant 3 à 6 semaines, sans oublier de traiter un éventuel facteur favorisant présent. Les sulfamides et la cephalexine sont les autres alternatives possibles lors de suspicion de pyélonéphrite car elles diffusent bien dans le rein.
Dans la majorité des cas, les signes de prostatite disparaissent en 15 jours sans antibiotique grâce au seul traitement hormonal (acétate de delmadinone, acétate d’osatérone). Au long cours, il est possible d’envisager une castration, un renouvellement de l’acétate d’osatérone tous les 5 mois ou un implant de desloréline.
En première intention, il convient d’utiliser l’association sulfamides-triméthoprime en raison de leur bonne pénétration dans la prostate et de leur efficacité sur les germes généralement présents. La clindamycine et la doxycycline sont intéressantes en présence de mycoplasmes, germes anaérobies ou brucellose. En seconde intention ou chez un animal insuffisant rénal, les fluoroquinolones sont utilisées, avec un contrôle obligatoire à 4 semaines. Le traitement antibiotique dure au moins 4 semaines lors d’association à une castration chimique et 9 à 12 semaines sans traitement hormonal associé (chien castré, par exemple). La durée est de 4 à 6 semaines lors de chronicité et de 9 à 12 semaines lors de récidive. La posologie peut enfin être doublée, surtout en cas de sensibilité intermédiaire. Lors d’abcès prostatique, la vidange partielle est suivie de rinçages à l’aide d’injections d’une solution isotonique et terminée éventuellement par l’injection locale d’un antibiotique (tétracycline) ou d’huile essentielle d’arbre à thé diluée (quantité = un quart du volume aspiré) pour scléroser l’abcès.
Les vaginites chroniques ne nécessitent pas toujours des antibiotiques (traitement systémique ou local pour mammite bovine), mais principalement des rinçages réguliers avec un anti-inflammatoire (Opalgyne®2 0,1 % solution vaginale), et éventuellement la correction d’un entropion vulvaire ou une chirurgie du moignon utérin chez une chienne ovariectomisée.
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1 Voir la Semaine Vétérinaire n° 1666 du 18/3/2016, page 12.
2 Pharmacopée humaine.
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