Le nouveau monde : une chance à saisir pour la profession vétérinaire ! - La Semaine Vétérinaire n° 1700 du 13/12/2016
La Semaine Vétérinaire n° 1700 du 13/12/2016

ACTU

Ce début de xxi e siècle est marqué par des révolutions technolo giques (dont le numérique) qui transforment profondément les modèles économiques et sociaux. Nous ne sommes pas simplement face à un effet schumpétérien, où le neuf remplace l’ancien, mais aussi face à un effet darwinien où toute entité de la société doit s’adapter ou disparaître (ou simplement décliner).

Le nouveau monde modifie la nature du pouvoir au sein de toutes les sociétés. D’un pouvoir vertical, on passe à un pouvoir horizontal où l’indicateur principal devient la connectivité. Un État, une institution, une profession n’ont de force que s’ils sont largement connectés sur le monde extérieur. Ce changement de paradigme du pouvoir transforme les rapports de force, en faveur des femmes notamment. Monter en haut d’une hiérarchie est propre à l’égo de l’homme, être au centre d’un cercle et se connecter avec toute sa périphérie est plus naturelle pour les femmes. Les pays cosmopolites seront plus à l’aise dans ce nouveau monde…

Et la profession vétérinaire dans tout cela ?

Il est courant d’entendre que la profession vétérinaire a plutôt perdu de son influence ces dernières décennies, qu’elle se serait même paupérisée ! Ce n’est pas le lieu pour évaluer précisément ce déclin, mais si c’est le cas, elle est dans la situation de toutes les professions protégées par un statut, dans ce cas un diplôme qui donne un monopole d’exercice, que les barbares des nouvelles technologies veulent mettre au placard. « Disrupter ou être disrupté », voici la nouvelle règle. Face à cette protection statutaire, se pose le problème de la prise de conscience des risques existentiels pour la profession vétérinaire. Beaucoup jugeront ces propos excessifs. Qu’ils réfléchissent alors aux raisons du déclin de la profession. C’est une mort lente mais inévitable si la profession ne s’adapte pas au nouveau monde.

Je défends la position que cette phase critique est une chance pour la profession vétérinaire de se réinventer et de reprendre le pouvoir dans un champ d’exercice sanitaire plus large. Ce changement de monde se manifeste par le passage d’une économie industrielle à une économie de l’innovation, où la valeur remplace le volume. Les gagnants seront ceux qui seront à la frontière technologique. La profession vétérinaire exige un niveau de compétences, de qualification unique sur le secteur sanitaire, largement sous-exploité et sous-valorisé. Le nouveau monde permet, exige de se repositionner sur la réelle valeur ajoutée du vétérinaire. L’innovation technologique doit à la fois rehausser la valeur ajoutée de l’exercice vétérinaire et étendre son influence plus largement. C’est la ligne de mire à fixer, me semble-t-il.

C’est ce que cherche à exprimer le concept One Health, mais est-il bien conçu dans cet objectif de réinventer l’exercice à partir de l’innovation ? Il ne suffit pas de s’autoproclamer au cœur du système sanitaire pour en faire une réalité. L’évolution de l’enseignement, la création de nouveaux métiers (pour assister techniquement le vétérinaire clinicien, chercheur ou enseignant), la réorganisation des modes d’exercice sont-elles en cours ? La menace d’ubérisation de la profession est faible, sous réserve que celle-ci se réinvente. Dans un monde nouveau qui valorise la qualité, l’excellence et donc les qualifications de haut niveau, le vétérinaire doit en sortir gagnant.

La profession vétérinaire affronte un autre type de menace qui est double : la volonté européenne de déréguler les professions réglementées et l’aspiration des jeunes générations à un équilibre de vie non négociable. La profession vétérinaire est de nature libérale, encadrée par une réglementation spécifique et protectrice. L’approche ultra-libérale de la Commission européenne conduit à supprimer tout monopole d’exercice d’une profession au nom de la baisse des coûts et de la hausse du pouvoir d’achat des consommateurs. Ce serait le retour de la dichotomie entre le maréchal-vétérinaire et le médecin-vétérinaire du xixe siècle, et celle du docteur et de l’officier de santé en médecine humaine de la même époque. Cette menace ne doit pas être sous-estimée, car elle rejoint une aspiration marxiste de l’égalitarisme. Au nom de l’égalité, la médecine humaine comme vétérinaire devrait être ainsi fonctionnarisée, idée bien ancrée dans la technostructure française. Cela conduirait inévitablement à une médecine à plusieurs vitesses, plus inégalitaire et plus coûteuse, mais quand l’idéologie aveugle les puissants, le danger est réel !

La défense du modèle libéral de l’exercice vétérinaire nécessite de le réinventer. La jeune génération privilégierait l’équilibre de vie et l’obtention de temps libre au gain financier et à l’investissement jugé excessif des anciennes générations dans leur vie professionnelle. Soit ! Les pourfendeurs de l’exercice libéral voient dans ces aspirations une occasion unique pour assouvir leur idéal. Or, quel paradoxe serait cette évolution dans le nouveau monde, dominé par la montée en puissance de l’autonomie économique et sociale. Alors que les nouvelles formes de travail vont vers des carrières plus fragmentées, un statut d’indépendant en plein essor, le travail simultané pour plusieurs employeurs, on voudrait nous faire croire que les secteurs qui se sont développés sur l’exercice libéral n’auraient plus d’avenir. Quelle supercherie ! En revanche, c’est le signe que l’exercice libéral de la profession vétérinaire est à adapter, à moderniser pour le rendre attractif. Par essence, il est beaucoup plus adapté à l’exigence des jeunes générations de libre choix, d’équilibre de vie que le salariat. N’en faisons pas un handicap !

La profession vétérinaire dispose de tous les atouts pour partir à la conquête de ce nouveau monde et retrouver pouvoir, prestige et utilité sociale majeure. Son sentiment de déclin ne lui est pas spécifique et touche tous les secteurs de la société qui n’ont pas basculé dans le nouveau monde.

Cette reconquête ne peut être menée que par les hommes et les femmes qui la composent. Elle ne viendra ni de l’État ni des institutions vétérinaires, qui seront, au mieux, facilitateurs. C’est la révolution citoyenne qui s’exprime pour le meilleur comme pour le pire en ce début de xxie siècle. Faisons en sorte que ce soit pour le meilleur pour la profession vétérinaire !

FRÉDÉRIC BIZARD (A 91)

est économiste et enseignant à Sciences Po Paris. Spécialiste des questions relatives aux systèmes de santé et expert auprès du Sénat, pour celles portant sur la protection sociale, ses travaux ont inspiré plusieurs programmes présidentiels pour 2017. Il a publié de nombreux ouvrages en économie de la santé, dont Politique de santé : réussir le changement en 2015 et Complémentaires santé : le scandale ! en 2016.
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