ACTU
Avec l’âge vient la routine. Même si mon activité professionnelle a toujours été “bercée” – bousculée parfois – par les urgences, il me semblait nécessaire d’introduire l’aspect recherche et innovation dans notre activité au sein de la clinique pour ne pas tomber dans cette vilaine routine. Il doit donc s’agir au début d’une réaction personnelle à la crise de la cinquantaine ! Plus sérieusement, économiquement, c’est une nécessité : il nous faut innover dans notre quotidien de praticien, pour faire mieux, plus vite et moins cher. Intellectuellement, nous cherchions à repousser les limites de notre pratique.
C’est en 2005 qu’une hernie discale m’oblige à adopter un rythme de travail allégé, passant de 31 à 15 jours de travail en clientèle par mois. Du jour au lendemain, que de temps libre ! J’en profite alors pour monter un dossier de validation des acquis de l’expérience (VAE). Ce dossier est resté bloqué 5 ans, car je ne disposais d’aucun article de recherche édité dans une revue internationale référencée, anglophone, et à comité de lecture. Autant vous dire qu’à l’époque, être “du pays de la rillette” n’ouvrait pas les portes de ces revues, déjà saturées par les propositions d’articles des universitaires. Notre première recherche a tout de même débuté en 2006 : il s’agissait de mesurer les effets produits par les ondes de choc sur les valgus de poulains. Cette étude a duré 8 ans et la publication a été acceptée en 2013. Une présentation a été possible au congrès de la World Equine Veterinary Association (Weva) à Budapest (Hongrie), ce qui a permis à la clinique, en 2013, d’obtenir son premier diplôme d’études spécialisées vétérinaires (DESV) de chirurgie équine.
Avoir un “spécialiste” dans l’équipe de recherche n’est pas un prérequis, mais est en tout cas fortement recommandé, si l’on souhaite mettre en place l’aide fiscale qu’est le crédit d’impôt recherche (CIR).
Très peu de structures vétérinaires équines se lancent dans la recherche en ayant recours au CIR. Nous sommes suivis pas à pas dans la démarche administrative et comptable (par le cabinet WeSearch). Les contrôles de l’administration sont fréquents et en cas d’irrégularité ou d’infraction, la sanction est immédiate : votre société doit rembourser les sommes défiscalisées.
Nous avions constaté qu’en France, la recherche en activité équine se faisait essentiellement dans les structures publiques (écoles vétérinaires, Inra1, etc.). C’était donc aussi un challenge pour la clinique de montrer le bout de son nez.
Notre ligne de conduite est la suivante : nous essayons de développer une nouvelle technique de traitement, le plus souvent chirurgicale, et dans un domaine où nous avons un grand nombre de cas. Nous développons aussi les instruments qui nous semblent les plus adaptés à la technique imaginée. L’aventure des trocarts GR en est la parfaite illustration, et c’est aussi un vrai conte de fée…
La recherche doit suivre le schéma suivant : dans un domaine, on fait le tour des connaissances acquises, en y consacrant des heures de lecture d’articles, on fait la bibliographie, on repère ensuite les faiblesses de la technique en cours et on imagine les objectifs à atteindre, pour faire mieux, plus vite et moins cher. Enfin, on confronte nos “rêves” à la réalité des possibles.
La cœlioscopie classique de l’abdomen sur cheval debout a montré bien des limites lors de son utilisation. Les chirurgies réalisées sont souvent longues, onéreuses, comportent des risques et demandent au chirurgien un apprentissage souvent très long. Nous avons cherché un moyen d’améliorer tous ces aspects. La chirurgie “monoport” que nous avons développée sur le cheval debout répond à cette attente. Il s’agissait, en 2010, de réaliser plus simplement la fermeture de l’espace néphrosplénique. Nous avons alors conçu le trocart GR1 et son instrumentation.
Les présentations en congrès ont commencé dans le Calvados, à Deauville (Avef2 2013), pour se poursuivre à Copenhague (Danemark, ECVS3 2014), à Dublin (Irlande, Equine Colic Research Symposium 2014), à San Diego (Californie, ACVS4 2014) et à Chihuahua (Mexique, AMMVEE5, octobre 2016). Forts de ces premiers succès, nous avons développé, dès 2014, la génération suivante de trocart GR, le modèle GR2, qui permet de faire la plupart des chirurgies que l’on réalise dans l’abdomen sur cheval debout. De grandes universités américaines utilisent maintenant les trocarts GR (Floride, Cornell, entre autres), ce qui représente pour nous un autre signe de reconnaissance. De façon plus exotique, une unité est en service au Brésil, à Rio de Janeiro, où j’espère pouvoir un jour animer un workshop !
C’est une chaîne de solidarité, un très bon moyen de valoriser l’ensemble de l’équipe de la clinique : de l’ASV jusqu’au chirurgien, chacun donne son avis, suit le développement et la diffusion des trocarts à travers le monde. C’est aussi un moyen d’associer un jeune diplômé de l’équipe aux différentes étapes, de la recherche à la publication. Nos vétérinaires référents apprécient largement nos efforts dans ce domaine, ils nous encouragent et deviennent bien souvent eux-mêmes utilisateurs et “testeurs” des techniques élaborées à la clinique. Développés à l’origine pour le cheval, ces trocarts ont été facilement utilisés en bovine (ablation des ovaires, observation de la cavité abdominale, prélèvement ou biopsie, etc.), lors d’interventions réalisées “à la ferme”, les bottes aux pieds…
La recherche, le plus souvent, démarre avec des heures d’autopsie, des dizaines d’observations, de mesures, d’essais. Il y a les faux espoirs et les déceptions, les prototypes qui ont coûté cher et qui ne fonctionnent pas, les soumissions d’abstracts refusées ou injustement critiquées… Tous ces aspects bien négatifs sont un mal nécessaire pour arriver à des succès, qui n’en sont alors que plus délicieux.
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1 Institut national de la recherche agronomique.
2 Association vétérinaire équine française.
3 European College of Veterinary Surgeons.
4 American College of Veterinary Surgeons.
5 Asociación Mexicana de Médicos Veterinarios Especialistas en Equinos.
CHRISTIAN BUSSY (N 87)
NOS PRINCIPAUX SUJETS DE RECHERCHE DEPUIS 2005
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