DOSSIER
Auteur(s) : SERGE TROUILLET
Les centrales de distribution de produits et services vétérinaires sont tellement intégrées au paysage vétérinaire, aujourd’hui, que l’on oublie parfois à quel point leur création, il y a une quarantaine d’années, a facilité la vie des praticiens libéraux. Au sein d’une profession en évolution permanente, elles adaptent leur développement entre tradition et innovation.
Le premier choc pétrolier, en 1973, n’est pas sans incidence sur la profession vétérinaire. Perce alors une inquiétude au regard de l’économie générale. Et donc la nécessité pour les vétérinaires, notamment les plus jeunes, de se prendre en main différemment. Au cœur des révolutions sociales, sociétales et économiques de l’époque, après 1968, la profession se réorganise. Elle entend rationaliser les procédures de commandes et de livraisons qui font alors intervenir d’innombrables acteurs. Dans une logique régionale, au début, des vétérinaires, soucieux d’efficacité et d’indépendance, se regroupent, et de nombreuses centrales d’achat de médicaments voient ainsi le jour un peu partout sur le territoire : « Coveto a été créée dans un esprit de start-up ; le mot n’existait pas, l’esprit, si », commente son directeur de la communication et du marketing, Emmanuel Thébaud.
La plupart des grandes centrales actuelles sont issues directement ou indirectement de ces premières structures. Le paysage de ce nouveau secteur d’activité se forme globalement entre 1973 et 1978, y compris la création de l’Association nationale des sociétés vétérinaires d’achat et de distribution de médicaments (ANSVADM). La loi n° 75-409 du 29 mai 1975, qui institue le partage de la fourniture des médicaments vétérinaires entre les pharmacies, certains groupements agréés et les praticiens libéraux, ne laisse pas de préoccuper ces derniers. Il s’agit donc de mutualiser des moyens pour acheter de plus gros volumes négociés à de meilleurs prix.
Pour Éric Humbert, président du directoire de Centravet, « le métier de grossiste-répartiteur consiste simplement à acheter des produits, à les stocker, à les conditionner, puis à les livrer. Le plus difficile est de le faire chaque jour le mieux possible, que chaque commande parvienne à son destinataire en temps et en heure quels que soient les aléas ».
Ce qui change relève de l’organisation de la distribution, très professionnalisée, tant sur le plan de la logistique que sur celui de la qualité (maintien de la chaîne du froid, gestion des stocks, des erreurs, respect de la réglementation, de la traçabilité, etc.). Hors de ces fondamentaux, la palette de l’activité des centrales s’élargit cependant : matériel, pet food, services. Philippe Leroy, président-directeur général d’Hippocampe, en résume l’objectif : « Nous sommes une force de proposition, pour permettre au praticien d’améliorer son exercice au quotidien dans toutes ses dimensions. »
Si aucune centrale ne conteste la nécessité de limiter l’usage des antibiotiques, les effets de la loi d’avenir agricole (n° 2014-1170 du 13 octobre 2014) en ont affecté le chiffre d’affaires. D’aucunes ont ressenti la logique du prix unique comme une négation de leur rôle de distributeurs devant couvrir leurs frais logistiques. Mais le principe de réalité prévalant, chacune a fait évoluer son modèle économique en conséquence. Éric Humbert, de Centravet, pense même que cette loi a permis à la profession vétérinaire « de prouver toute sa maturité et son utilité sociale, le syndicat et l’Ordre ayant fait un travail remarquable pour accompagner les vétérinaires dans ce changement ».
Les enjeux économiques, les nouvelles concurrences, les transformations techniques, sociales et réglementaires, obligent aujourd’hui les vétérinaires à faire évoluer leurs entreprises, à intégrer de nouvelles compétences de gestion, à développer des offres complémentaires de l’activité de soins. Dans ce contexte, le secteur de la distribution de produits et de services vétérinaires mise sur l’innovation, notamment dans les services, pour répondre à leurs besoins. Il ne se veut pas moins attentif à l’évolution de l’environnement de la profession.
Sa vigilance devrait contribuer, à cet égard, à ce que soit rejeté l’amendement 226 à la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil relatif aux médicaments vétérinaires, adopté le 10 mars 2016. Interdisant à tout vétérinaire d’avoir un intérêt économique ou financier dans une structure qui délivre ou fabrique des médicaments, il prouve assez combien le législateur ignore cet aspect de la situation des centrales vétérinaires, mais aussi de l’ensemble de la profession !
Cette attention à l’évolution de l’environnement de la profession vétérinaire concerne également les aspects liés à la transformation numérique, l’annonce d’ouvertures importantes de marché du médicament vétérinaire au niveau européen, concomitamment à des contraintes de pratiques de distribution, qui nécessiteront beaucoup de vérifications pour les achats ou les transferts de médicaments d’un pays européen à un autre. Lieve Vandekeybus, directrice d’Agripharm qui, Belge flamande, suit de près l’environnement réglementaire européen, considère qu’il s’agit là plutôt « d’occasions à saisir que de craintes à nourrir ».
Cette ouverture du marché est au cœur d’un débat très animé en Europe. Certains pays prônent la libéralisation totale et la diffusion sur Internet de l’ensemble des gammes de médicaments, tandis que d’autres souhaitent exclure les médicaments non dérogataires soumis à ordonnance. Ce projet de règlement européen, craint Éric Humbert, « porte en germe la légitimation des sites internet qui vendent des médicaments, dans une concurrence directe et agressive des vétérinaires. Le médicament vétérinaire n’est pas un produit anodin, il exige le conseil du praticien, y compris lorsque le canal de distribution est numérique ». Un argument à l’adresse des vétérinaires qui peuvent « compter sur Centravet pour ne pas alimenter ces sites ».
Compte tenu de ce contexte réglementaire, le marché des distributeurs vétérinaires risque de se restreindre de plus en plus. Si le couplage prescription-délivrance a été récemment confirmé, ce sujet d’inquiétude peut revenir lors d’une prochaine révision de la directive médicaments, vers 2025 ! Comment alors assurer la continuité de la prestation auprès des vétérinaires pour les centrales si leurs ressources se réduisent ? «
C’est le moment de réfléchir à l’élargissement de notre périmètre d’activité pour que les vétérinaires aient un outil qui demeure qualitatif. Nous les accompagnons pour qu’ensemble nous réinvestissions des segments de marché délaissés, tels que l’hygiène ou la nutrition. De nouvelles pistes se construisent avec eux
», indique Isabelle Schneider, directrice du marketing et du développement d’Alcyon, sans rien dévoiler de ses projets.
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« RESTER HUMBLE ET NE PAS COÛTER CHER »
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