MÉDICAMENTS VÉTÉRINAIRES
ACTU
ÉVÉNEMENT
Auteur(s) : MICHAELLA IGOHO-MORADEL, AVEC VALENTINE CHAMARD
La kétamine injectable est désormais classée comme stupéfiant, ajoutant une contrainte administrative pour la profession.
C’est décidé : à compter du 24 avril prochain1, la kétamine injectable est classée comme stupéfiant. Les praticiens, bien accoutumés à cet anesthésique, auront moins de trois mois pour être les garants de la mise en œuvre de la réglementation qui en découle. Cette décision intervient malgré la mobilisation des vétérinaires. Celle-ci est d’autant plus étonnante qu’elle va à contre-courant de ce que préconise l’Organisation mondiale de la santé (OMS) qui souhaite en préserver l’accès à la médecine humaine mais aussi vétérinaire. Malgré tout, les praticiens devront s’adapter, il semblerait que ce soit le prix à payer pour conserver l’usage de la kétamine.
Pour justifier son arrêté, le ministère en charge de la santé2 pointe une augmentation des usages récréatifs de la kétamine. Les premiers signalements ont d’abord concerné le milieu médical et ensuite le domaine vétérinaire. « Ce nouveau cadre réglementaire ajoute des obligations, bien que les mésusages constatés ne proviennent très probablement pas de l’utilisation de la kétamine par les vétérinaires », souligne Jean-François Rousselot, vice-président de l’Association française des vétérinaires pour animaux de compagnie (Afvac). Mais, selon l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM), « malgré l’application de me sures de contrôle, les services de police ont traité, entre 2009 et 2013, un nombre croissant d’affaires impliquant la kétamine, dont des vols dans les cliniques vétérinaires et les centrales d’achat. » Impossible, toutefois, de connaître précisément la part que représente ce trafic sur l’ensemble des signalements, les données affinées dont dispose l’agence étant confidentielles. À la question de savoir si les autorités françaises veulent “laver plus blanc que blanc”, l’ANSM répond que « la mesure d’inscription des préparations injectables de kétamine est une mesure de contrôle nationale, qui répond à une situation interne au pays. »
Le praticien devra tenir un registre spécifique des entrées et des sorties à conserver pendant 10 ans. Par “sorties” s’entendent les injections, mais aussi les flacons qui auraient été cassés ou volés. Le vétérinaire n’a pas l’obligation de noter, dans ce registre, les noms des fournisseurs et des animaux qui ont reçu la molécule. Il devra enregistrer ou marquer les dates, les volumes de produits qui lui ont été livrés et ceux qu’il a administrés (en millilitres et/ou en milligrammes). Ces informations peuvent être inscrites à l’encre, sans blanc ni surcharge sur le registre, ou alors centralisées dans un système informatisé. Le vétérinaire est aussi tenu de réaliser une balance mensuelle des entrées et des sorties (en millilitres ou en milligrammes). De même, un inventaire annuel par décompte est à prévoir, ainsi qu’en cas de cession de clientèle. En ce qui concerne son stockage, la kétamine, comme la tilétamine, devait déjà être tenue sous clé. À noter que si les résumés des caractéristiques du produit (RCP) précisent que cette substance doit être conservée « à l’abri de la chaleur », il n’est pas préconisé qu’elle le soit au réfrigérateur. La réglementation mentionne la rédaction d’une ordonnance sécurisée pour toute prescription de stupéfiant, même en cas d’administration par le vétérinaire, à remettre au propriétaire. « Une mesure à mon sens inutile pour la kétamine (qui n’est pas délivrée au propriétaire), voire même contre-productive, un tel document pouvant conduire à tort un pharmacien à en délivrer », estime Hervé Pouliquen, professeur à l’unité de pharmacologie et toxicologie d’Oniris. « Un simple registre devrait suffire », remarque-t-il. La destruction de médicaments stupéfiants périmés ou altérés doit se faire en présence d’un autre vétérinaire désigné par l’Ordre. Les inspections compétentes, services vétérinaires de la direction départementale de la protection des populations (DDPP), doivent également en être informées.
Pour Jacques Guérin, président de l’Ordre national des vétérinaires, le pire a été évité. «
Si l’on veut voir le verre à moitié plein, on relèvera qu’il existait un doute sérieux quant au maintien d’un usage vétérinaire de la kétamine. L’essentiel est qu’elle reste accessible aux vétérinaires. Le débat a été difficile, il se conclut finalement positivement
», retient-il. Interrogé sur les conséquences de ce classement pour les praticiens, le président de l’Ordre reconnaît que «
c’est administrativement plus lourd, mais les mêmes procédures existent pour l’utilisation de la morphine
», bien qu’il comprenne le mécontentement des praticiens. «
Lors du “coup de chaud” de 2013 concernant le découplage, la profession vétérinaire a dû accepter certaines contraintes. Dans ce cas, c’est sans doute le prix à payer pour conserver l’usage de la kétamine aux vétérinaires
», concède encore Jacques Guérin. Dans la pratique, les praticiens ne devraient pas se détourner de la kétamine, comme le rappelle Karine Portier, diplômée du Collège européen d’anesthésie et d’analgésie vétérinaire (ECVAA) et professeur à VetAgro Sup. «
Par exemple, c’est la molécule pour l’anesthésie du cheval. En l’absence de disponibilité du thiopental et en raison du coût prohibitif des autres molécules, il n’est pas possible de s’en passer. Toutefois, la tenue des registres peut être plus simple dans cette espèce, où des flacons entiers correspondent à un seul animal
», poursuit-elle. De même, son approvisionnement auprès des distributeurs (à partir d’un simple bon de commande) ne devrait pas être impacté. «
Les établissements en charge de la distribution en gros sont déjà autorisés à distribuer des stupéfiants de par les autres médicaments vétérinaires stupéfiants déjà existants. Les nouvelles contraintes réglementaires ne devraient pas avoir d’impact en matière de disponibilité
», souligne Jean-Pierre Orand, directeur de l’Agence nationale du médicament vétérinaire (ANMV).
•
1 Arrêté du 19/1/2017 modifiant l’arrêté du 22 février 1990 fixant la liste des substances classées comme stupéfiants.
2 QUESTIONS À L’AGENCE NATIONALE DE SÉCURITÉ DU MÉDICAMENT ET DES PRODUITS DE SANTÉ (ANSM)
« TROP C’EST TROP ! »
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