CONFÉRENCE
PRATIQUE CANINE
Formation
Auteur(s) : GWENAËL OUTTERS
La stérilisation des chiennes a été un acte incontournable pendant de nombreuses années, avec des bénéfices médicaux avérés. Cependant, des données scientifiques récentes tendent à nuancer cette pratique au profit de solutions au cas par cas.
Toutes races confondues, la stérilisation augmente la survie des mâles (+ 13,8 %) et des femelles (+ 26,3 %). Les animaux stérilisés meurent moins souvent de traumatismes et de maladies infectieuses, vasculaires et dégénératives. En revanche, ils sont davantage touchés par les néoplasies et les affections immunes. Chez le rottweiler, une stérilisation après l’âge de 6 ans multiplie par 4,6 les chances d’atteindre 13 ans, par rapport à une stérilisation pratiquée plus tôt. Les raisons de ce phénomène sont encore inconnues.
Les tumeurs mammaires touchent 53 % des femelles entières. Les races particulièrement prédisposées sont le boxer (40 % de risque), l’épagneul breton, le cocker, le teckel et le setter anglais. L’effet protecteur de la stérilisation avant les premières chaleurs sur l’apparition des tumeurs mammaires a été démontré par une étude de 1969. Elle limite le risque à 0,5 % si elle est pratiquée avant les premières chaleurs, à 8 % avant les deuxièmes chaleurs et à 26 % au-delà. La relation de cause à effet de la gonadectomie sur la réduction des tumeurs mammaires n’est pourtant pas si claire : en effet, il est établi que les lactations de pseudo-gestation prédisposent à ces tumeurs et que la stérilisation a un effet contre les récidives, même lorsqu’elle est pratiquée concomitamment au retrait d’une tumeur mammaire.
Dans la population canine générale, le risque de développer un ostéosarcome est de 0,2 %. En revanche, il serait de 1,3 à 2 % lors de stérilisation. Le retard de fermeture du cartilage de croissance et le lien entre les hormones sexuelles et la consolidation de la structure squelettique pourraient être en cause. Il convient donc de peser le pour et le contre de cette pratique pour les races à risque (doberman, dogue allemand, setter irlandais, irish wolfhound, rottweiler, saint-bernard). Les femelles rottweilers sont particulièrement concernées.
L’implication de la stérilisation dans l’hypothyroïdie est controversée. Une étude indique qu’elle triplerait le risque de développement d’une hypothyroïdie, mais cette statistique ne serait pas valable chez la femelle. Les gonadotrophines partagent une configuration moléculaire avec la thyréostimuline (TSH). Aussi l’augmentation persistante de la concentration des gonadotrophines pourrait-elle altérer la formation de TSH et induire une altération de la fonction thyroïdienne.
La stérilisation constitue un risque majeur d’obésité (multiplié par quatre), surtout chez la femelle. Cela est dû à des modifications hormonales (élévation des concentrations circulantes en insulin-like growth factor 1 ou IGF-1, en prolactine et en leptine) altérant les métabolismes lipidique et énergétique, associées à une diminution spontanée de l’exercice et à une augmentation de l’appétit. La stérilisation doit donc s’accompagner de conseils diététiques pour instaurer une restriction énergétique d’environ 20 %. La masse maigre est à conserver en apportant la même quantité de protéines qu’auparavant. Il est conseillé d’envisager une transition alimentaire de 15 jours lors d’une consultation préopératoire au cours de laquelle le bilan corporel, la composition et la quantité de l’aliment actuel, ainsi que le poids idéal sont déterminés.
L’incontinence urinaire est présente chez 4,9 à 20 % des femelles stérilisées, avec un risque supérieur pour certaines races (boxer, doberman et schnauzer) et les chiennes de plus de 20 kg, et d’autant plus qu’elles auront pris davantage de poids. Cette incontinence provient d’une incompétence musculaire du sphincter urétral œstrogène-dépendante, qui peut apparaître tardivement. La castration avant l’âge de 3 mois a davantage d’impact sur l’incontinence.
Des vaginites chroniques et des dermatites vulvaires sont également décrites lors de stérilisation prépubertaire. Ces maladies sont difficiles à gérer, et il convient de vérifier l’état de la vulve et du vagin avant de pratiquer cet acte.
De plus, la survenue d’infections urinaires est deux ou trois fois plus probable après une stérilisation, et d’autant plus que celle-ci a été précoce.
Enfin, cette pratique fait disparaître le risque de néoplasie sur le tractus reproducteur, mais augmente celui de carcinome vésical à cellules transitionnelles d’un facteur 2 à 4, bien que son incidence reste faible (1 %). Les races à risque sont l’airedale, le beagle, le colley, le scottish et le shetland.
La castration prépubère ralentit la fermeture de la plaque de croissance et fragilise les os longs, particulièrement dans les grandes races. À l’origine d’une asymétrie et d’une modification dans la conformation des articulations, d’une déformation et d’une laxité des ligaments, elle peut ainsi favoriser le développement d’une dysplasie de la hanche pour les races prédisposées. Le risque de rupture du ligament croisé antérieur semble multiplié par deux chez les animaux stérilisés précocement et chez ceux atteints d’obésité, ainsi que pour les races prédisposées. Cet effet est observé chez des animaux castrés même lorsque l’obésité est corrigée. La gonadectomie, par son influence hormonale, joue sur la laxité ligamentaire et l’angulation des genoux, et pourrait être un facteur favorisant, mais le lien avec l’obésité est également à chercher. Les races à risque sont l’akita inu, l’american staff, le labrador et le mastiff.
Les fistules périanales touchent surtout le berger allemand et le setter irlandais. Ces anomalies sont hormono-dépendantes et la stérilisation diminue leur risque d’apparition, de façon plus importante chez le mâle que chez la femelle. Le diabète et la stérilisation sont également imbriqués : les hormones ovariennes ont un effet antagoniste sur l’insuline et la castration fait partie du traitement de cette maladie. Cependant, l’obésité postcastration est susceptible d’induire un diabète. Enfin, la stérilisation peut avoir un effet sur la qualité du pelage, en particulier chez les chiens à poils longs tel le lévrier afghan, dont la robe devient parfois frisée, par exemple chez le chiot (“puppy coat”).
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