CLIO
Auteur(s) : CLARISSE BURGER ET MARINE NEVEUX
Le Comité de liaison des institutions ordinales a réuni ses 16 ordres pour débattre des moyens de préserver l’indépendance de leurs professionnels, dans un marché concurrentiel, avec des règles assouplies.
Alors que Bruxelles pousse à nouveau les États membres à améliorer la compétitivité du marché européen des services, le Comité de liaison des institutions ordinales (Clio) a rassemblé, le 1er février, à la Maison du barreau de Paris, ses 16 ordres pour faire le point sur l’indépendance, l’éthique et la déontologie.
« L’indépendance ne peut exister que par l’expression collective et doit pouvoir se décliner à tous les niveaux. Nous avons un devoir de proximité et d’humanité », a tenu à rappeler Frédéric Sicard, bâtonnier de l’Ordre des avocats au barreau de Paris. Oui, mais…
« Mais l’indépendance est souvent malmenée, parfois en viée ou reprochée », prévient Jean-François Dalbin, président de l’Ordre des géomètres-experts et du Clio.
Dans un marché européen des services en pleine mutation, dans un contexte politique et législatif parfois déroutant, les Ordres font face à de nouveaux enjeux, dont l’avènement de plateformes numériques non encadrées. Pour autant, « les professions réglementées doivent faire un effort de pédagogie et de transparence auprès des consommateurs, donner un accès rapide à l’information aux usagers qui ne connaissent pas forcément l’indépendance des professionnels », exige Agnès Christine Tomas-Lacoste, directrice générale de l’Institut national de la consommation (INC).
Pas si simple. Comme en témoigne Jean-Yves Le Bouillonnec, député du Val-de-Marne et vice-président de la Commission des lois : « Chaque État membre porte son propre regard sur les professions réglementées. Le monde change, avec l’exigence du citoyen à l’égard de l’État qui doit faire en sorte de mettre en place, à tel endroit, tel professionnel. L’État est en permanence comptable, devant aussi transposer les directives européennes. ».
L’autonomie des professions réglementées demeure une question majeure. « Comment fait-on pour garder l’autonomie alors même que l’on est exécutant et que l’État nous impose des règles ? Il convient de replacer la question de l’indépendance des professions réglementées dans cette réalité. Et les professionnels doivent aider l’État, par exemple, dans le cas des déserts médicaux, ajoute le vice-président. Je suis pour le renforcement des professions réglementées, qui doivent se coordonner entre elles, et souhaite que le modèle français s’adapte à la réalité actuelle des territoires. Car c’est bien de son territoire que l’usager veut voir son problème réglé. »
Les plateformes numériques de biens et services représentent-elles un danger pour les ordres ? « La technologie devient un élément important dans les décisions du professionnel », répond Jean-Hervé Lorenzi, président du Cercle des économistes. Le vrai mouvement qui arrive est celui de la bipolarisation du monde du travail, il n’y a jamais eu une telle hausse du travail non qualifié ces dernières décennies ». Doit-on y voir un danger pour les services professionnels de qualité ? Pour Grégoire Leclercq, président de l’Observatoire de l’ubérisation, les professions réglementées se trouvent face à un consommateur occidental plus exigeant qui notera tous les services dont il dispose. « Nous assistons à l’émergence d’un marché de savoir-faire différents, sur des plateformes devenues maîtresses du prix. » Et ces dernières disposent d’algorithmes très puissants, capables d’analyser de gros volumes de données, afin de mieux connaître les clients. « Or les professions réglementées n’ont pas cela aujourd’hui, ajoute-t-il. L’intelligence artificielle est en train de toucher du doigt certaines missions des professions du droit et du chiffre, notamment, qui pourront être traitées sans l’humain ».
Pour Grégoire Leclercq, les ordres « ont la chance d’être des organisations qui réfléchissent, qui peuvent tirer le meilleur des nouvelles technologies et du professionnalisme. Il est temps pour eux d’investir dans leurs plateformes ! »
Suivant la même logique, Robin Rivaton, directeur général de Paris Région Entreprises, pense qu’« il existe aujourd’hui des besoins en services à combler ». Pour cet économiste, la plupart des plateformes qui maîtrisent la relation client sont aujourd’hui concurrentes sur les prix mais pas sur la qualité. « Il reste donc un champ à explorer, celui des plateformes de distribution de services qui répondent à des règles de qualité. On les appliquerait comme on l’a fait pour la distribution de biens en France, dans les années 1960. » À l’instar du Code de la consommation des biens, « nous devons vraiment construire un Code de la distribution des services, avec des règles de contrôle. C’est une mission à confier aux ordres ! », ajoute-t-il. Ces derniers seront-ils d’accord ?
« Les règles déontologiques ne sont pas des règles de protection, mais de préservation pour le public », déclare Yves Doutriaux, conseiller d’État.
Jean-Yves Gauchot, président de la Fédération des syndicats vétérinaires de France, soulève la question des capitaux et de la financiarisation. Est-ce que la déontologie pourra protéger l’équilibre de la règle des 49-51 dans la détention de capital ? La loi ne peut-elle pas être contournée sur le plan de l’indépendance ? La déontologie et l’intérêt général de l’usager seront-ils respectés dans ce cadre-là ? « Nous avons l’impression que l’on pourra perdre notre indépendance », s’inquiète Jean-Yves Gauchot.
Yves Doutriaux se veut rassurant : « Pour l’instant, il existe encore des règles qui limitent l’accès au capital. Cela est justifié au niveau du droit européen par la santé publique et la santé des animaux. »
Enfin, concernant la loi pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques (loi Macron), Didier Truchet, professeur de droit public à l’université Paris II Panthéon-Assas, considère que «
le projet a été mal préparé et mal discuté.
La Chancellerie n’a pas joué son rôle et a laissé le dossier filer aux mains de la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF), mettant l’aspect déontologie de côté. Cette réforme a été pilotée essentiellement sous son angle économique et concurrentiel, sans effort de conciliation entre la concurrence et la déontologie.
» Benoît Delaunay, professeur en droit public à l’université Paris II Panthéon-Assas, conclut alors que «
la qualité du service rendu, garante de l’indépendance du professionnel, l’est aussi de son avenir
».
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L’ÉTHIQUE ET LA DÉONTOLOGIE AUX SOURCES DE L’INDÉPENDANCE
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