CONFÉRENCE
PRATIQUE CANINE
Formation
Auteur(s) : GWENAËL OUTTERS
La bouche est fréquemment concernée par les tumeurs chez les animaux de compagnie, puisqu’elle représente la troisième localisation des néoplasies chez le chat et la cinquième chez le chien. Face à ce type de tumeur, il importe d’adopter une démarche diagnostique rigoureuse, sa présentation clinique ne permettant pas de déterminer sa nature bénigne ou maligne.
Présentation clinique et étiologie
L’hyperplasie gingivale se présente comme une augmentation du volume de la marge gingivale, localisée ou diffuse, sans préjuger de sa nature histologique. Le terme d’épulis est purement descriptif et qualifie une dilatation ou une masse sur la gencive, sans présumer de sa nature histologique (hyperplasie fibreuse, fibrome ou tumeurs odontogènes). Ses principales origines sont inflammatoire, génétique (prédisposition du boxer, du colley, du westie, des lévriers et des molossoïdes, avec, dans ce cas, des lésions souvent diffuses ou multiples) ou médicamenteuse (l’utilisation de ciclosporine en entraîne une dans 1 à 2 % des cas et les inhibiteurs calciques dans 8,5 % des cas, et les lésions sont réversibles à l’arrêt du traitement).
Il passe par la réalisation de biopsies profondes (biopsy punch) des différents sites lésionnels, qui ne sont pas forcément tous de même nature.
Traitement
Une gingivectomie par la technique des “points sanglants” permet d’amputer le tissu prolifératif. En mesurant la profondeur de la poche avec une sonde, celle-ci est reportée avec une petite aiguille tout le long de la gencive concernée : cette ligne de points sanglants délimite le fond de la poche. L’incision est pratiquée avec un angle de 45°, inclinée vers les points pour redonner une marge gingivale en biseau physiologique.
Le bistouri électrique limite les saignements, mais doit être utilisé avec précaution, avec un insert fin et un réglage adapté. Si les cas de destruction en profondeur, de parodontite avancée ou de déchaussement de dent sont rares, une extraction dentaire est parfois inévitable pour obtenir un statut parodontal satisfaisant. Le phénomène activateur de l’hyperplasie est l’inflammation chronique provoquée par les bactéries de la plaque dentaire. Une hygiène buccodentaire irréprochable (le brossage avec un gel dentaire est efficace s’il est pratiqué quotidiennement) est donc indispensable, en association avec la chirurgie.
Classification
Les tumeurs odontogènes (35 %) sont issues des cellules à l’origine de la formation de la dent : le fibrome odontogène périphérique (épulis fibromateuse ou épulis ossifiée) et l’améloblastome acanthomateux (épulis acanthomateuse) principalement. Les autres types de tumeurs odontogènes, majoritairement bénignes, sont beaucoup plus rares (9 %). Les tumeurs non odontogènes (65 %) englobent des tumeurs épithéliales (carcinome épidermoïde dans 17 à 25 % des cas), mésenchymateuses (le plus souvent fibrosarcome ou ostéosarcome) ou mélanocytaires (mélanome dans 30 à 40 % des cas). Ces tumeurs sont majoritairement malignes. Le mélanome a un fort pouvoir métastatique, plus important que celui du fibrosarcome ou du carcinome épidermoïde (métastases rares dans ce cas).
Présentation clinique
« Globalement, tout ressemble à tout et rien ne ressemble à rien ! », résume Florian Boutoille. Le fibrome odontogène se situe généralement au niveau du rostre maxillaire et a un aspect prolifératif non ulcéré. L’améloblastome acanthomateux, tumeur bénigne avec une forte agressivité locale, se situe davantage au niveau de la mandibule rostrale et a un aspect prolifératif, ulcéré avec une invasion osseuse fréquente. Le carcinome épidermoïde se situe au niveau de la mandibule rostrale et présente un aspect prolifératif, ulcéré et rouge. Les localisations du fibrosarcome sont davantage maxillaires, sa texture est ferme et il est généralement étalé. Le mélanome est pigmenté dans deux tiers des cas, souvent ulcéré et a un aspect très friable et invasif. Il convient toutefois d’être prudent sur les suspicions cliniques : les lésions sont parfois évocatrices, mais pas toujours. La taille n’oriente pas sur la nature de la tumeur et l’aspect ulcéré et friable, bien qu’en faveur d’une tumeur maligne, peut résulter de la morsure par l’animal d’une tumeur bénigne. L’infiltration osseuse peut être un critère de malignité, mais elle n’est pas toujours visible.
Diagnostic
Le biopsy punch est utilisé dès que possible, en l’enfonçant correctement pour avoir des carottes de tissus représentatives. Il importe d’éviter les zones nécrotiques et de faire de multiples prélèvements. Les biopsies excisionnelles (lésions pédiculées) sont parfois thérapeutiques. Pendant les soins buccodentaires, il est impératif de biopser les lésions douteuses et de proposer systématiquement l’analyse histologique. Un bilan d’extension est indispensable pour le pronostic et pour choisir le traitement approprié.
Traitement
- Chirurgical. La résection doit être large (1 cm pour une tumeur bénigne envahissante, 2 cm pour une tumeur maligne agressive) et fait donc appel aux techniques de reconstruction. La chirurgie comprend quatre temps : muqueux (+/- cutané), osseux, vasculaire et de reconstruction. Les tumeurs mandibulaires rostrales, centrées sur une incisive ou sur une canine, sans envahissement profond, demandent une mandibulectomie. Celle-ci est bien tolérée et peu compliquée si la stabilité symphysaire est conservée. La mandibulectomie centrale concerne les tumeurs bénignes ou malignes de petite taille ne traversant pas la corticale osseuse, de type carcinome épidermoïde. Elle est viable et intéressante, et permet de garder la continuité mandibulaire, mais avec un risque de fracture spontanée. La mandibulectomie subtotale ou totale intéresse des tumeurs situées au niveau prémolaire ou des tumeurs agressives envahissant l’os spongieux ou le canal mandibulaire. Elle nécessite de désarticuler la mandibule et de ligaturer les vaisseaux en amont. Les résultats sont très bons chez le chien (un peu moins chez le chat, où des déviations de la mandibule opposée avec des difficultés fonctionnelles sont décrites). La maxillectomie est plus difficile, envisageable lorsqu’elle intéresse la partie rostrale jusqu’à la truffe, sinon elle est difficilement viable. La pose d’une sonde d’alimentation est indispensable en phase postopératoire. Les récidives sont à craindre selon la largeur des marges et la nature histologique de la tumeur.
- Thérapies complémentaires. La radiothérapie, adjuvante ou palliative, présente une efficacité variable en fonction de la radiosensibilité des tumeurs. Les complications, précoces ou tardives, sont des brûlures, des pertes de poils, une noirceur de la peau, des nécroses osseuses pouvant induire des fractures spontanées.
La chimiothérapie est un traitement adjuvant prévenant l’apparition des métastases. Elle peut être palliative lors de refus chirurgical. La doxorubicine (30 mg/m²), associée au carboplatine (300 mg/m²) et au mitoxantrone (5 à 6 mg/m²), est administrée toutes les 3 semaines. Le jeûne, qui augmente la chimiosensibilité de certaines tumeurs, peut être conseillé 2 jours avant la chimiothérapie et 24 heures après. La chimiothérapie métronomique utilise le cyclophosphamide (10 à 25 mg/m²/j) et le chlorambucil (2 à 4 mg/m²/j), associés au piroxicam1 (0,3 mg/kg/j). Le suivi hématologique et biochimique est nécessaire, mais cette chimiothérapie est bien tolérée et les résultats sont parfois surprenants. Les thérapies ciblées (masitinib, tocéranibe) présentent des effets anti-angiogéniques. Les coxibs (associés à l’oméprazole) peuvent apporter une rémission partielle permettant une bonne qualité de vie, notamment dans le mélanome malin, le carcinome épidermoïde ou l’ostéosarcome. Les résultats de l’immunothérapie restent à valider.
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1 Pharmacopée humaine.
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