Antibiorésistance, l’Europe très alarmiste - La Semaine Vétérinaire n° 1710 du 11/03/2017
La Semaine Vétérinaire n° 1710 du 11/03/2017

MÉDICAMENTS VÉTÉRINAIRES

ACTU

Auteur(s) : MICHAELLA IGOHO-MORADEL 

Un rapport de l’EFSA et de l’ECDC montre la progression de la résistance aux antibiotiques en Europe. De nouvelles mesures devraient être annoncées cet été pour réduire cette propagation.

Un rapport1 de l’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) et du Centre européen de contrôle et de prévention des maladies (ECDC), publié le 22 février, fait un état des lieux de la résistance aux antibiotiques des bactéries présentes chez l’homme, l’animal et dans les aliments. Les données de l’étude concernent les bactéries zoonotiques Salmonella et Campylobacter, ainsi que les résultats de contrôles sur la résistance à Escherichia coli et à Staphylococcus aureus, utilisés comme indicateurs chez les animaux et les aliments. L’ECDC appelle les vétérinaires et les médecins à « une utilisation prudente des antibiotiques », afin de réduire les phénomènes de résistance. De son côté, l’EFSA recommande de surveiller l’apparition des gènes mcr-1 et mcr-2 associés à la résistance à la colistine et d’améliorer le suivi de S. aureus résistant à la méticilline (Sarm) chez les animaux destinés à l’alimentation humaine.

Des disparités selon les pays

Le rapport souligne que les niveaux de résistance aux antibiotiques en Europe continuent de varier selon la zone géographique. Ainsi, les pays d’Europe du Nord et de l’Ouest indiquent généralement des niveaux inférieurs à ceux d’Europe du Sud et de l’Est. Marta Hugas, chef de l’unité sur les contaminants et les dangers biologiques à l’EFSA, estime que « ces variations géographiques sont très probablement liées à des différences dans l’utilisation des antimicrobiens dans l’Union européenne (UE). Par exemple, dans les pays où des mesures ont été prises pour réduire, remplacer et repenser l’utilisation d’antimicrobiens chez les animaux, on observe des niveaux inférieurs de résistance et une tendance à la baisse ».

Les salmonelles en progression chez l’homme

Est également pointée la progression alarmante des salmonelles, qui constituent l’une des sources d’intoxications alimentaires au sein de l’UE. Des résistances de cette bactérie sont notamment marquées chez les humains, les porcs d’engraissement et les veaux de moins de 1 an et leur viande. « Il est particulièrement préoccupant que certains types communs de Salmonella chez l’homme, telles que Salmonella Typhimurium monophasique, présentent une résistance extrêmement élevée à plusieurs médicaments », alerte Mike Catchpole, directeur scientifique de l’ECDC. En 2015, 22 États membres et deux non-membres ont communiqué des données concernant des résistances de Salmonella chez des humains atteints de salmonellose. Les données récoltées représentaient 15,9 % des cas de salmonellose confirmés dans l’UE et l’espace économique européen en 2015. Des proportions élevées d’isolats humains de Salmonella étaient résistantes aux sulfamides (32,1 %), aux tétracyclines (28,1 %) et à l’ampicilline (27,8 %). La multirésistance était globalement élevée (29,3 %) dans l’UE. Parmi les prélèvements, ce chiffre peut atteindre 81,1 % chez S. Typhimurium . Entre 2014 et 2015, la multirésistance a augmenté de plus de 10 % à la fois chez S. Typhimurium et ses variants monophasiques. Les proportions d’isolats de Salmonella résistants à l’un des antimicrobiens cliniquement importants, ciprofloxacine et céfotaxime, étaient relativement faibles dans l’ensemble (13,3 % pour le premier et 0,9 % pour le second).

Même constat chez les porcs et les veaux

En 2015, les prélèvements de Salmonella provenant de porcs d’engraissement, de veaux de moins de 1 an et leur viande ont été transmis par 20 États membres et un non-membre. Dans la viande de porc, les plus hauts niveaux de résistance ont été observés pour l’ampicilline (44,7 %), le sulfaméthoxazole (48,5 %) et les tétracyclines (49,1 %). En ce qui concerne la viande bovine, la résistance à la majorité des antibiotiques testés était inférieure à celles observées dans la viande de porc, à l’exception du sulfaméthoxazole, de la tétracycline et de la tigécycline, qui étaient légèrement supérieurs aux valeurs enregistrées pour la viande de porc. À noter qu’aucune résistance aux céphalosporines de 3e génération n’a été détectée chez les veaux. Celles de Salmonella au céfotaxime et à la ceftazidime n’ont pas été repérées non plus dans la viande de porc, ou seulement à de faibles niveaux.

Les résistances de Campylobacter

En 2015, des cas de campylobactériose chez l’homme ont été signalés par plusieurs États membres. « Plus de 10 % des bactéries de Campylobacter coli testées chez l’homme montrent une résistance à deux antimicrobiens d’importance critique (fluoroquinolones et macrolides) utilisés pour soigner les cas graves d’infections à Campylobacter chez l’homme », indique le rapport de l’EFSA et de l’ECDC. Pour la souche C. coli, 80 à 100 % des prélèvements marquent une résistance, 14 % étant multirésistantes. Chez les porcs, la résistance est globalement très élevée pour la ciprofloxacine (62,1 %), l’acide nalidixique (60,8 %) et la tétracycline (66,6 %), moins pour l’érythromycine (21,6 %), et elle est faible pour la gentamicine (3,6 %). Pour la souche C. coli chez les porcs d’engraissement, une corésistance à un niveau faible a été relevée (13,6 %) pour des antibiotiques d’importance critique, la ciprofloxacine et l’érythromycine.

Des souches d’E. coli

Des bactéries E. coli productrices de β-lactamase à spectre étendu (BLSE) ont été détectées dans de la viande de bœuf et de porc, ainsi que chez des cochons et des veaux. Selon le rapport, « les bactéries qui produisent des enzymes BLSE font preuve d’une multirésistance aux antibiotiques β-lactamines, qui comprennent des dérivés de la pénicilline et des céphalosporines ». Ce constat varie selon les pays, de faible à très élevée. « Une utilisation prudente des antibiotiques en médecine humaine et vétérinaire est cruciale pour relever le défi posé par la résistance aux antimicrobiens. Nous avons tous la responsabilité de veiller à ce que les antibiotiques continuent à agir », rappelle à ce sujet Mike Catchpole.

Une résistance à la colistine

Les agences rappellent que de nombreux pays ont mentionné la présence du gène mcr-1 dans les entérobactéries prélevées chez l’homme, l’animal et les aliments. De même qu’un second gène de résistance mcr-2 hébergés chez des porcs. En 2015, une résistance à la colistine a été repérée à de très faibles niveaux dans des bactéries de Salmonella et d’E. coli chez des porcs et des bovins. Par ailleurs, une résistance aux antibiotiques carbapénèmes a été détectée pour la première fois dans l’UE dans le cadre des programmes annuels de surveillance chez les animaux et dans les aliments. Selon le rapport, les carbapénèmes constituent généralement la dernière option de traitement pour les patients infectés par des bactéries multirésistantes aux autres antibiotiques disponibles. De très faibles niveaux de résistance ont été observés pour des bactéries d’E. coli présentes chez des porcs et dans la viande de porc.

1 bit.ly/2m7nKG1.

LES RECOMMANDATIONS DE L’ORGANISATION MONDIALE DE LA SANTÉ (OMS)

Pour prévenir et combattre la propagation de la résistance aux antibiotiques, l’OMS préconise de :
- ne donner des antibiotiques aux animaux que sous contrôle vétérinaire ;
- ne pas utiliser les antibiotiques comme facteurs de croissance ou pour la prévention des maladies ;
- vacciner les animaux pour réduire le besoin d’antibiotiques et utiliser des solutions de remplacement à ces médicaments s’il en existe ;
- promouvoir et appliquer les bonnes pratiques à chaque étape de la production et de la transformation des aliments d’origines animale et végétale ;
- augmenter la sécurité biologique dans les exploitations agricoles pour éviter les infections en améliorant l’hygiène et le bien-être des animaux.

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