Cru

Les jeunes cinéastes aiment aujourd’hui flirter avec le film de genre. Dans les pas de David Cronenberg, ils y trouvent un espace inspirant où ils peuvent s’émanciper du réel et créer des fables dont les outrances bousculent et édifient. Premier long métrage d’une jeune et belle réalisatrice, Grave est un film gore d’une insolente maîtrise. La dense montée en puissance du morbide, l’implacable virtuosité du dosage de chairs palpitantes et de sang ne manqueront pas de vous retourner l’estomac. Vous voilà prévenus. Même si rien ne vous oblige à endurer cette crudité visuelle, vous resterez peut-être curieux de découvrir quel drame subversif a osé se nicher au sein d’une école vétérinaire (Liège). Que cette curiosité y cherche autre chose que des motifs d’indignation, car ni les vétérinaires ni les animaux ne sont véritablement la cible ici, ni le sujet. Il ne s’agit que d’un décor judicieux (une faculté de médecine eut été redondant) pour l’épanouissement de l’intrigue. Celle-ci décrit l’insolite métamorphose d’une jeune étudiante, végétarienne par obédience filiale (comme sa vocation vétérinaire), qui, au cours de son bizutage barbare (mais crédible), se découvre une pulsion transgressive : une attraction animale pour la viande… humaine. Réalisant que sa sœur ainée, étudiante aussi et “brimeuse”, cultive la même perversion, elle s’en rapprochera avant de s’en démarquer. En montrant un atavisme subvertir – gravement mais différemment – deux sœurs, le film questionne la possibilité de s’en libérer.
•

Grave de Julia Ducournau, avec Garance Marillier, Ella Rumpf, Rabah Naït Oufella, France-Belgique, 1 h 38, sortie le 15 mars.