DOSSIER
Auteur(s) : CHARLOTTE DEVAUX
Le développement durable deviendrait-il une réelle opportunité pour redonner à la profession vétérinaire une place de premier ordre dans la société, alors qu’elle traverse une crise d’identité ? Les vétérinaires ont toutes les cartes en main pour communiquer leurs valeurs à plus grande échelle, grâce aux nouvelles technologies, pour mieux s’approprier et faire évoluer leur responsabilité sociétale, et pour appréhender les futurs enjeux sociétaux, économiques et environnementaux.
Le développement est dit durable s’il répond aux besoins du présent sans compromettre la capacité des générations futures à répondre aux leurs. Il s’intéresse à l’humain, à l’environnement et à l’économie. C’est l’un des principaux défis pour l’humanité et nous avons tous un rôle à y jouer individuellement pour préserver le futur de la planète. Les professions en tant que corps intermédiaire entre l’État et les individus ont aussi une place à prendre dans ce processus inéluctable et elles ont tout à y gagner en matière d’image publique.
Être vétérinaire confère un statut à vie et une identité professionnelle que peu de personnes choisissent de quitter. Cependant, avec l’augmentation du niveau d’instruction de la clientèle et le développement du sens critique, l’autorité des professionnels de santé que sont les vétérinaires est souvent remise en question face aux informations fournies par Internet. Le vétérinaire n’est plus reconnu comme un sachant et peut ressentir un sentiment de déclassement. De plus, certaines professions (ostéopathe animalier, éducateur comportementaliste, éleveur qui donne des conseils en nutrition, etc.) mettent à mal son monopole sur la santé et le bien-être des animaux. Il voit alors son utilité et sa légitimité dans la société remises en cause, ce qui aboutit à une crise d’identité professionnelle.
La profession vétérinaire est une profession libérale, qui apporte dans son exercice uniquement ses qualités personnelles de science et de connaissance. Cependant, s’exerçant au sein d’une économie de marché, cette activité revêt une dimension commerciale qui ne correspond pas toujours à la vocation de soins aux animaux qui a pu attirer ses membres. Comme le pointe Alexandra Langford dans sa thèse sur les représentations du métier de vétérinaire (2010), la relation praticien-propriétaire est toujours confrontée au problème de l’argent : « Dans l’idéal des gens, le vétérinaire est le médecin des animaux uniquement intéressé par leur bien-être et détaché des questions bassement pécuniaires : il doit être pauvre et dévoué. » Or aujourd’hui, on peut entendre que l’appât du gain pourrait amener les vétérinaires à négliger l’intérêt général. Cela a, par exemple, été le cas dans le conflit autour de la prescription-délivrance des antibiotiques. Leur réputation au sein de la société française ne serait plus aussi bonne qu’elle a pu l’être par le passé.
Un remède clairement identifié pour lutter contre les crises d’identité est de retrouver le sens de la profession en démontrant la valeur de sa place dans la société, autrement dit de sa responsabilité sociétale. Dans le futur, les regards, au lieu de se tourner uniquement vers les entreprises, pourraient aussi se tourner vers les professions pour leur demander des comptes. La profession vétérinaire serait-elle prête à expliquer son rôle et sa contribution à l’avenir de la société et, par conséquent, de la planète ?
Répondre conjointement aux enjeux économiques, sociétaux et environnementaux va devenir une question de survie pour être accepté par la société. L’opinion publique n’accordera plus sa licence to operate (que l’on pourrait traduire par “permis d’exercer”), véritable autorisation d’exister, qu’à des organisations dignes de sa confiance. La profession vétérinaire pourrait alors se donner un nouveau sens en redéfinissant son contrat avec la société dans l’optique d’un futur soutenable.
Le développement durable devrait être parfaitement intégré dans son activité, non pas comme une obligation, mais comme une opportunité ; la profession a toutes les cartes en main pour devenir un acteur majeur du sujet et ainsi écrire son propre futur !
Si tous les vétérinaires ont la même profession, ils n’exercent pas tous les mêmes métiers au quotidien. Quelle unité construire dans ce contexte de multiplicité et d’intérêts parfois divergents ? De même, il existe un antagonisme entre le souci de l’intérêt collectif, renforcé par le sentiment de répondre à des “attentes sociétales”, et la vision commerciale de praticiens pris dans une logique d’investissements lourds à amortir et à faire fructifier.
Pour réunir tous les vétérinaires, il convient de se poser les questions suivantes : en quoi la profession sert-elle la société ? Comment envisage-t-elle son futur au service de celle-ci ? Et enfin, quelles sont les valeurs qu’elle va mettre à la disposition de la société ? L’exercice est déjà compliqué pour les entreprises. Pas étonnant qu’elle le soit aussi pour une profession avec tellement d’intérêts divergents et des membres réputés individualistes. Mais si difficile qu’elle soit, cette réflexion est indispensable à mener pour son avenir.
Pour trouver une vision d’avenir, on peut commencer par se tourner vers les racines de la profession vétérinaire avec le serment de Bourgelat qui se termine par la phrase suivante : « Ils prouveront par leur conduite qu’ils sont tous également convaincus que la fortune consiste moins dans le bien que l’on a que dans celui que l’on peut faire. » La première mission du vétérinaire serait alors d’assurer son art au service de la société. Mais qu’est-ce que la société serait en droit d’attendre de notre profession ?
La profession vétérinaire n’a pas su communiquer sur le rôle positif qu’elle joue dans la société. Or, elle aurait tout intérêt à travailler sa réputation auprès de l’opinion publique, afin d’obtenir le soutien nécessaire à sa durabilité. Si le savoir-faire est évident, le “faire-savoir” est trop souvent absent. Et c’est bien dommage, car les vétérinaires ont une légitimité à s’exprimer médiatiquement sur des sujets importants tels que le bien-être animal, le statut juridique de l’animal, la possession responsable, mais aussi l’antibiorésistance, les pandémies, la santé publique ou la place de l’animal dans la ville. Actuellement, on ne trouve pas les positions de la profession sur tous ces sujets, même si un premier pas dans cette direction a été fait fin 2015 par l’Ordre avec une prise de position remarquée sur la nécessité de la privation de conscience lors de l’abattage. Un discours cohérent qui résonne dans la société permettrait la création de mouvements d’opinion.
À quand des débats organisés dans les écoles pour aider les étudiants à développer la prise de conscience de leur citoyenneté ? À quand une grande concertation des vétérinaires pour connaître leurs avis sur ces sujets ? Si la profession veut une place dans la société de demain, elle doit s’emparer des grands enjeux la concernant. Actuellement, la façon dont nous traitons les animaux est devenue un enjeu sociétal, la souffrance animale devient de plus en plus insupportable. La célèbre phrase de Gandhi «
On peut juger de la grandeur d’une nation par la façon dont les animaux y sont traités
» est de plus en plus d’actualité. La profession vétérinaire aurait tout intérêt à s’emparer de ce sujet afin d’en faire son cheval de bataille, elle y est légitime et l’opinion publique est en demande, car qui mieux que les vétérinaires peut défendre une moindre destructivité et une moindre cruauté pour tous, pas seulement pour les humains ?
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Source : Christophe Carlier. « Le développement durable, une réponse à la crise d’identité de la profession vétérinaire ? » Thèse de médecine vétérinaire, VetAgro Sup. Janvier 2016.
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