ÉTUDE
PRATIQUE MIXTE
Formation
Auteur(s) : ANNE COUROUCÉ-MALBLANC
Quelle proportion de chevaux, lors d’effusion pleurale, présente une origine tumorale par rapport à une origine septique ? C’est la question que se sont posée des auteurs britanniques sur une population de chevaux résidant au Royaume-Uni, dans un article paru récemment dans l’Equine Veterinary Education 1.
La majorité des cas d’effusion pleurale décrits dans la littérature sont des cas de chevaux présentant une pleuropneumonie septique résultant de l’extension dans la cavité pleurale d’une infection dans les poumons. Beaucoup de ces publications proviennent d’Amérique du Nord.
Au Royaume-Uni, une part plus importante d’effusions pleurales semble causée par des processus néoplasiques. La reconnaissance précoce de la maladie est fondamentale, afin qu’un traitement rapide et approprié ou une euthanasie, dans certains cas, puissent être mis en œuvre.
L’objectif de cette étude était de déterminer si les chevaux résidant au Royaume-Uni et présentant une effusion pleurale ont plus fréquemment des tumeurs que les chevaux d’autres études et de déterminer s’il existe des facteurs détectables à l’admission permettant d’augmenter la suspicion de l’existence d’un processus néoplasique.
Les dossiers de chevaux présentés dans quatre hôpitaux équins de référence et vus entre 2000 et 2014 ont été examinés. La cause d’effusion pleurale était ensuite catégorisée : néoplasie, ou sepsis en fonction des informations du dossier médical incluant l’historique du cheval, l’analyse du liquide pleural et du liquide de lavage trachéal, les résultats des radiographies et des échographies et l’analyse post-mortem si réalisée. Une attention particulière était apportée à l’historique d’un voyage préalable au développement des signes cliniques.
Les données cliniques répertoriées incluaient les données de l’examen clinique à l’admission (fréquence cardiaque, FC, fréquence respiratoire, température, signes cliniques et durée de ces signes, volume de liquide pleural drainé).
Les données de laboratoire répertoriées incluaient l’hématocrite, les protéines totales (PT), la protéine amyloïde sérique A (SAA) et le fibrinogène, le nombre de cellules et les PT dans le liquide pleural et les résultats de l’examen cytologique du liquide pleural, la bactériologie des liquides de lavage trachéal et/ou pleural.
Un total de 69 chevaux avec des effusions pleurales a été identifié, avec des chevaux dont l’âge était compris entre 1 et 28 ans (n = 56 ± 10,5 ans).
Les signes cliniques présents à l’admission étaient similaires chez des chevaux présentant des causes néoplasiques ou septiques. Les signes les plus fréquents étaient une polypnée et/ou une dyspnée (59/64), une tachycardie (FC > 44 bpm1 ; 56/64), un abattement (42/59), du jetage (27/59), de la fièvre (> 38,5 °C ; 31/62), de la toux (15/59) et une perte de poids (15/59). Des masses périphériques ou une lympadénopathie ont été identifiées chez seulement deux chevaux.
La durée d’évolution des signes cliniques était de 1 jour à 6 mois, avec une moyenne de 7 jours.
Une suspicion de processus néoplasique a été émise dans 26 cas sur 69 (38 %). Un diagnostic définitif a été établi dans 23 cas : via l’examen post-mortem pour 12 cas et via la cytologie du liquide pleural dans les 11 autres. Dans trois cas supplémentaires, un diagnostic de présomption de néoplasie a été effectué, du fait d’images pulmonaires radiographiques anormales.
Les tumeurs diagnostiquées étaient les suivantes : lymphome (11 cas), carcinome (3), mésothéliome (3), mélanomes (2). Dans sept cas, la nature de la tumeur n’était pas précisée.
43 chevaux présentaient des effusions pleurales dues à des causes septiques. Parmi eux, 17 chevaux (39,5 %) avaient un historique de transport international. Pour les chevaux ne présentant pas d’historique de transport, d’autres facteurs de risque ont été identifiés, incluant une anesthésie générale (n = 1), des problèmes œsophagiens (obstruction intraluminale (n = 2), compression extraluminale par une masse (n = 1), rupture de l’œsophage (n = 2).
Les chevaux présentant des effusions pleurales d’origine néoplasique :
- étaient significativement plus âgés (médiane 13 ans versus 8 ans ; P = 0,001) ;
- avaient une température rectale plus basse (moyenne 38,2 °C versus 38,6 °C ; P = 0,04) ;
- présentaient une valeur de SAA plus basse (médiane 59 mg/l versus 230 mg/l ; P = 0,02) ;
- montraient une fibrinogénémie plus basse (moyenne 5,3 g/l versus 7,8 g/l).
Aucune différence significative n’apparaissait entre les deux groupes pour les fréquences cardiaque et respiratoire, l’hématocrite ou les protéines totales. L’analyse de liquide pleural a été effectuée chez 48 chevaux. Le comptage cellulaire et la concentration de PT dans le liquide étaient significativement plus faibles chez les chevaux présentant des néoplasies par rapport à une origine septique (8,6 ± 15,3 x 109/l versus 63,9 ± 68 x 109/l; PT 35,9 ± 16,9 g/l versus 57,5 ± 43 g/l). Le volume moyen de liquide pleural drainé à l’admission était plus important chez les chevaux présentant une néoplasie (32,2 ± 17,9 l) par rapport à ceux présentant un processus septique (9,8 ± 7,6 l).
Une bactériologie a été effectuée dans 34 cas. Les bactéries les plus fréquemment trouvées était Streptococcus spp. (n = 16), Escherichia coli (n = 12), Enterococcus faecalis (n = 6), ainsi que des anaérobies (Bacteroides spp., Fusobacterium necrophorum et Clostridium perfringens).
Chaque individu était classé selon les prévisions d’issue, à savoir “survivant” ou “non-survivant”. 43 non-survivants et 24 survivants ont ainsi été répertoriés, et deux chevaux pour lesquels l’issue n’a pas été notée. Le taux de survie des animaux présentant une pleurésie d’origine septique était de 47,6 % (20/42). Tous les individus qui présentaient une affection due à des problèmes œsophagiens sont morts.
Davantage de diagnostics de néoplasies dans cette étude
Les résultats de cette étude confirment l’impression clinique qu’au Royaume-Uni, les épanchements pleuraux secondaires aux néoplasies sont plus fréquents que ce qui a été décrit précédemment dans d’autres pays. Bien que les comparaisons soient difficiles en raison de modèles d’étude différents, une étude similaire menée aux États-Unis a mis en évidence la présence d’un épanchement pleural à la suite d’une néoplasie dans 11 % des cas, sur un total de 37 chevaux. Une deuxième étude, menée également aux États-Unis, a identifié 32 chevaux sur 122 (26 %) avec un épanchement pleural dû à des causes “non infectieuses”.
Le transport de longue durée : un facteur de risque pour les pleuropneumonies septiques
Le transport sur de longues distances est un facteur de risque reconnu pour le développement d’une pleuropneumonie et donc d’un épanchement pleural septique. L’élévation de la tête pendant le transport minimise la capacité d’un cheval à inhaler des bactéries dans les voies respiratoires profondes. Le stress physiologique associé aux déplacements entraîne une diminution des mécanismes de défense du système respiratoire profond (appareil mucociliaire, macrophages pulmonaires, etc.). Une infection dans les poumons entraîne une perméabilité capillaire accrue du poumon et de la plèvre viscérale, provoquant l’accumulation d’un transsudat stérile dans la cavité pleurale. Les bactéries du poumon infecté envahissent rapidement la région pleurale. Ceci entraîne l’accumulation d’un grand volume de liquide rempli de cellules inflammatoires, de débris cellulaires et de bactéries. Cela survient, en général, lors de distances supérieures à 800 km. Si l’on compare le Royaume-Uni à des pays comme les États-Unis ou l’Australie, les distances de déplacement des chevaux sont plus courtes et cela peut contribuer à réduire la proportion de pleuropneumonies septiques dues au transport. Fait intéressant, dans la présente étude, 40,5 % des chevaux présentant des épanchements pleuraux septiques avaient des antécédents de voyage. Le transport sur de longues distances est un facteur de risque constant pour le développement d’une pleuropneumonie, quelle que soit la localisation géographique.
Des chevaux plus âgés lors de processus néoplasique
Dans cette étude, les chevaux présentant une néoplasie étaient significativement plus âgés que ceux ayant des épanchements pleuraux septiques. Néanmoins, le jeune âge ne devrait pas être un critère utilisé pour exclure un processus néoplasique.
Un liquide pleural différent lors de processus néoplasique
Par ailleurs, les chevaux présentant un processus néoplasique avaient une accumulation de volume pleural plus importante. Le développement d’un tel volume peut être lié à une diminution du drainage, en particulier lorsque des masses médiastinales sont présentes, et/ou à une augmentation de la production de liquide, lorsque la tumeur affecte les surfaces pleurales. Dans ce cas, un transsudat modifié est souvent observé, avec une concentration cellulaire et des PT relativement faibles.
Liquide pleural et diagnostic définitif
Un diagnostic définitif de néoplasie peut être établi si l’évaluation cytologique du liquide permet l’identification de cellules néoplasiques ou si des masses sont accessibles pour une biopsie. Dans le cas d’un lymphome, par exemple, il peut y avoir exfoliation de cellules néoplasiques dans le liquide pleural et diagnostic ante-mortem, jusqu’à 40 % des cas, par analyse cytologique. Une étude récente décrit la réalisation de biopsies sur des masses intrathoraciques via thoracoscopie, qui a permis d’établir un diagnostic chez deux chevaux.
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1 Johns I., Marr C., Durham A. et coll. Causes of pleural effusions in horses resident in the UK. Equine vet. Educ. 2017;29(3):144-148.
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