DÉCRYPTAGE
Auteur(s) : DAVID SAYAG 6
La chimiothérapie tient une place importante dans la stratégie de traitement de nombreux cancers chez le chien et le chat. Sa mise en œuvre nécessite l’application d’une démarche clinique rigoureuse et le respect du cadre légal imposé pour ce type de traitement, susceptibles de soulever des interrogations.
La chimiothérapie est une modalité de traitement importante dans la prise en charge de nombreux cancers. Elle peut être utilisée comme traitement unique (comme lors de lymphomes multicentriques de haut-grade) ou comme adjuvant à une chirurgie ou une radiothérapie, afin de limiter le risque de métastases (comme lors d’ostéosarcomes appendiculaires, de mastocytomes de haut-grade chez le chien ou de carcinomes mammaires de haut-grade chez la chatte). Les avantages de la mise en œuvre d’une chimiothérapie dans la prise en charge d’un cancer sont clairement démontrés dans de nombreux cas. Ainsi, l’instauration d’une chimiothérapie multi-agents chez un chien présentant un lymphome multicentrique de haut-grade, tous sous-types confondus, fait passer la médiane de survie de quatre à six semaines sans traitement ou avec une corticothérapie seule à 12 à 13 mois avec chimiothérapie. Les animaux recevant une chimiothérapie ont un excellent confort de vie dans la majorité des cas, y compris lorsque le stade de la maladie est avancé ou métastatique.
Les principaux effets secondaires de la chimiothérapie sont des troubles digestifs (baisse d’appétit, vomissements, diarrhées) et une myélosuppression (principalement caractérisée par une neutropénie et, éventuellement, une thrombopénie). Si environ la moitié des animaux recevant une chimiothérapie présentent des effets secondaires, 84,5 % de ces épisodes sont de faible intensité et ne nécessitent pas de consultation en urgence1.
L’arrêté́ du 18 juin 2009 relatif aux bonnes pratiques d’emploi des médicaments anticancéreux en médecine vétérinaire fixe le cadre législatif dans lequel toute chimiothérapie doit s’inscrire. L’Ordre national des vétérinaires a publié en 2009 un guide réglementaire regroupant des fiches techniques de mise en pratique de cette législation2.
Une déclaration d’activité du vétérinaire prescrivant une chimiothérapie cancéreuse est obligatoire auprès de l’Ordre régional des vétérinaires. La chimiothérapie anticancéreuse ne peut être administrée qu’au sein d’une clinique ou d’un centre hospitalier vétérinaire. D’autre part, la réglementation fixe les modalités de stockage, de préparation, d’administration, de nettoyage, de gestion des déchets et d’information des propriétaires.
L’hospitalisation pour une période d’au minimum 24 heures est obligatoire pour toute administration d’un médicament anticancéreux à dose maximale tolérée. Lors de chimiothérapie métronomique, c’est-à-dire lors d’administration quotidienne d’un agent anticancéreux à faible dose, le traitement s’effectue à la maison, après information complète du propriétaire, et engagement de ce dernier à respecter les consignes du guide réglementaire. Ce type de chimiothérapie peut, par exemple, être proposé dans la prise en charge adjuvante des hémangiosarcomes spléniques ou des sarcomes des tissus mous incomplètement réséqués.
Au cours de la période de surveillance accrue, qui suit la sortie d’hospitalisation et qui peut durer jusqu’à 7 jours en fonction de la molécule utilisée, il est recommandé de proscrire les contacts de l’animal avec les enfants, les femmes enceintes et les personnes immunodé́primé́es. La mise en œuvre d’une chimiothérapie chez un animal en contact permanent avec une femme enceinte devrait être évitée, dépendamment du protocole de chimiothérapie appliqué. Il est, par exemple, démontré que des résidus de carboplatine se retrouvent dans les excrétas jusqu’à 21 jours après l’administration intraveineuse. Dans ces situations particulières, des alternatives existent, comme l’utilisation d’agents de chimiothérapie à courte période de surveillance accrue (par exemple la L-asparaginase).
Les objectifs du suivi sont l’évaluation de la tolérance et de l’efficacité du traitement. Ces évaluations doivent être standardisées et respecter les recommandations internationales publiées. Une mesure de la tumeur primitive et/ou des nœuds lymphatiques avec un pied à coulisse, ainsi que la réalisation régulière d’examens d’imagerie (radiographie, échographie, tomodensitométrie) est indispensable à tout suivi. Lors de lymphome multicentrique, l’application des critères du groupe coopératif vétérinaire en oncologie (VCOG) est nécessaire3. Lors de tumeurs solides, les critères Response Evaluation Criteria in Solid Tumors (Recist) adaptés par le VCOG doivent être appliqués4. De la même façon, il convient de grader les effets secondaires selon les recommandations spécifiques du VCOG5, sur une échelle allant de 1 (effet secondaire mineur) à 5 (effet secondaire ayant entraîné la mort de l’animal).
Le Collège européen de médecine interne vétérinaire des animaux de compagnie (Ecvim-CA) a mis en place, depuis 10 ans, un programme de spécialisation en 3 ans minimum permettant d’aboutir au titre de spécialiste européen en oncologie vétérinaire.
L’oncologue vétérinaire peut travailler main dans la main avec le praticien généraliste afin d’offrir une prise en charge globale et optimale de l’animal atteint d’un cancer. Plus particulièrement, concernant la chimiothérapie, il peut apporter une aide dans la détermination du protocole le plus adapté au regard des dernières publications, réaliser l’ensemble du traitement en respectant le cadre législatif, assurer le suivi d’efficacité et de tolérance selon les plus hauts standards internationaux et détecter les récidives éventuelles de manière précoce.
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1 Sayag D. et coll. Retrospective evaluation of adverse events requiring emergency and critical care secondary to anticancer chemotherapy in dogs and cats. J. Vet. Emerg. Crit. Care. 2015;25:S1:S21.
3 Vail D. M., Michels G. M., Khanna C. et coll. Response evaluation criteria for peripheral nodal lymphoma in dogs (v1.0): a veterinary cooperative oncology group (VCOG) consensus document. Vet. Comp. Oncol. 2010;8:28-37.
4 Nguyen S. M., Thamm D. H., Vail D. M., London C. A. Response evaluation criteria for solid tumours in dogs (v1.0): a veterinary cooperative oncology group (VCOG) consensus document. Vet. Comp. Oncol. 2015;13:176-183.
5 Veterinary cooperative oncology group - common terminology criteria for adverse events following chemotherapy or biological antineoplastic therapy in dogs and cats (v1.1). Vet. Comp. Oncol. 2011. doi: 10.1111/j.1476-5829.2011.00283.x.
6 Ancien résident de l’Ecvim, spécialité oncologie.
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