La fonction reproductive du faux-bourdon altérée à la suite d’une exposition au fipronil

Une étude¹ menée par les chercheurs de l’Inra, de SupAgro et de l’Inat² a évalué l’impact du fipronil sur la fonction reproductive du faux-bourdon, et les éventuelles conséquences sur celle de la reine.

Matériels et méthodes

L’expérience est conduite à Avignon, entre le début du mois de mai et la fin du mois de juillet, durant 3 années consécutives (2012, 2013, 2014). Les colonies participant à l’étude sont traitées à l’amitraz chaque mois de septembre dans le cadre de la lutte contre la varroase. 300 mâles sont inclus dans le protocole de recherche et sont incorporés dès leur naissance dans des colonies dépourvues de reines. Tous les matins, pendant 20 jours, des colonies témoins et exposées ont accès à un sirop sucré contaminé ou pas au fipronil (0,1 µg.l^-1). À la fin des 20 jours, correspondant à la maturité sexuelle, les mâles sont capturés afin d’analyser leur semence. Celles appartenant aux individus d’une même ruche sont mélangées. Les chercheurs mesurent plusieurs paramètres : la concentration en spermatozoïdes, le taux de mortalité et l’activité métabolique (taux d’ATP³ et capacité métabolique des cellules).

Résultats et analyse

Aucun effet néfaste significatif n’est observé dans le comportement des travailleuses ou la survie des mâles, cela étant expliqué par la faible dose d’exposition au fipronil. De plus, la vitesse d’arrivée à maturité sexuelle, de même que le volume de semence ne sont pas affectés par l’exposition à l’agent chimique. Le comptage des spermatozoïdes montre néanmoins une réduction de leur nombre chez les individus exposés (médiane de 8,59 x 10⁶ versus 10,47 x 10⁶ chez les témoins), ainsi qu’une hausse du taux de mortalité (médiane de 40,91 % versus 30,32 %).

Les chercheurs avancent deux hypothèses pour expliquer la diminution de la concentration en spermatozoïdes : certains (morts ou vivants) peuvent rester coincés dans la vésicule séminale et d’autres, morts lors du processus de maturation, peuvent être lysés avant éjaculation. La capacité métabolique des cellules est augmentée chez les individus exposés au fipronil, de même que la concentration en ATP cellulaire. Ces processus pourraient favoriser la mort cellulaire, ce qui expliquerait la forte mortalité observée. De plus, le taux élevé d’ATP détecté dans la semence serait possiblement lié non seulement à la hausse de l’activité métabolique, mais aussi à une baisse de sa consommation, compromettant la mobilité du spermatozoïde. Toutes ces données suggèrent donc pour les chercheurs qu’une exposition chronique au fipronil via la nourriture pourrait affecter la fonction reproductive des mâles.

Impact chez les reines ?

Les scientifiques s’intéressent, dans un second temps, aux éventuelles conséquences sur la fonction reproductive des reines. Ils procèdent, pour la seule année 2014, à une insémination artificielle de 40 reines avec la semence des mâles exposés (groupe exposé E) et de 40 reines avec celle des témoins (groupe témoin T). L’insémination est réalisée une semaine après collecte de la semence. Dix décès sont notés dans le groupe E et 12 dans le groupe T, imputés à la procédure. Deux semaines plus tard, les femelles restantes sont capturées et analysées. Le poids des reines est le même entre les deux groupes. Le nombre de spermatozoïdes stockés est moindre pour le groupe E (médiane 5,52 x 10⁶ versus 6,86 x 10⁶ chez le groupe T), et le taux de mortalité y est plus grand (médiane 38,72 % versus 25,96 %), impliquant une diminution de 30 % des spermatozoïdes vivants stockés dans la spermathèque (et donc une baisse du potentiel de fécondation des œufs). La fonction reproductive d’une reine non exposée pourrait ainsi être indirectement impactée par un agent chimique, via l’altération de la semence des faux-bourdons exposés. Les auteurs suggèrent que cette baisse de performance reproductive pourrait affecter la survie de la colonie via la réduction de la progéniture, notamment des travailleuses issues de la fécondation. Ils vont plus loin en imaginant une possible altération du matériel génétique via le fipronil (une étude de 2015 a étudié le phénomène sur des rats), à l’origine de mutations qui se transmettraient aux générations futures et compromettraient ainsi la survie de la colonie, voire de l’espèce.
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¹ Kairo G., Provost B., Tchamitchian S. et coll. Drone exposure to the systemic insecticide fipronil indirectly impairs queen reproductive potential. Sci Rep. 2016;6:31904.

² L’Institut national de la recherche agronomique, l’Institut national d’études supérieures agronomiques et l’Institut national agronomique de Tunisie.

³ Adénosine triphosphate.