Premier braconnage de rhinocéros : tous les acteurs mobilisés

Trois balles dans la tête, la corne découpée à la tronçonneuse ! Vince avait 4 ans. Il vivait paisiblement à Thoiry (Yvelines) depuis mars 2015, en provenance des Pays-Bas où il était né dans un parc zoologique, dans le cadre d’un programme d’échanges entre grands zoos européens. Sa venue, avec un autre mâle nommé Bruno (5 ans), était destinée à permettre la fécondation de Gracie (37 ans), la seule femelle rhino de Thoiry… Quelle que soit la raison pour laquelle sa deuxième corne n’a été que partiellement tranchée, on peut en déduire que ses congénères ont eu de la chance !

L’heure est aujourd’hui

à la réflexion concertée

C’est la première fois en Europe que l’on s’en prend à un animal vivant dans un zoo, devenu terrain de chasse. La dernière alerte remonte à 2011 où la “rhinomafia” avait fait les gros titres de la presse pour des vols parfois violents dans les musées ou chez des taxidermistes en Angleterre, en Autriche, en Espagne, en Italie et en France. Un gang irlandais a finalement été démantelé et ses membres condamnés en avril 2016 à des peines de prison allant de quatre à six ans.

La menace avait poussé les dirigeants du zoo de Thoiry à placer leurs rhinocéros sous haute surveillance. Des mesures de protection ont été prises, des caméras de vidéosurveillance installées et le personnel incité à faire preuve d’une vigilance accrue. « Nous nous rassurions en pensant que les rhinocéros, avec leurs trois tonnes, une vitesse de pointe de 40 km/h et une peau épaisse de plusieurs centimètres, pouvaient se défendre tout seuls ! Un tel braconnage à Thoiry nous paraissait hautement improbable », reconnaît, désabusée, Colomba de La Panouse-Turnbull, directrice générale déléguée du domaine.

Mais l’inconcevable est arrivé et, aujourd’hui, l’heure est à la réflexion concertée. De zone de transit entre l’Afrique et l’Asie, l’Europe devient une zone de braconnage. Un trafic des plus absurdes quand on sait que la corne de rhinocéros n’est que du poil aggloméré, de l’ongle ! Ridicule mais réel, en raison des vertus aphrodisiaques qui lui sont prêtées, notamment en Asie. Cela lui vaut d’être vendue environ 40 000 € le kilo, soit au prix de l’or, parfois davantage ! À cette aune, les 300 rhinocéros blancs des 77 zoos en Europe suscitent à leur tour la convoitise des trafiquants¹.

Le décornage est une option, pas nécessairement la meilleure

Depuis le jour même du braconnage de Thoiry, tous les zoos européens sont alertés et le contact est permanent entre les membres de l’Association française des parcs zoologiques, l’Association européenne des zoos et aquariums, l’organisation non gouvernementale Save the Rhino et les experts de l’Union internationale pour la conservation de la nature (IUCN), afin de définir les solutions les mieux adaptées à chacun des parcs zoologiques. « Les experts nous disent clairement qu’aucune d’entre elles ne peut être généralisée ; toutes ont leurs avantages et leurs inconvénients. Aucune décision ne doit être prise à la légère, surtout sous le coup d’une légitime émotion. C’est ainsi que le décornage demeure certes une option, mais pas nécessairement la meilleure. Son efficacité se justifie dans les grandes réserves d’Afrique du Sud, mais doit être reconsidérée à l’échelle de nos parcs zoologiques. Quel message envoie-t-on s’agissant de la conservation de cette espèce animale ? »

« En matière de sécurité, nous disposons aujourd’hui de technologies hautement performantes, qu’il faut examiner. Pour cela, nous faisons confiance aux experts, notamment de l’IUCN, qui gèrent cette problématique à une dimension hélas plus catastrophique que ce qui s’est passé à Thoiry. Nous allons participer à des réunions programmées en France et en Europe dans les semaines à venir pour appréhender sereinement la question. Nous avons cependant déjà renforcé la sécurisation de notre site », précise Colomba de La Panouse-Turnbull.
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¹ Environ trois rhinocéros sont abattus chaque jour en Afrique du Sud. Vince appartenait à la sous-espèce rhinocéros blanc du Sud, dont il ne reste que 20 000 spécimens. La corne d’un mâle de 5 ans pèse environ 2 kg.