Lymphome multicentrique canin : le consensus du GEO - La Semaine Vétérinaire n° 1714 du 06/04/2017
La Semaine Vétérinaire n° 1714 du 06/04/2017

CONFÉRENCE

PRATIQUE CANINE

Formation

Auteur(s) : LAURENT MASSON 

À l’occasion des journées du groupe d’étude en médecine interne (Gemi) de 2016, le groupe d’étude en oncologie (GEO) de l’Association française des vétérinaires pour animaux de compagnie (Afvac) a présenté une réunion de consensus sur le lymphome multicentrique canin, fondé sur l’evidence-based medicine (EBM). Cette forme clinique est la plus fréquente dans l’espèce canine (70 à 80 % des cas). Il s’agit d’une infiltration primitive par une population lymphocytaire monoclonale des nœuds lymphatiques périphériques, puis profonds, voire des organes hématopoïétiques (rate, foie, moelle osseuse). Il ne doit pas être confondu avec une leucémie (forme circulante sans infiltration ganglionnaire).

Suspicion et signes cliniques

Il convient de suspecter très fortement (clinique quasi pathognomonique) un lymphome en présence d’une adénomégalie généralisée périphérique avec des nœuds lymphatiques de plus de 5 cm de diamètre sans atteinte de l’état général.

Épidémiologie

Une prédisposition du chien mature (10 ou 11 ans), des races plutôt grandes (poids médian entre 27 et 30 kg), des femelles stérilisées par rapport aux chiennes entières et des mâles par rapport aux femelles est notée.

Type de lymphome

Concernant la nature du lymphome multicentrique, deux tiers sont des lymphomes B de haut grade et un tiers des lymphomes T de haut grade, quel que soit l’âge de l’animal (sauf vers 10 ans, où les deux types sont à égalité). Chez le boxer, le lymphome T est majoritaire, tandis que le doberman et le cocker font plutôt des lymphomes B et que les deux types sont équivalents chez le labrador. Il est important de s’interroger sur le type du lymphome, car la médiane de survie d’un lymphome de bas grade est très différente de celle d’un haut grade et une adénomégalie généralisée de survenue lente et progressive peut correspondre à un lymphome de bas grade.

Classification clinique

Un examen clinique complet permet d’avoir une idée de l’extension et de classer l’animal en sous-stade a ou b, qui a une valeur pronostique prédictive. Le sous-stade b concerne tout animal dont l’état général se dégrade ou qui développe des signes cliniques morbides depuis plus de 5 jours (abattement marqué, anorexie, dyspnée, toux, tachypnée, troubles neurologiques, vomissements, diarrhée, fièvre ou amaigrissement). Dans ce cas, la rémission prévisible est de 1,5 à 4,5 mois, contre 18,7 mois en sous-stade a.

Examens complémentaires

Il est indispensable de recenser toutes les adénomégalies palpables, de décrire leur consistance. Leur mesure permet un meilleur suivi. Les seuls examens indispensables sont une numération et formule sanguines avec frottis sanguin (même en l’absence d’anomalies hématologiques) et une analyse d’urines (suspicion d’une hypercalcémie en présence d’oxalate de calcium). L’existence de lymphocytes blastiques circulants est en faveur d’un stade 5 (tableau), même si leur présence n’est pas obligatoirement associée à ce stade et que leur absence est notée dans 40 % des cas de stade 5. L’existence de plus de 10 % de lymphocytes blastiques et d’une thrombopénie corrélée est très fortement évocatrice d’un stade 5. Un rapport initial lymphocyte sur monocyte inférieur à 1,2 lors de la première consultation est un critère pronostique péjoratif, tout comme l’anémie (hématocrite inférieur à 37 %).

Bilan d’extension

Le bilan d’extension est réalisé avant tout traitement et en particulier toute corticothérapie (risque de chimiorésistance et de modification des résultats de la cytologie). Il permet de définir le pronostic, d’adapter le protocole en fonction du stade et d’objectiver la réponse au traitement, notamment lors de stade 5 (tableau).

Lors de dyspnée, des radiographies sont réalisées sous trois incidences. Une anomalie est retrouvée dans environ trois quarts des cas (adénopathie intra-thoracique dans deux tiers des cas, atteinte pulmonaire – opacification interstitielle diffuse souvent – dans un tiers des cas). L’atteinte médiastinale est un facteur de mauvais pronostic. En revanche, la distinction entre les stades 3 et 4 n’a pas d’intérêt pronostique. L’échographie n’est donc intéressante que pour rechercher une organomégalie et donc évaluer le risque de syndrome de lyse tumorale. Une ponction échoguidée y est associée (sous couvert d’absence de thrombopénie). Face à un lymphome B diffus à grandes cellules ou lors de modifications hématologiques, un myélogramme est réalisé.

Typage

Avant d’avancer un pronostic et d’envisager une chimiothérapie, il convient de connaître précisément le type de lymphome grâce à la cytologie ou l’histologie, associées à des immunomarquages : immunocytochimie sur lames de ponction, cytométrie en flux sur une suspension de suc ganglionnaire récolté sur un milieu de transport particulier additionné de quelques gouttes de sérum1 ou immunohistochimie sur coupes histologiques. L’histologie reste le gold standard et est indispensable lorsque la cytologie ne permet pas de conclure, lorsque l’évolution contredit les conclusions de la cytologie ou pour confirmer le diagnostic de lymphome de bas grade. L’exérèse complète du nœud lymphatique est l’idéal pour l’examen histologique. Il convient, dans ce cas, de prélever le plus lésionnel, en le tranchant en deux pour une meilleure fixation à cœur.

Pronostic

Le sous-type morphologique permet de déterminer un pronostic. Les lymphomes peuvent être classés en fonction de leur pronostic, du plus favorable au plus péjoratif : les lymphomes T indolents de bas grade (21 à 37 mois de survie avec ou sans chimiothérapie), les lymphomes B de bas grade, les lymphomes B diffus à grandes cellules (12 à 18 mois de survie sous traitement et représentant près de la moitié des cas), les lymphomes T de haut grade, les lymphomes T à grains et enfin les lymphomes B de Burkitt. Parmi les lymphomes B de haut grade, le lymphome B centroblastique polymorphe a le pronostic le plus favorable, avec des survies médianes sous chimiothérapie qui avoisinent 14 à 17 mois, versus le lymphome B immunoblastique qui aurait un pronostic plus péjoratif (9 mois).

La classification en fonction des éléments cliniques permet d’affiner le pronostic. Les pronostics les plus péjoratifs sont observés :

- dans les sous-stades b : survie pour les stades 1 égale à 16,4 mois versus 4 mois pour les stades 5 ; en moyenne, la survie médiane lors de sous-stade b est inférieure à 6,5 mois ;

- lors d’anémie (hématocrite inférieur à 35 %) : survie médiane de 100 à 160 jours contre 260 à 300 jours ;

- lors d’infiltration médullaire. En cas d’infiltration médullaire supérieure à 3 % en cytométrie en flux (stade 5), la survie est de 5 mois contre 11 mois en l’absence d’infiltration médullaire ;

- lors de rapport lymphocyte/monocyte inférieur à une valeur seuil de 1,2 déterminé par cytométrie en flux. Si le rapport est inférieur à 1,2, la survie médiane est de 6,2 mois contre 16 mois chez les autres chiens ;

- lors d’hypercalcémie : présente dans 10 à 15 % des lymphomes, elle est plus souvent associée à l’immunophénotype T, et particulièrement aux atteintes médiastinales craniales. Elle entraîne une classification en sous-stade b et prédispose à une insuffisance rénale. Elle doit être absente pour espérer une survie à 2 ans. La survie médiane retenue en présence d’une hypercalcémie est de 1 à 1,5 mois ;

- lors d’atteintes médiastinales, surtout lors d’immunophénotype T (survie de 3 mois contre 6 mois si type B) ;

- lors de corticothérapie isolée, prolongée (15 jours), avant la chimiothérapie.

À l’inverse, les animaux présentant une rémission clinique complète en fin d’induction ont un meilleur pronostic : survie médiane de 2 mois pour les non-répondants et de 5 mois pour les réponses partielles, d’où l’importance du bilan d’extension initial, qui va définir ce critère.

En outre, certains critères sont en faveur d’une longue survie et permettent plus facilement d’inciter le propriétaire à réaliser une chimiothérapie. Une survie à 2 ans est alors possible (ensemble des critères présents) en l’absence d’anémie, d’hypercalcémie, d’infiltration médullaire, de corticothérapie préalable à la chimiothérapie, lors de poids supérieur à 10 kg, en présence d’un immunophénotype B et d’un sous-type morphologique centroblastique.

Traitement

La chimiothérapie est le traitement de choix, sauf lors de lymphome T indolent (elle ne semble pas influer sur les médianes de survie, comprises entre 21 et 33,5 mois), de lymphome de Burkitt (espérance de vie inférieure à 1 mois) ou lors d’affection concomitante grave. La polychimiothérapie est recommandée : L-asparaginase (en début d’induction), adriblastine, vincristine, cyclophosphamide, prednisone. La cytosine arabinoside peut être intégrée lors de lymphome de stade 5, tandis que la lomustine peut être ajoutée à la phase de maintenance lors de lymphome T de haut grade. Pour prévenir les effets secondaires, il est conseillé de vérifier que la numération des neutrophiles est supérieure à 2 500/ml et celle des thrombocytes supérieure à 100 000/ml, de fractionner en deux la dose de L-asparaginase en cas de volume tumoral important, de mettre l’animal à jeun 24 heures avant la chimiothérapie, d’administrer du furosémide avec la prise de cyclophosphamide et d’injecter du maropitant après la chimiothérapie. Il convient d’établir un devis (5 000 à 6 000 € par an) et d’informer les propriétaires sur la législation : hospitalisation de 24 heures à l’issue de chaque séance, et période de surveillance accrue à la maison, avec recueil des selles et des urines pendant 2 à 6 jours selon les molécules.

Suivi

À chaque séance, puis tous les mois au cours des 6 premiers mois, il convient de renouveler un examen clinique (examen complet, palpation voire mesure des nœuds lymphatiques, calcémie, etc.) pour détecter une éventuelle rechute. Un dosage de l’activité lactate déshydrogénase serait intéressant pour évaluer le risque de rechute à la fin de la période d’induction : basse, elle est en faveur d’une non-rechute. Lors de rechute, il peut être intéressant de renouveler l’évaluation de la prolifération cellulaire (Ki67), car il est possible de passer d’un bas grade à un haut grade. En cas de rechute tardive (140 jours), l’animal peut répondre à nouveau au second traitement, mais la période de rémission sera moins longue (moitié moins généralement) que la première fois (84 jours en moyenne). D’un point de vue thérapeutique, la L-asparaginase est réutilisable. La lomustine est une alternative thérapeutique en cas de rechute.

1 Disponible chez Vebio.

PONCTION D’UN NŒUD LYMPHATIQUE

Didier Lanore, Claire Beaudu-Lange, Cathy Trumel, Jérôme Abadie, Pauline de Fornel, pour le GEO. Article rédigé d’après une présentation faite lors des journées du Gemi-GEO de l’Afvac à Avignon (Vaucluse), en avril 2016.

La ponction des nœuds lymphatiques rétromandibulaires, volumineux (nécrose centrale) ou, au contraire, petits (absence d’infiltration possible) est à éviter. Celle des nœuds poplités ou préscapulaires est préférable. Il convient de ponctionner plusieurs nœuds lymphatiques. S’ils sont tous volumineux, il est conseillé de réaliser une ponction tangentielle pour éviter le centre. Des aiguilles de petit diamètre (22G ou 25G) montées sur une seringue de 5 à 10 ml (voire 2 ml) permettent d’éviter une hémorragie liée à la ponction et la lyse cellulaire (gênant l’interprétation). Le prélèvement se fait sans aspiration (pour limiter le saignement), par mouvements de va-et-vient dans le nœud lymphatique, bien maintenu entre les doigts. L’étalement sur la lame dégraissée doit être délicat, car les cellules sont fragiles.
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