Complémentaire santé obligatoire, un an après - La Semaine Vétérinaire n° 1716 du 22/04/2017
La Semaine Vétérinaire n° 1716 du 22/04/2017

DOSSIER

Au sein des cliniques vétérinaires comme ailleurs, l’obligation de proposer une mutuelle à tous les salariés a suscité des interrogations, puis s’est concrétisée. Un an après, le bilan est loin d’être positif. Si la gestion de cette nouvelle contrainte se révèle moins compliquée qu’il n’y paraissait, les salariés, en revanche, n’apprécient guère ce supposé avantage.

Cela fait maintenant plus d’un an que toutes les entreprises du secteur privé, quelle que soit leur taille, ont l’obligation de proposer à leurs salariés une complémentaire santé. Une conséquence de l’accord national interprofessionnel (ANI) signé en 2013 (encadré). Sur le papier, la mesure, entrée en vigueur le 1er janvier 2016, semblait avoir du bon puisque près de 700 000 entreprises françaises ne proposaient pas de complémentaire à leurs collaborateurs. Une situation qui touchait surtout les petites structures. De fait, les salariés ne pouvant pas souscrire un contrat collectif s’assuraient, jusque-là, via leur conjoint ou en souscrivant des contrats individuels souvent bien plus onéreux que les mutuelles d’entreprise.

Les employeurs tardent à proposer des mutuelles

Dans la pratique, cette nouvelle mesure s’est révélée relativement compliquée à mettre en place pour les employeurs. Quant aux salariés, ils rechignent à adhérer à la complémentaire santé de leur entreprise, souvent bien moins intéressante et personnalisée que leur mutuelle personnelle. Pourquoi ? La première réponse semble limpide au regard des chiffres. Selon l’Institut de recherche et documentation en économie de la santé (Irdes), seulement 32 % des entreprises de moins de 10 salariés étaient équipées d’une couverture santé fin 2016. Dans le secteur vétérinaire, les cliniques ne semblent pas déroger à cet état des lieux, même si un bilan précis sera réalisé dans quelques semaines. « Nous établirons une situation fin mai début juin », assure Jérôme Frasson, vétérinaire et administrateur du Syndicat national des vétérinaires d’exercice libéral (SNVEL). Rappelons que l’accord collectif de la branche vétérinaire, signé en octobre 2015 par le SNVEL et les partenaires sociaux, recommande dans son article 5 : « Les employeurs peuvent affilier leurs salariés auprès de l’AG2R Prévoyance, organisme recom mandé pour assurer et gérer le régime frais de santé (…). L’affiliation peut également s’effectuer auprès de tout autre organisme, à condition de respecter le panier de soins défini par la branche vétérinaire. »

En attendant, nombre de cliniques ont tardé, voire tardent encore à se mettre au diapason de la loi, à l’image de l’ensemble des très petites, petites et moyennes entreprises (TPE et PME), qui invoquent principalement des raisons financières pour expliquer ces retards.

Une complexité administrative

Ainsi, 56 % des dirigeants de PME estiment que la mutuelle d’entreprise obligatoire représente une charge financière trop élevée pour leur structure. Ils sont à peu près autant à invoquer les raisons de complexité administrative. « Nous avons mis en place la mutuelle juste dans les délais, cela a été assez compliqué, notamment parce que la définition du panier de soins de la branche est arrivée relativement tard. De plus, comme nous avons préféré travailler avec un autre assureur que celui recommandé, cela a nécessité pas mal d’allers-retours pour mettre au point le contrat et finaliser l’ensemble des démarches à accomplir », explique Cyril Chovet, associé au sein des cliniques vétérinaires Caduvet. Reste que dans l’ensemble, la nouvelle mesure fait petit à petit son chemin et environ 1,5 million de personnes sont aujourd’hui affiliées à une mutuelle d’entreprise, ce qui représente près de 90 % des structures concernées par cette loi. Revers de la médaille, 66 % des entreprises qui ont souscrit un contrat pour leurs collaborateurs l’ont fait a minima, en signant un accord se limitant au panier de soins minimum. Ce faisant, les salariés, plus encore que les employeurs, tardent à souscrire un contrat collectif, qui est souvent bien moins protecteur que leur propre mutuelle. Or, la mutuelle reste un domaine sur lequel les Français recherchent une couverture optimale.

Les bénéficiaires cherchent la valeur ajoutée

Car voilà précisément le principal point faible de cette mesure : le niveau de garantie. « La première erreur a été de s’intéresser à la complémentaire santé alors que la majorité des Français sont couverts, ce qui n’est pas le cas en prévoyance, donc l’urgence était de généraliser la prévoyance, pas les mutuelles. Et la seconde, c’est que l’ANI a conduit une majorité de salariés vers des contrats qui les protègent moins bien. Donc, au final, cela leur coûte beaucoup plus cher », résume Laurent Ouazana, membre de l’Institut de la protection sociale (IPS). Plus cher parce que rares sont les employeurs qui ont pu proposer de solides garanties à leur personnel. Alors, pour bénéficier de garanties de bon niveau, ils se tournent vers des surcomplémentaires. Résultat, cette mesure a été mal acceptée par les salariés. « Nous avons encore deux collaborateurs qui traînent les pieds pour adhérer au contrat collectif. Ils ont l’impression de perdre une liberté. Sans compter que leurs contrats personnels sont plus avantageux que celui de la clinique », souligne Cyril Chovet. Même constat pour d’autres chefs d’entreprise : « Les salariés ne sont pas demandeurs, mais nous étions bien contraints de mettre en place cette mesure », résume Jean-Jacques Bynen, qui gère trois cliniques employant quatre vétérinaires et six ASV. À l’image des salariés, pour les employeurs, l’ANI n’a guère apporté de valeur ajoutée et elle a généré un surcroît de travail. « La mise en place a été compliquée, la gestion quotidienne est plus simple puisque les échanges se font directement entre les assurés et la mutuelle, mais il nous faut encore intervenir lorsqu’un collaborateur arrive ou nous quitte », commente Julie Fontaine, vétérinaire associée à Bressuire (Deux-Sèvres) au sein d’un cabinet multisite regroupant six vétérinaires associés, quatre vétérinaires salariés et 16 collaboratrices.

Quel avantage pour les équipes ?

Pourtant, les structures vétérinaires ont fait des efforts pour rechercher des contrats optimaux. « Nous avons voulu faire le mieux possible, donc nous proposons un contrat qui va au-delà du panier minimum. Nous souhaitons faire de cette obligation une gratification », observe Jean-Jacques Bynen. Julie Fontaine a, elle aussi, passé du temps à rechercher la meilleure protection pour ses équipes. « Nous nous sommes fixé un budget et nous avons sollicité notre courtier afin qu’il nous propose les meilleurs contrats. Au final, nous avons opté pour un premier niveau de garantie légèrement supérieur au panier de soins minimum et dont nous prenons en charge 50 %. Nous proposons par ailleurs une surcomplémentaire qui reste à la charge de ceux qui la souscrivent », explique-t-elle. En dépit de ces conditions favorables, la moitié des cadres et à peine un tiers des non-cadres adhèrent à la mutuelle interne. « Cela n’a pas été vécu comme un avantage par les équipes », regrette Julie Fontaine. « Le bilan de cette mesure devrait être positif puisque cela permet un réel confort au niveau des soins médicaux, mais il est vraiment dommage que l’on soit obligé de l’imposer. C’est cela qui est mal vécu par les équipes et, du coup, ce qui devrait être un avantage apparaît comme une contrainte », analyse Jean-Jacques Bynen. D’autant que cette mesure n’a pas qu’un impact financier sur les cotisations dont il faut s’acquitter. Depuis le 1er janvier 2013, la part des cotisations à la complémentaire prise en charge par l’entreprise devient un revenu imposable. « Plus l’employeur est généreux, plus le salarié paye d’impôts », constate avec amertume Laurent Ouazana. Encore une mesure dont les salariés se seraient bien passés. Les chiffres confirment les impressions du terrain. Près de 25 % des salariés adhérant à une mutuelle d’entreprise ont opté pour des renforts de garanties.

Le collectif prend le pas sur l’individuel

Par ailleurs, le baromètre annuel 2016 sur la santé des Français, publié par le cabinet Deloitte, mentionne que 26 % des personnes interrogées sont prêtes à souscrire une surcomplémentaire santé. Dans le sillage de l’ANI, l’État a introduit une autre réforme en 2015, visant cette fois à instaurer des plafonds de remboursement pour limiter les dépassements d’honoraires, laquelle a elle aussi conduit au final à augmenter les restes à charge pour les bénéficiaires. « Les personnes qui ont des revenus modestes sont très injustement sanctionnées par ces réformes de la mutuelle obligatoire et du contrat responsable. Économiquement, ces deux mesures ne sont vraiment pas de bonnes opérations pour les salariés », commente Laurent Ouazana. Comme souvent, le véritable bilan sera à dresser d’ici quelques bons mois puisque depuis le 1er janvier 2017, tous les salariés dans l’impossibilité de justifier une dérogation doivent être affiliés à une mutuelle d’entreprise. Déjà, en 2016, 20 % des Français ont changé de mutuelle, pour se diriger vers une complémentaire santé d’entreprise. Cette tendance va encore probablement s’accentuer cette année, confirmant que le collectif prend désormais le pas sur l’individuel. Mais pas avec des niveaux de protection optimaux…

LA LOI ANI, EN BREF

L’accord national interprofessionnel (ANI) a été signé le 11 janvier 2013 par les partenaires sociaux : le patronat, représenté par le Medef, la CGPME et l’UPA (devenue U2P)1 et trois syndicats (CFE-CGC, CFDT et CFTC)2. Il prévoit la généralisation de la couverture santé pour 3,5 millions de salariés français. En effet, au 1er janvier 2016, toutes les entreprises du secteur privé, quels que soient leur taille, leur domaine d’activité et leur organisation juridique, ont l’obligation de mettre en place une mutuelle collective pour leurs salariés. Cette mutuelle obligatoire doit répondre aux critères d’un« contrat responsable et solidaire »,décrit par la loi, et proposer un panier de soins dont les minima sont définis par décret. Les entreprises doivent prendre en charge au minimum 50 % du coût de cette mutuelle santé, le reste étant supporté par le salarié bénéficiaire. Plusieurs cas de dispense sont toutefois prévus par l’accord. Il s’agit des apprentis, des salariés à temps partiel et des salariés en contrat à durée déterminée (CDD) dont le contrat est d’une durée inférieure à 12 mois, ou égal ou supérieur à 12 mois (mais le salarié doit alors justifier d’une couverture individuelle avec des garanties similaires). Peuvent aussi être dispensés d’adhérer à la mutuelle d’entreprise les apprentis et les salariés à temps partiel dont la cotisation salariale est égale ou supérieure à 10 % de la rémunération brute, les salariés bénéficiaires de l’aide pour une complémentaire santé (ACS) ou de la couverture maladie universelle complémentaire (CMU-C), ainsi que les salariés à employeurs multiples déjà couverts par un contrat collectif de l’un de leurs employeurs et les salariés couverts en tant qu’ayants droit. Ces dispenses ne peuvent être acceptées par l’employeur que si le salarié est en mesure de présenter à son entreprise les pièces permettant de justifier la dérogation.
Si cette mesure est la plus emblématique, l’ANI est aussi le texte qui fixe une plus grande sécurité juridique des procédures de licenciement économique, une taxation des contrats courts ou encore des accords de maintien dans l’emploi. Cet accord a été transposé dans la loi sur la sécurisation de l’emploi, adoptée par le Parlement le 14 juin 2013.

1 Le Mouvement des entreprises de France, la Confédération générale des petites et moyennes entreprises et l’Union professionnelle artisanale (devenue Union des entreprises de proximité).
2 Confédération française de l’encadrement-Confédération générale des cadres, Confédération française démocratique du travail et Confédération française des travailleurs chrétiens.

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