Pays-Bas : de nouveaux outils pour lutter contre la maltraitance animale - La Semaine Vétérinaire n° 1717 du 29/04/2017
La Semaine Vétérinaire n° 1717 du 29/04/2017

DÉCRYPTAGE

Auteur(s) : BÉNÉDICTE ITURRIA 

Les actes de cruauté envers les animaux ne sont pas uniquement l’œuvre de familles “antisociales” ou de jeunes hommes, comme il est souvent décrit dans la littérature.

Hommes et femmes, de tous âges et de tous horizons, sont des agresseurs potentiels. Telles sont les conclusions de la première étude1 sur les auteurs de violence envers les animaux réalisée aux Pays-Bas par le Bureau Beke, une agence spécialisée dans la recherche et le conseil sur la sécurité et la criminalité, dans le cadre du programme de recherche publique Police et science. Ce travail a pour but de déterminer les caractéristiques et les antécédents des agresseurs, éléments utiles aux fonctionnaires de police en charge du bien-être animal.

Une large enquête

Les criminologues Anton van Wijk et Manon Hardeman, à l’origine de ce rapport publié le 7 avril dernier, ont effectué de longues recherches dans les banques de données de divers organismes tels que la police, la Landelijke Inspectiedienst Dierenbescherming (branche de l’association de protection animale Dierenbescherming) en charge d’enquêter sur les maltraitances animales et le 144, centre d’appel d’urgence2 pour signaler les animaux en danger. Ils ont aussi collecté des informations auprès de professionnels tels que les conducteurs d’ambulance pour animaux3, les membres de la Dierenpolitie 2(police des animaux) et des scientifiques (vétérinaires, enseignants de l’école vétérinaire, de la faculté de droit, de la faculté de psychologie). Les deux experts avouent cependant que l’absence de chiffres précis ne leur a permis de rassembler que certaines pièces du puzzle. La différence est en effet rarement faite entre mauvais traitements et négligence. Une autre grande inconnue concerne l’ampleur des cas de maltraitance, car ils se passent souvent à l’abri des regards. Comme l’explique Anouk Duijnker, coordinatrice de la Dierenpolitie de la province de Noord-Holland, « nous ignorons ce qui se passe chez les gens, […] nous avons une loi merveilleuse qui stipule que la cruauté envers les animaux est un crime, mais sans preuve ni témoin oculaire, nous ne pouvons rien ».

Cerner le profil des coupables

Ces investigations leur ont tout de même permis de mieux cerner le profil de 97 coupables d’actes de cruauté envers les animaux. Ils espèrent que cette première publication donnera une impulsion pour ordonner d’autres études dans le futur. Leur rapport a d’ores et déjà été transmis à la Tweede Kamer (chambre des députés) par le ministre de la Sécurité et de la Justice, Stef Blok, afin d’élaborer prochainement des scénarios pour faire face à la maltraitance animale.

Les agresseurs d’animaux constituent un groupe beaucoup plus diversifié qu’il n’y paraît. Environ un acte de maltraitance sur huit est commis par une femme. La tranche d’âge des agresseurs varie de 7 à 78 ans (18 à 69 pour les femmes) et ils ont en moyenne 34 ans au moment du passage à l’acte (36 ans pour les femmes). La plupart ont suivi des études secondaires. Les agresseurs d’animaux peuvent faire face à des problèmes dans leur vie quotidienne, tels que le chômage (40 % des cas) et/ou l’endettement. Certains consomment de l’alcool ou des drogues et, dans une moindre mesure, des médicaments. Selon les données de la police, la moitié d’entre eux seraient des primo-délinquants n’ayant fait auparavant l’objet d’aucun fichage pour d’autres crimes ou délits. L’autre moitié est en revanche connue pour des faits tels que crimes contre les biens, crimes violents ou violence domestique.

Frustration, mauvais contrôle des impulsions et empathie réduite

Sur le plan psychologique, les criminologues ont relevé chez les coupables des problèmes de gestion de la colère, des difficultés à maîtriser les impulsions et un manque de compétences sociales. « De nombreux cas de maltraitance envers les animaux ont pour origine un sentiment de frustration, un mauvais contrôle des impulsions et une empathie réduite », explique Anton van Wijk. Sadisme et troubles psychiques peuvent aussi expliquer la maltraitance, mais, selon l’expert, les “vrais” sadiques sont rares. Il cite le cas de Rudolph K., condamné à perpétuité pour un meurtre et surnommé le bourreau de Twente pour avoir, entre 2000 et 2004, tué et mutilé des dizaines de chevaux et avoir conservé leur pénis dans un congélateur. Il a été diagnostiqué comme souffrant de trouble de la personnalité antisociale et de trouble sexuel, et non comme une personne sadique. Il aurait, en effet, été poussé par une sorte de curiosité obsessionnelle et de perversion sexuelle, et non pour en retirer un quelconque plaisir. Le bourreau de Twente est un cas bien connu, mais cependant unique et non représentatif des personnes recensées pour avoir commis des actes de cruauté. Chez les plus jeunes, la violence peut se produire en groupe. Le rapport décrit par exemple le cas d’une bande de garçons qui, sitôt après avoir acheté des poissons rouges dans une animalerie, les ont piétinés sur le trottoir à l’extérieur du magasin.

Dans environ la moitié des cas recensés, la violence envers l’animal n’était pas préméditée. La prise d’alcool peut catalyser le passage à l’acte. La violence est souvent le reflet de la frustration ou de la colère du suspect, qui se venge alors sur l’animal. La préméditation serait présente dans 26 % des cas : le rapport cite en exemple une mère ne souhaitant plus s’occuper du chien de sa fille, qui avait quitté le foyer. Le chien causant des nuisances de voisinage, elle a décidé de l’euthanasier en le rouant de coups après lui avoir administré du valium. L’animal étant toujours en vie, elle l’a ensuite étranglé avec un sac plastique.

Les animaux de compagnie visés dans trois quarts des cas

Sur les 97 cas, trois quarts concernent des animaux de compagnie, dont 57 % sont des chiens, les chats ne constituant que 17 % des victimes. Ce pourcentage pourrait cependant être plus important, car les félins, à la différence des chiens, sont souvent gardés à l’intérieur, leur souffrance passant ainsi inaperçue. Il en est de même pour les NAC. L’autre quart constitue des animaux de rente et des animaux sauvages (10 % des cas). L’agresseur s’en prend à son propre animal dans 50 % des cas. Près de la moitié des maltraitances surviennent dans la résidence du propriétaire, plus d’un tiers ont lieu à l’extérieur (près d’un étang, dans un champ) et le reste dans la maison d’un tiers. Ces violences aboutissent dans presque la moitié des cas à la mort de l’animal. Près d’un tiers des animaux ont été battus et/ou ont reçu des coups de pied ou été jetés contre un mur ou sur le sol.

Envisager une base de données

En conclusion, pour mieux appréhender les coupables, il serait idéalement nécessaire, selon les deux criminologues, de mettre en place une base de données où seraient régulièrement enregistrés les cas de maltraitance et leurs caractéristiques. Il est aussi important que les connaissances et les compétences de tous les agents confrontés à la cruauté envers les animaux soient renforcées et qu’ils disposent de plus de temps pour mener à bien leurs missions.

Le rôle des vétérinaires

Les auteurs se sont aussi penchés sur le rôle des vétérinaires dans ce genre de situations. Les animaux victimes de maltraitance consécutive à un acte impulsif sont souvent amenés en consultation par le conjoint ou le bourreau lui-même, souhaitant que l’animal soit “réparé”. Cela peut sembler paradoxal, mais la psychologue Nienke Endenburg, qui travaille sur la relation homme-animal à la faculté de médecine vétérinaire d’Utrecht, voit régulièrement ce cas de figure.

Il est assez difficile pour un vétérinaire de faire part de ses soupçons à la police. « Souvent, les vétérinaires ne reconnaissent pas les cas de maltraitance des animaux. Ou bien ils ont peur d’accuser leurs clients », explique la psychologue. L’absence ou le manque de preuves, le doute, la peur de trahir la confiance et le lien établi avec le propriétaire sont autant de raisons qui empêchent le praticien de dénoncer ce qui pourrait être un acte de cruauté. Pour aider les praticiens à faire face à ce dilemme, un centre national d’expertise de la maltraitance animale, le Landelijk Expertisecentrum Dierenmishandeling, verra le jour l’été prochain. Nienke Endenburg en est l’une des instigatrices. Les confrères qui suspectent un acte de cruauté pourront se faire aiguiller par un panel d’experts (légistes, vétérinaires pathologistes). Il leur sera possible d’envoyer leurs rapports, leurs photos des lésions de l’animal et les radiographies sur le site internet du centre. Après analyse des informations, les experts donneront leur verdict aux praticiens, en confirmant ou infirmant le cas de maltraitance. Le centre pourra aussi se charger du signalement à la police, soulageant ainsi le vétérinaire de cette démarche. Ce centre s’inspire du Landelijk Expertisecentrum Kindermishandeling 4 créé il y a deux ans, qui lutte contre la maltraitance infantile. Un médecin qui a des doutes sur l’origine des ecchymoses recouvrant le corps d’un enfant peut le signaler à des experts, qui établissent un diagnostic. Les deux centres travailleront en étroite collaboration, du fait du lien désormais avéré entre la maltraitance animale et les violences domestiques5.

1 https://lc.cx/UzHb.

2 Voir La Semaine Vétérinaire n° 1609 du 12/12/2014, page 23.

3 Voir La Semaine Vétérinaire n° 1588 du 6/6/2014, page 22.

4 leck.nu.

5 Voir La Semaine Vétérinaire n° 1626 du 17/4/2015, pages 12 et 13.

Formations e-Learning

Nouveau : Découvrez le premier module
e-Learning du PointVétérinaire.fr sur le thème « L’Épanchement thoracique dans tous ses états »

En savoir plus

Boutique

L’ouvrage ECG du chien et du chat - Diagnostic des arythmies s’engage à fournir à l’étudiant débutant ou au spécialiste en cardiologie une approche pratique du diagnostic électrocardiographique, ainsi que des connaissances approfondies, afin de leur permettre un réel apprentissage dans ce domaine qui a intrigué les praticiens pendant plus d’un siècle. L’association des différentes expériences des auteurs donne de la consistance à l’abord de l’interprétation des tracés ECG effectués chez le chien et le chat.

En savoir plus sur cette nouveauté
Découvrir la boutique du Point Vétérinaire

Agenda des formations

Calendrier des formations pour les vétérinaires et auxiliaires vétérinaires

Retrouvez les différentes formations, évènements, congrès qui seront organisés dans les mois à venir. Vous pouvez cibler votre recherche par date, domaine d'activité, ou situation géographique.

En savoir plus


Inscrivez-vous gratuitement à nos Newsletters

Recevez tous les jours nos actualités, comme plus de 170 000 acteurs du monde vétérinaire.

Vidéo : Comment s'inscrire aux lettres d'informations du Point Vétérinaire

Retrouvez-nous sur