Un amour de chèvre

Bien que le cinéma égyptien soit aujourd’hui l’ombre de ce qu’il était entre 1950 et 1970 quand il tenait le troisième rang mondial, une nouvelle génération tente d’émerger de ses ruines. Ce curieux premier long métrage en témoigne. Mêlant la comédie urbaine, le road movie, le conte poétique et le récit initiatique, il échappe à toute catégorie. Le Caire, son chaos, ses quartiers déshérités. Le jeune Ali voue un amour obsessionnel à Nada… une innocente chevrette. Inquiète, sa mère l’envoie chez un guérisseur où il rencontre Ibrahim, un ingénieur du son, souffrant, lui, de violents assauts d’acouphènes (une tare familiale). Ali est aussi jovial qu’Ibrahim est déprimé. L’improbable duo entreprend alors un voyage thérapeutique qui mènera d’Alexandrie à la mer Rouge et à l’issue duquel, grâce à la médiation magique de l’animal, les deux jeunes gens trouveront l’amitié et l’apaisement. Si l’insolite amour de l’un et les crises de l’autre sont peut-être des métaphores pour dénoncer la puissance d’aliénation de la métropole égyptienne, le cinéaste porte aussi plus littéralement un regard intérieur sur les démons personnels qu’elle engendre. À la manière d’un conteur oriental, il suggère que travailler à leur dépassement (par l’amour) mènera les Égyptiens vers une société plus solidaire. En dépit des maladresses, le film dégage une énergie ingénue, rafraîchissante et l’interprétation – à la fois légère et profonde – d’Ali finit par nous convaincre de la sincérité de son amour pour Nada.
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Ali, la chèvre & Ibrahim de Sherif El Bendary, avec Ali Sobhy, Ahmed Magdy, Égypte-France, 1 h 38, sortie le 7 juin.