Ce qu’ils ont vécu

Après Bêtes des tranchées (La Semaine Vétérinaire n° 1563 du 6/12/2013, page 56), Éric Baratay poursuit ici le vaste chantier dont il avait posé les bases dans Le Point de vue animal (La Semaine Vétérinaire n° 1488 du 23/3/2012, page 51) en 2012. L’historien s’intéresse cette fois à des récits individuels de vie animale suffisamment bien documentés pour permettre de les reformuler dans une perspective qui ne soit plus anthropocentrée. Un travail inaccoutumé pour un contexte savant et qui, au-delà de l’anecdote, consiste à croiser le brouhaha humain des documents aux connaissances éthologiques, afin de tenter de restituer le vécu et les sensations de l’animal, de formuler sa subjectivité. L’auteur s’est penché sur une douzaine de cas plus ou moins célèbres, comme la girafe de Charles X, Warrior, le cheval de guerre, Modestine, l’âne qui accompagna Stevenson sur les sentiers cévenols, Consul, le chimpanzé du zoo de Manchester (en couverture), Pritchard, Bauschan, Douchka, animaux compagnons d'éminents écrivains ou, plus inattendu, Islero le taureau qui porta le coup de corne fatal au torero Manolete. Si l’essai de reconfiguration de sujets non humains se révèle diversement convaincant – il l’est manifestement dans le cas d’Islero –, l’intérêt du livre découle surtout de la combinaison hétérogène de ces existences, pertinemment choisies. Elle dessine l’horizon plus vaste d’une histoire des sociétés animales (domestiques comme sauvages) qui pourrait objectiver leurs évolutions (comportementales) en fonction de celles des environnements et des pressions humaines.
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Biographies animales d’Éric Baratay, collection “L’Univers historique”, Seuil, 20,5 x 14 cm, 304 pages, 22 €.