DOSSIER
Auteur(s) : CHANTAL BÉRAUD
Le vétérinaire, éternel “couteau suisse” de sa structure, doit-il, à l’avenir, professionnaliser davantage les tâches non médicales, en faisant appel à des profils spécialisés qui n’existent pas aujourd’hui dans ses équipes ? Les fonctions d’assistante de direction, de responsable des ressources humaines ou encore de chargé de communication sont en train d’émerger au sein de la profession. Elles sont créées le plus souvent à la suite d’une réorganisation interne, afin de rentabiliser sa structure et de faire face à la concurrence. Aussi, d’autres profils de dirigeants sont peu à peu recherchés par les chefs d’entreprise vétérinaire, tels le directeur des ressources humaines et le directeur administratif et financier.
Chargé de communication/ community manager (H/F) recherché pour un centre hospitalier vétérinaire. Salaire : 20-25 K € bruts par an. CDI à 80 % pouvant évoluer vers un temps plein. » Ce type d’annonce (une offre d’emploi récemment parue) est encore rarissime dans la profession. Pour plusieurs raisons. La principale est sans doute liée à la “démographie” vétérinaire : hormis dans les centres hospitaliers vétérinaires (CHV), les chaînes de cliniques ou les grandes structures, peu d’employeurs peuvent financièrement se permettre de commencer à segmenter les postes. Pourtant, de nouveaux métiers et profils apparaissent bel et bien dans la profession, car le vétérinaire constate qu’il n’a plus le temps de tout orchestrer à lui seul, et que c’est aussi une voie pour mieux rentabiliser sa structure.
L’exemple de rationalisation des tâches non médicales le plus connu est celui des auxiliaires spécialisés vétérinaires (ASV) qui deviennent assistants de direction et/ou de communication, sous la supervision d’un associé.
« De nouveaux besoins sont effectivement en train d’émerger, notamment pour les structures qui augmentent en taille, qui se développent sur plusieurs sites ou au sein de groupements d’intérêt économique (GIE), constate Hélène Villarroya, qui, depuis 2010, accompagne au sein d’Adevet1 des cliniques dans leur développement d’activité en matière d’offre de services, de politique de prix, de ressources humaines, de recrutement, d’organisation interne. Par exemple, concernant les ressources humaines, certaines structures vont jusqu’à engager des directeurs de clinique auxquels sont déléguées une partie opérationnelle et une partie stratégique. Les profils les plus recherchés correspondent à des professionnels d’une quarantaine d’années, souvent diplômés d’écoles de commerce, qui ont acquis de l’expérience dans d’autres secteurs d’activité. Ils se recrutent autour de 4 000 à 5 000 € nets par mois. » Il arrive aussi que des vétérinaires se reconvertissent dans cette fonction, en suivant une formation complémentaire allant de quelques semaines pour les plus courtes à 18 mois pour les plus complètes. De tels chefs de clinique doivent avoir suffisamment d’autorité et de compétence pour être capables de mobiliser tant les associés que le reste des équipes, dans un contexte de réorganisation.
Quelles missions les associés peuvent-ils déléguer ? « Une telle réorganisation pose aussi la question de ce que devrait vraiment être un associé, poursuit Hélène Villarroya. Aujourd’hui, bien des processus de décision sont pris entre trois ou quatre vétérinaires associés qui, réunis deux à trois fois par an autour d’un repas, choisissent un cap opérationnel, sans vraiment disposer d’outils de gestion factuels pertinents en la matière… Demain, je suis certaine que la profession va mûrir vers davantage de rationalité, et déléguera donc davantage les éléments pour lesquels elle n’a soit pas de compétence, soit pas d’appétence. » Dans ce cadre, un directeur de clinique peut se transformer en un véritable associé de la direction. Pourquoi cela ? « Parce que grâce à la réalisation de tableaux de bord, d’indicateurs ciblés réguliers de suivi d’activité, il peut, par exemple, donner des conseils sur les partenaires avec lesquels il vaut mieux travailler, sur les ventes à développer, sur les objectifs d’implantation et d’investissement à quatre ou cinq ans. » De tels postes sont à plein temps ou mutualisés entre plusieurs structures… Ils correspondent à l’émergence d’une “troisième bulle”, entre associés, salariés et ASV. Pour cette consultante en gestion et en stratégie, les vétérinaires ont simplement recours à des assistantes de direction, rémunérées en moyenne autour de 2 000 à 2 500 € nets par mois), qui ont souvent suivi des études commerciales (BTS commercial, par exemple). Ces professionnelles sont “le bras droit” de l’associé principal. Elles l’assistent notamment dans la gestion des ressources humaines et participent à l’animation des équipes.
Aujourd’hui, certaines structures vétérinaires choisissent plutôt d’attribuer à un auxiliaire des missions spécifiques, dont celle, délicate, d’assurer les liens entre l’équipe d’ASV et les associés, ainsi que l’organisation administrative des plannings. Ainsi « transformé en chef de service, l’ASV est alors souvent rétribué entre 300 et 600 € nets supplémentaires par mois, selon la nature des tâches et le volume horaire que le vétérinaire lui demande d’y consacrer », constate Hélène Villarroya.
Une décision que le chef d’entreprise doit toutefois assumer. Selon Nicolas Constans, fondateur de Numah Conseil, cabinet spécialisé en ressources humaines et en recrutement, un tel changement de statut suppose un acte de management de la part de l’employeur. Le vétérinaire doit veiller à expliquer au reste de l’équipe les raisons pour lesquelles telle ou telle personne a été choisie pour le nouveau poste, afin d’éviter toute jalousie au sein de l’équipe. Et plutôt que de faire monter en grade l’ASV qui a le plus d’ancienneté, mieux vaut privilégier la compétence, le charisme et la motivation pour la nouvelle tâche à accomplir. « Ce peut être aussi un moyen de lutter contre le turnover élevé des ASV, auxquels les vétérinaires ne proposent malheureusement bien souvent aucune perspective d’évolution de tâche ou de carrière, ni aucune formation complémentaire », conclut Nicolas Constans.
« Concernant la communication, de nombreux praticiens ont conscience qu’il leur faut s’améliorer, sans qu’aucun poste typiquement affecté se dégage encore actuellement, observe par ailleurs Isabelle Lagrange, co-auteur du livre Ma clinique communique et consultante indépendante auprès de Vetamine C, qui conseille et accompagne les praticiens dans la professionnalisation de leur communication. Là aussi, c’est une tâche supplémentaire qui est parfois partiellement déléguée à un ASV. En communication interne, un ASV en chef peut être nommé pour gérer l’organisation du travail ou encore pour veiller aux interfaces au sein d’un éventuel réseau… Pour la communication externe, outre le site internet, la grande mode est à la tenue d’une page Facebook, dont l’orientation est souvent donnée par un vétérinaire, mais dont l’animation est fréquemment dévolue à l’ASV, plus à l’aise avec l’usage et les codes des réseaux sociaux. »
Cependant, pour ne pas être contre-productif, il est nécessaire d’accepter d’y consacrer un peu de temps. « Si l’utilisation de certains outils peut être confiée à un ASV, la communication de la clinique doit être supervisée par un associé, qui va s’assurer de la cohérence des messages avec le positionnement de la clinique ou encore de la conformité avec la réglementation propre à la profession et celle de la communication. » Les notions de droits d’auteurs, de droit à l’image, les règles liées aux nouvelles technologies de l’information et de la communication (NTIC), etc., doivent être maîtrisées. Avec une communication numérique devenue incontournable, il est nécessaire de surveiller son e-réputation au jour le jour. Lorsqu’un avis négatif paraît sur la Toile, il reste cependant difficile de donner à un ASV la responsabilité du droit de réponse. « En fait, bien communiquer demande un certain savoir-faire. Avec l’organisation en réseaux et l’augmentation de la taille des structures, l’émergence de nouveaux profils de poste similaires à celui de chargé de communication va se faire naturellement », ajoute la consultante.
« Les postes de community manager et de responsable de communication n’existent encore qu’à l’état embryonnaire dans notre profession », observe Christophe Lebis, praticien durant 25 ans et aujourd’hui diplômé en communication électronique. Il préside également le groupe d’étude et de recherche en management (Germ) de l’Association française des vétérinaires pour animaux de compagnie, qui a mis en ligne gratuitement un ouvrage2 dont une partie explique clairement comment utiliser au mieux, de façon pratique, les différents supports (réseaux sociaux, site internet, etc.).
« Je recommande aux cliniques, bien sûr, de créer une page Facebook, poursuit Christophe Lebis, mais aussi, si elles en ont les moyens en temps et en ressources humaines, de constituer un ou plusieurs groupes privés, réservés à tout ou partie de leur clientèle. L’intérêt de tels groupes est d’établir un vrai lien de reconnaissance avec ceux qui acceptent cette invitation, puis de faire du marketing ciblé. Un vétérinaire peut, par exemple, convier dans un groupe dédié l’ensemble de ses clients propriétaires de chiens diabétiques et, par ce support, leur envoyer des informations sur cette pathologie. » Selon lui, cela peut démarrer sous forme de discussion entre les propriétaires d’animaux de compagnie, qui échangeront des trucs et astuces, telle une méthode pour faire accepter la piqûre d’insuline à leurs chiens, et se soutiendront mutuellement dans l’observance de la prescription.
«
Le vétérinaire reste à l’écoute et peut rebondir sur les questions récurrentes. Cela fidélise le client, qui aura sans doute plus de scrupules à renouveler son ordonnance chez le pharmacien
!
», précise Christophe Lebis. Et de rappeler qu’il est également possible de faire de la publicité payante sur Facebook : «
Pour 5
€
, on touche entre 1
500 et 2
000
personnes
! On peut, par exemple, viser tous ses
likers
, ou encore les propriétaires d’animaux de compagnie qui habitent jusqu’à 80
km autour de la clinique.
» Cela ne fait aucun doute, des connaissances en marketing digital deviennent nécessaires au chef d’entreprise et à ses équipes. Si les vétérinaires et les ASV forment aujourd’hui un tandem pour remplir ces tâches de communication, en leur consacrant plus ou moins de temps, Christophe Lebis parie que les générations de professionnels «
qui sont déjà sur Facebook avant de devenir vétérinaires ont déjà, ou auront demain, encore plus le réflexe d’utiliser eux-mêmes les réseaux sociaux en permanence en temps réel
». Pour lui, il existe d’ailleurs déjà des groupes de vétérinaires et d’ASV qui communiquent au sein de groupes privés sur les réseaux sociaux et qui s’entraident au quotidien. Et d’analyser : «
C’est une nouvelle forme de compagnonnage, qui fait que ni le vétérinaire ni l’ASV ne travaillent plus de manière isolée
».
•
1 adevet.com.
LES POSTES SPÉCIALISÉS CRÉÉS DANS LES STRUCTURES VÉTÉRINAIRES
« DES MÉTIERS RESTENT À GREFFER À L’ACTIVITÉ DES PRATICIENS, COMME LE CONTRÔLEUR DE GESTION »
UNE RESPONSABLE RESSOURCES HUMAINES ET ADMINISTRATIF CHEZ AQUIVET
UN INTERMÉDIAIRE PLUS NEUTRE
Pour parvenir à un tel objectif, l’une des premières tâches assignées à Sophie Duprat-Marmion a été d’optimiser les plannings, en établissant des fiches de poste davantage détaillées. « Concernant le planning des cinq secrétaires, j’ai élaboré un cadre un peu plus rigide en essayant de favoriser l’équité entre les postes, explique-t-elle. Quant aux 12 auxiliaires spécialisées vétérinaires (ASV), afin qu’elles trouvent un équilibre entre vie professionnelle et vie familiale, elles travaillent désormais systématiquement durant 35 heures réparties sur deux jours pleins et deux demi-journées. » La nouvelle responsable ressources humaines (RH) a aussi demandé aux collaborateurs de donner des idées pour le réaménagement du chenil. « Il faut savoir communiquer, être au plus près des gens, c’est tout un cheminement, constate-t-elle. Je suis une intermédiaire un peu plus neutre que les associés, ce qui me permet d’aborder différents sujets. Tout en gardant à l’esprit que je suis engagée par la direction dans l’intérêt de la clinique. » Sophie Duprat-Marmion a également pour mission de formaliser des plans de formation assortis de budgets, en utilisant notamment les organismes paritaires collectifs agréés (OPCA). « J’attends aussi de la responsable RH un tableau de suivi plus fin de la productivité de la clinique (suivi des heures supplémentaires, par exemple) et, plus généralement, la mise en place d’outils de pilotage qui nous permettront de gagner en efficience », précise Olivier Toulza. Ses missions sont délicates. En 2017, elle a aussi pour consigne de trouver un meilleur équilibre au planning bien rempli des vétérinaires et des associés.Nouveau : Découvrez le premier module
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