Mobilisation générale autour des défis européens de santé animale

Le rapport britannique Vet Futures de 2015 a servi d’inspiration pour le projet européen », a confirmé Rafael Laguens, président de la Fédération vétérinaire européenne (FVE), lors de l’assemblée générale, qui s’est déroulée les 9 et 10 juin. D’autres pays membres, qui préparent des projets similaires, ont également contribué au contenu. Cependant, la base principale est l’étude démographique de la profession vétérinaire en Europe, réalisée par la FVE en 2015. Avec le retour des membres et des ateliers lors de l’assemblée générale de la FVE, en novembre dernier, la réflexion a fait émerger sept domaines clés : “Les leaders de demain”, “Des carrières gratifiantes”, “Élargir le rôle du vétérinaire”, “Des entreprises viables”, “Le bien-être de la profession”, “Adhérer à l’innovation”. Les étapes suivantes consistent en la production d’une brochure Vet Futures Europe, suivie par des rapports annuels et la mise en place de groupes de travail pour la réalisation des points d’action développés pour chacun des domaines clés.

Phénylbutazone pour tous les chevaux

Bonne nouvelle pour les chevaux : dans une prise de position conjointe, adoptée par l’assemblée générale à Tallinn (Estonie), la FVE et la Fédération européenne des associations de vétérinaires équins (Feeva) demandent à la Commission européenne d’élargir la liste des médicaments essentiels pour les chevaux destinés à la consommation humaine à sept autres produits : cinq topiques ophtalmiques (tétracaïne, tétryzoline, synéphrine, rifamycine, polymyxine B) et deux systémiques (acide ténoïque, phénylbutazone).

« La phénylbutazone est le seul produit approuvé et le plus efficace pour les chevaux atteints de fourbure chronique, l’une des maladies les plus douloureuses et difficiles à traiter, a souligné Claire Scicluna, présidente de la Feeva. C’est un médicament essentiel pour le bien-être du cheval et sa qualité de vie. Nous, les vétérinaires équins, l’attendons depuis longtemps ! »

Joe Collins (Irlande), ancien président de la fédération, ajoute : « La phénylbutazone est un anti-inflammatoire puissant et à action longue, mais a aussi des propriétés antiagrégante plaquettaire, ce qui la rend particulièrement adaptée au cas de fourbure chronique. Ce produit augmentera certainement le bien-être équin, tout en gardant ouvert les options de fin de vie. »

La liste “essentielle” des médicaments avait été établie par l’Union européenne (UE) en 2006¹, afin de permettre le traitement de chevaux dont la viande était destinée à la chaîne alimentaire, la cascade ne s’appliquant pas dans ces cas. Par défaut, tous les chevaux dans l’UE sont considérés comme des animaux de rente, sauf si le propriétaire l’a explicitement indiqué autrement dans le passeport du cheval.

Lettonie : la saga mégaœsophagienne

Conférencière invitée et vétérinaire pathologiste, Ilze Matise-Van Houtan a décrit l’épidémie récente de mégaœsophage et polyneuropathie chez le chien en Lettonie, d’un point de vue à la fois épidémiologique et politique. Elle a commencé par rappeler l’augmentation soudaine de cas – par un facteur dix – de mégaœsophage chez le chien dans ce pays entre 2014 et 2016. L’origine de cette pathologie débilitante, avec une mortalité de 25 %, pouvait être remontée à une marque lettone d’aliment pour chien, avec un rapport des cotes de plus de 100, même si aucune toxine spécifique ne pouvait être mise en cause.

En 2016, une forte chute de cas était observée, non pas parce que l’aliment a été retiré du marché, « mais parce que l’attention médiatique a fait décourager les propriétaires ».

Ilze Matise-Van Houtan a ensuite évoqué le manque de coopération de la part du fabricant d’aliment, les fonds étatiques de recherche en baisse, les contrôles réticents et superficiels des services vétérinaires, et la poursuite en justice par le fabricant, à la fois de l’association vétérinaire lettonne (pour « concurrence déloyale ») et des propriétaires de chiens malades (pour « avoir partagé des cas sur les médias sociaux »).

Elle a conclu qu’il y a un vide juridique en Lettonie, en particulier pour des affections « non aiguës, non infectieuses chez les animaux de compagnie ».

Le lien entre la maltraitance animale et la violence domestique

Le lien entre la maltraitance animale et la violence domestique a été souligné par l’autre conférencière invitée de la FVE, Freda Scott-Park (Royaume-Uni), présidente du Links Group. Elle a reconnu qu’il n’est pas toujours facile d’identifier un cas potentiel de “blessures non-accidentelles” chez des animaux ou une victime humaine vulnérable. « Saisissez le moment opportun, recommande-t-elle, et montrez votre sympathie et votre compassion. Cela, en soi, peut déjà être suffisant pour une victime de décider de chercher de l’aide. » La présidente du Links Group a aussi souligné l’importance d’éviter toute confrontation et de prendre une anamnèse précise. « Notez : “Il a frappé le chien à la tête”, et non : “Le chien a subi un traumatisme crânien”. »

En outre, Freda Scott-Park a précisé les actions réalisées par The Links Group, un groupe d’intérêt multiagences, reliant les vétérinaires aux “humains” (dont des travailleurs sociaux, des professionnels de la santé et de l’aide aux abus et la police), afin de promouvoir le bien-être et la sécurité des enfants, des adultes et des animaux vulnérables.

Trafic de chiens

De nombreuses irrégularités sont observées dans les mouvements de chiens en France, selon Déborah Infante-Lavergne, vétérinaire inspecteur en île-de-France et déléguée de l’Association européenne des vétérinaires officiels d’État (EASVO). S’adressant à l’assemblée générale de l’Union européenne des vétérinaires praticiens (UEVP), le 8 juin, elle a expliqué que les chiots s’avèrent souvent plus jeunes que l’âge indiqué sur le passeport, tandis que les vaccinations antirabiques sont souvent invalides et les autocollants de vaccins des faux. « En plus, les mouvements ne sont que rarement déclarés, tandis que les chiots et les chiens nés à l’étranger sont souvent introduits illégalement en France. » Notre consœur a également fait état d’un commerce illicite de micropuces et de passeports. Et de rajouter qu’il n’était pas toujours facile de suivre à la lettre la loi, comme l’euthanasie de chiens incorrectement identifiés originaires de pays à risque, et qu’un isolement stricte était souvent préférable.

La Norvège : abattage de 2 000 rennes

Une année après l’émergence d’une maladie mortelle et très contagieuse pour la faune sauvage en Norvège, les autorités vont prendre des mesures drastiques. Torill Moseng (Norvège), membre du bureau de l’UEVP, a décrit comment la maladie du dépérissement chronique chez les cervidés (CWD), une affection chronique neurologique appartenant aux encéphalopathies spongiformes transmissibles, a fait sa première apparition en mars 2016. « Avant cette date, la maladie n’était connue que chez les cervidés d’Amérique du Nord, donc lorsqu’on l’a découverte chez un renne, cela a été une première pour l’Europe », a-t-elle précisé. Depuis la détection, plus de 15 000 échantillons de cervidés (élan, renne, chevreuil, cerf) ont été analysés. Au total, trois cas positifs ont été trouvés chez les rennes, dans la région du Sogn og Fjordane, et deux autres chez les élans. « En avril 2017, le ministère de l’Agriculture et de l’Alimentation a donné le feu vert aux chasseurs pour abattre l’ensemble du troupeau sauvage d’où provenaient les rennes infectés, soit quelque 2 000 têtes, dans un habitat de 2 000 km ² . » Les autres cervidés susceptibles d’être contaminés dans la zone seront aussi abattus. L’habitat des rennes sera bouclé pour au moins cinq ans, afin d’empêcher une réinfection, et accompagné d’un dépistage intensif. L’origine de l’émergence de l’affection en Norvège reste un mystère. L’une des hypothèses est que les prions seraient arrivés via l’urine de cerf, utilisée comme leurre de chasse, provenant d’animaux infectés.

L’assemblée générale de la FVE a également adopté une prise de position sur la vaccination et a approuvé la création d’un groupe de travail sur le rôle des vétérinaires dans la production de protéines d’insectes. Des mises à jour étaient, par ailleurs, présentées sur les médicaments vétérinaires, le bien-être animal, les inspections vétérinaires, la Veterinary Continuous Education in Europe (VetCEE) et les activités du groupe de travail des instances ordinales.

Les bureaux de la FVE et de l’UEVP ont été réélus dans leur ensemble pour un autre mandat de deux ans.

La prochaine assemblée générale se tiendra à Bruxelles les 10 et 11 novembre, et celle du printemps à Bergen, en Norvège, les 8 et 9 juin 2018.
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¹ Règlement UE 1950/2006.