DOSSIER
Auteur(s) : MARINE NEVEUX
Tout chien susceptible de présenter un danger peut faire l’objet d’une évaluation comportementale. Son fonctionnement répond à des règles qu’il convient de bien connaître. Les précisions et les conseils de l’Association francophone des vétérinaires praticiens de l’expertise.
L’Association francophone des vétérinaires praticiens de l’expertise (AFVE) proposait une formation sur l’évaluation comportementale des chiens, le 15 juin, dans les locaux de Centravet à Maisons-Alfort (Val-de-Marne). Cette journée a été riche d’échanges et illustrée par de nombreux cas pratiques, permettant d’analyser des situations variées et complexes. Elle a été l’occasion pour notre confrère Christian Diaz, président de l’AFVE, de décortiquer les textes, leur mise en application et de préciser la jurisprudence.
Les mesures législatives et réglementaires concernant les morsures canines ont régulièrement évolué au cours de ces dernières décennies. Le praticien intervient à plusieurs niveaux dans l’application de cette législation et de cette réglementation (diagnose de race, évaluation comportementale, etc.). Pour les confrères, il est important d’en connaître les subtilités.
Depuis la loi du 5 mars 2007 sur la délinquance, le maire peut demander une évaluation comportementale lorsqu’un chien a mordu une personne. Elle a pour but de définir un niveau de risque et est effectuée par un vétérinaire inscrit sur une liste des évaluations comportementales. En outre, tout chien pouvant présenter un danger peut faire l’objet d’une évaluation.
Les récents décrets et l’arrêté du 9 février 2017 ont transféré à l’Ordre la tenue de la liste pour chaque département. Un vétérinaire peut s’inscrire sur plusieurs listes départementales ; il est choisi par le détenteur sur celle de son choix. Les frais sont à la charge du propriétaire du chien. Des sanctions sont possibles, telles que la radiation si le vétérinaire ne déclare pas ses évaluations au Fichier national d’identification des carnivores domestiques (I-CAD).
La liste comprend le nom et l’adresse du praticien. Tout vétérinaire peut s’y inscrire, mais il est conseillé d’avoir une formation dédiée. Dans l’est de la France, une plainte a été déposée car le vétérinaire faisait faire les évaluations par son assistante, et il estimait qu’aucun chien ne pouvait être sous le niveau 3 compte tenu de la puissance de leur mâchoire… Le conseil régional de l’Ordre a compétence pour déclarer une incompétence, il peut aussi imposer une formation.
Avec la loi du 20 juin 2008 renforçant les mesures de prévention et de protection des personnes contre les chiens dangereux, l’évaluation est obligatoire pour tous les chiens de catégorie entre 8 et 12 mois. Une attestation d’aptitude est requise pour les propriétaires ou les détenteurs de chiens de 1re et 2e catégories (les détenteurs temporaires ne sont pas tenus d’avoir cette attestation). Le permis de détention est dédié aux chiens de catégorie. Une personne qui a un casier judiciaire ne peut pas détenir de chien de catégorie, en revanche, elle peut en être propriétaire.
Le maire a le droit de refuser le permis selon l’évaluation de l’animal. Cette autorisation doit être demandée avant les 12 mois du chien.
Pour les chiens qui n’ont pas encore atteint l’âge de l’évaluation, la loi a prévu un permis provisoire de détention, valable jusqu’au 1 an de l’animal (notons qu’il n’existe pas de chiot de 1re catégorie, donc c’est en quelque sorte un non-sens !). Pour les chiens de 2e catégorie, le permis de détention est inscrit dans le passeport (section “Divers”).
Avec la loi du 20 juin 2008 est apparue une autre nouveauté : la déclaration des morsures. Elle se fait auprès du maire par le propriétaire ou tout professionnel en ayant connaissance (vétérinaire, médecin, assureur, forces de l’Ordre, etc.). Les chiens qui en sont responsables doivent être déclarés et évalués dans les 15 jours qui suivent la morsure.
Un arrêté précise que l’évaluation est communiquée par le vétérinaire au maire. Le rapport de l’évaluation doit être remis au maire de la commune où a eu lieu l’incident, ainsi qu’au maire de celle de résidence, et à l’I-CAD.
Situation parfois rencontrée sur le terrain : si le chien a mordu trois semaines auparavant (et a donc dépassé le délai de surveillance sanitaire de 15 jours), on remplit le formulaire Cerfa de surveillance de dernière visite.
L’évaluation comportementale a pour but d’évaluer le danger potentiel du chien, et cela également compte tenu des modalités de la garde.
Le vétérinaire classe le chien selon quatre niveaux de dangerosité ; le risque est fonction de la probabilité et de la gravité. En cas de classement au niveau 4, le praticien doit conseiller l’euthanasie ou un lieu où le chien ne pourra pas causer d’accident.
Le renouvellement d’évaluation est placé à la discrétion du maire et du vétérinaire, avec des délais maximums uniquement pour les chiens de catégorie. Pour le niveau 2, le renouvellement doit se faire au plus tard dans un délai de 3 ans, pour le niveau 3, de 2 ans, et pour le niveau 4, de 1 an. Si le vétérinaire n’indique rien, cela signifie que le permis est valable jusqu’à écoulement du délai.
Christian Diaz apporte une précision à travers le cas d’un enfant de 3 ans blessé par un chien croisé malinois de la gendarmerie nationale. L’animal était affecté à la recherche de personnes. L’enfant sortait de l’école, tenu par la main par son père, quand le chien a franchi la barrière de l’établissement et l’a attaqué à l’abdomen (lésions bénignes). Dans ce cas, il n’y a pas obligatoirement de déclaration de morsures (dispositions des articles L.211-13 et 17, et L.215-1 et 3), car cette disposition ne s’applique pas aux services et unités de la police nationale, des armées, de la gendarmerie, des douanes et des services publics de secours, utilisateurs de chiens. Ce chien a été replacé en garde de bâtiment.
Le préfet peut pallier les déficiences du maire et désigner le vétérinaire pour donner un avis dans le cadre de l’article L.211. L’évaluation ne relève pas de l’habilitation sanitaire, mais de la sécurité publique. Le vétérinaire sanitaire effectue la mise sous surveillance. Celui qui a le dernier mot, c’est le juge.
Quel prix facturer pour une évaluation comportementale ? Les tarifs sont libres, l’entente sur les prix est interdite. Le prix est déterminé en fonction du coût de revient et du marché, et de ce qui apparaît psychologiquement acceptable pour le propriétaire. Pour 45 minutes d’examen de l’animal, plus l’entretien avec le client, et 30 minutes pour la rédaction du rapport, un coût de revient de 150 € est légitime.
La thèse de notre consœur Géraldine Banqui a montré que l’évaluation est non justifiée pour les chiens de catégorie. Le dernier rapport de l’Agence nationale de sécurité sanitaire (Anses) pointe une sous-déclaration des évaluations : en 2014, 835 vétérinaires ont effectué 4 652 évaluations, ce qui est peu, sachant qu’il y a 3 000 vétérinaires inscrits et un potentiel de 20 000 à 25 000 chiens à évaluer, dont 10 000 mordeurs.
Lors d’une évaluation, le vétérinaire est responsable à plus d’un titre. Ses responsabilités civiles peuvent être engagées avec l’article 1240 du Code civil (ex-article 1382). Il existe notamment un contrat de soins (formé entre le médecin et le propriétaire) et un contrat de dépôt pour les animaux hébergés en dehors de l’examen médical. Dans ce dernier, l’obligation de moyens est renforcée (renversement de la charge de la preuve).
Dans les salles d’attente des cliniques, il convient, par exemple, d’écrire que le chien doit être tenu en laisse et le chat en panier, car on est responsable, mais là il y a le fait d’un tiers.
Le contrat d’entreprise, quant à lui, ne porte pas de noms à proprement parler.
Outre les responsabilités civiles contractuelles et délictuelles (chien qui s’enfuit et provoque un accident, par exemple), le praticien a aussi une responsabilité pénale et disciplinaire. Une radiation peut être prononcée : le dommage n’est pas nécessaire, l’infraction est suffisante.
Dans le cas de l’évaluation comportementale, le contrat est double entre le vétérinaire et le détenteur, et entre le vétérinaire et la mairie.
Christian Diaz explique aussi la différence entre une consultation et une expertise : « Dans la consultation, on dépend du client, on est utile au client. Dans l’expertise, on doit être indépendant, dire le vrai. »
Une non-déclaration de morsure ou une sous-évaluation manifeste du risque, associée à un manquement à une obligation légale ou réglementaire, peut conduire au pénal.
Il est nécessaire d’avoir une assurance en responsabilité civile adaptée à son exercice. L’assurance ne couvre pas les condamnations pénales et disciplinaires.
Une évaluation comportementale n’est pas une consultation de comportement, mais une démarche clinique. Le but n’est pas d’établir un diagnostic, mais de déterminer un niveau de risque.
Il y a très peu de mises en cause des vétérinaires comparativement au nombre d’évaluations effectuées. La grande majorité d’entre elles ne sont pas contestées.
Le vétérinaire peut préconiser des examens complémentaires si besoin, choisir des recommandations.
Un chien qui agresse, ce n’est pas forcément pathologique. Les comportements d’agression font partie de l’éthogramme du chien. L’enchaînement normal est : menace, agression, apaisement (léchage).
L’agression et sa fréquence peuvent toutefois être pathologiques. L’instrumentalisation est souvent acquise avec l’apprentissage (pas de menace, pas d’apaisement).
Quand penser que l’origine est organique ? Par exemple, quand il y a des troubles comportementaux d’apparition brutale. Il convient aussi de considérer le chien dans sa globalité, le suivi de ses traitements médicamenteux.
Plusieurs conseils pratiques ont été donnés lors de cette formation, dont les premières étapes avant même la venue du chien : lors de la prise de rendez-vous pour l’évaluation, le rôle de l’auxiliaire spécialisé vétérinaire (ASV) est essentiel. Il va vérifier si le chien est identifié (l’identification préalable est obligatoire), si la demande provient du maire, du syndic, etc. L’ASV recueille des éléments sur le chien, informe sur le prix et le déroulement de l’évaluation. La présence du propriétaire/détenteur au rendez-vous est nécessaire.
Lors de la consultation, le vétérinaire doit vérifier personnellement l’identification du chien, l’identité des personnes, la nature de la demande et de la mission.
Le chien est mis en situation. Le contexte et l’entourage (présence des enfants si nécessaire) du chien sont pris en compte. On le fait circuler dans la clinique, on le met dehors, son comportement avec la famille est observé.
On ne juge pas. Il faut que le rapport soit utilisable par le destinataire. C’est primordial. Lorsque le niveau est estimé à 4, par exemple, le mettre par écrit permet de garantir que l’information a été délivrée.
Le rapport doit être réalisé et présenté de manière rigoureuse. Il comporte l’identification du vétérinaire évaluateur, les références du dossier, présente la mission, les faits, confirme l’exécution de la mission, apporte les conclusions, comporte la date, la signature et le cachet du vétérinaire, et est fait en plusieurs exemplaires, en rappelant les mesures préventives et les recommandations. Le rapport doit être remis au maire et au propriétaire. Il est, en outre, important de toujours garder les documents qui ont servi à établir le rapport, car, en cas de litige, ils peuvent être fournis à l’expert judiciaire.
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À NOTER
LES QUATRE NIVEAUX DE RISQUE
LA DIAGNOSE DE CATÉGORIE
ENBREF
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