Traitement des tumeurs mammaires - La Semaine Vétérinaire n° 1728 du 15/07/2017
La Semaine Vétérinaire n° 1728 du 15/07/2017

CONFÉRENCES

PRATIQUE CANINE

Formation

Auteur(s) : LAURENT MASSON 

Chirurgie plus ou moins large, stérilisation conjointe, chimiothérapie, phytothérapie, voire attentisme, etc., les options théra- peutiques des tumeurs mammaires sont multiples.

Priorité à la chirurgie

Le risque d’opérer une tumeur bénigne comme si elle était maligne est de pratiquer une intervention plus délabrante ou inutile et un bilan d’extension superflu. En revanche, le risque en opérant une tumeur maligne comme si elle était bénigne est de procéder à une exérèse moins large que nécessaire, de contribuer à une dissémination métastatique, et donc d’aboutir à une perte de chance pour l’animal. Par ailleurs, épidémiologiquement, les tumeurs mammaires sont malignes chez neuf chattes sur 10 et six chiennes sur 10.

Donc toute tumeur doit être prise en charge comme si elle était maligne et opérée sans attendre qu’elle évolue en l’absence de diagnostic histologique à la suite d’une biopsie.

Ne pas négliger le bilan d’extension

Le bilan d’extension est un bon outil pronostique et une aide dans le choix thérapeutique (balance bénéfice/risque). Cela consiste à réaliser une exploration thoracique (radiographie ou scanner), abdominale (échographie ou scanner), osseuse (radiographie, scanner ou scintigraphie), encéphalique [imagerie par résonance magnétique (IRM)] et des nœuds lymphatiques drainants (échographie ou cytoponction) en fonction des moyens du propriétaire et des symptômes.

Chez des animaux sans atteinte métastatique, l’intervention chirurgicale est préconisée car le taux de survie à 2 ans est intéressant. En présence de métastase locorégionale ou à distance, le diagnostic de tumeur maligne est certain et le pronostic est réservé. Une intervention palliative reste justifiée, son objectif est alors de diminuer l’inconfort local et de limiter l’extension du cancer : ainsi, une exérèse locale reste intéressante même en présence de métastases (but palliatif). À l’inverse, lors de carcinome mammaire inflammatoire, l’intervention est décon- seillée, car la durée de survie est de moins de 15 jours. Elle n’est également pas recommandée lors de fibroadénomatose pour laquelle une stérilisation seule, éventuellement complétée d’un traitement à l’aglépristone, est efficace.

Chirurgie

Choix de la zone d’exérèse

Il convient de prendre une décision chirurgicale raisonnée en fonction des éléments à notre disposition : la chirurgie sera plus agressive dans un cadre curatif, sans se soucier de difficultés reconstructrices, mais minimaliste dans un cadre palliatif.

Plusieurs options chirurgicales sont possibles :

- l’exérèse de la tumeur seule, qui n’est envisageable que sur une petite masse unique avec marges de 1 cm ;

- la mastectomie mammaire simple, réservée aux masses centrées sur une seule mamelle, ne dépassant pas 2 cm et non adhérentes ;

- la mastectomie régionale, qui consiste au retrait en bloc des mamelles partageant un même réseau lymphatique lors de tumeurs malignes multiples ou uniques mesurant plus de 2 cm. Pour la mastectomie régionale caudale, le nœud lymphatique inguinal superficiel est systématiquement retiré ;

- la mastectomie radicale uni- ou bilatérale est indiquée lors de tumeurs malignes ou multifocales. Lors de mastectomie unilatérale, l’apparition de nouvelles tumeurs sur les mamelles restantes se produit dans 58 à 72 % des cas, et elles sont le plus souvent malignes, ce qui peut conduire à considérer d’emblée une chainectomie complète. En cas de tumeurs présentes aussi sur la deuxième chaîne, une exérèse en deux temps, espacés de 3 à 6 semaines, limite les problèmes de cicatrisation cutanée.

Protocole anesthésique et analgésique

Il convient d’adapter le protocole anesthésique en fonction de l’animal (présence de maladies intercurrentes, radiographies thoraciques, bilan biochimique), en privilégiant la sécurité anesthésique (monitoring peropératoire, fluidothérapie, prewarming) et la surveillance postopératoire (fluidothérapie pendant 24 heures et antalgique pendant au moins 5 jours). La douleur est prise en charge par une injection de méthadone (0,3 mg/kg par voie intramusculaire [IM] ou par voie intraveineuse [IV]) ou une perfusion continue peropératoire de fentanyl (mais une ventilation assistée est nécessaire), puis par la buprénorphine en relais postopératoire. Hors contexte d’insuffisance rénale, les anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS) sont prescrits en préopératoire en association à une fluidothérapie (pour maintenir une bonne perfusion rénale). Une anesthésie locale ou locorégionale peut être mise en place : par infiltration, cathéter fenestré de plaie lors de tension ou douleur (dose réadministrable), analgésie par aspersion du site chirurgical ou application de compresses imbibées, ou encore morphine par voie péridurale. La kétamine, à des doses subanesthésiques, peut venir en complément des opioïdes. L’usage de mélange morphine-lidocaïne-kétamine (MLK) ou fentanyl-lidocaïne-kétamine (FLK) n’est généralement pas nécessaire.

Technique

L’exérèse chirurgicale doit être large et se fait en un seul bloc : le tissu tumoral doit être considéré comme contaminé. L’utilisation du bistouri électrique est indispensable pour l’hémostase : la vascularisation caudale est ligaturée en premier, puis la crâniale, moins développée. Une partie du fascia peut être retirée sous la tumeur pour augmenter la marge de sécurité. L’utilisation de drains est à éviter pour ne pas favoriser un essaimage de cellules cancéreuses. Les complications les plus fréquentes sont la déhiscence de plaie, l’infection, les séromes et les hématomes. En cas de tumeurs bilatérales, il convient de commencer par celles qui sont proches des plis axillaires et inguinaux. Chez le chat, une chirurgie radicale, totale bilatérale, est recommandée, compte tenu de la grande majorité de tumeurs mammaires malignes. Elle peut être réalisée en une seule fois, après avoir vérifié que la fermeture est possible, ou bien en deux étapes séparées de 3 à 6 semaines.

Stériliser ou non ?

Chez la chienne, l’ovario-hystérectomie associée à l’exérèse d’une tumeur maligne réduit de 50 % le risque de récidive lors de tumeur bénigne, mais n’a pas d’effet lors de tumeur maligne ni sur la durée de survie. Aucune donnée n’est actuellement disponible chez la chatte, mais il serait intéressant de connaître le statut de la tumeur : l’ovariectomie serait indiquée sur les carcinomes ER+ (présence de récepteurs aux œstrogènes) ou PR+ (présence de récepteurs à la progestérone). Dans ce cas, la stérilisation est réalisée secondairement à l’exérèse du tissu mammaire.

Chimiothérapie

Quand est-elle inutile ?

La qualité du bilan d’extension est un critère décisionnel de la mise en place du traitement adjuvant à la chirurgie. Ce dernier est inutile en cas de tumeurs bénignes, de carcinomes mammaires in situ ou de grade I, opérés rapidement, en marges saines (chaînectomie radicale bilatérale chez le chat), de taille inférieure à 3 cm (2 cm chez le chat), sans atteinte du nœud lymphatique ni emboles vasculaires ou lymphatiques à l’analyse histologique.

En outre, un traitement adjuvant n’est pas indiqué lors de carcinomes de très mauvais pronostic (carcinomes anaplasiques, carcinosarcomes) ou de tumeurs métastasées. En revanche, une chimiothérapie métronomique ou une prescription d’AINS anti-Cox-2 (piroxicam ou firocoxib à 5 mg/kg maximum, pendant au minimum 6 mois) peuvent être proposées.

Quand la proposer ?

Si l’intervention a lieu en marges non saines, en présence d’emboles, lors de chirurgie non radicale, lors de carcinomes de grades II et III, un traitement adjuvant doit être proposé. Chez la chatte et la chienne, l’espérance de vie est inférieure à 9 mois sans traitement adjuvant.

Modalités

La chimiothérapie conventionnelle fait appel à :

- la doxorubicine en IV lente (sur 60 minutes) : 30 mg/m2 chez le chien de plus de 10 kg et 1 mg/kg chez le chien plus petit et le chat, sans dépasser 6 et 8 séances respectivement chez la chienne (cardiotoxicité) et la chatte (néphrotoxicité). Une période de surveillance accrue de 6 jours est nécessaire ;

- le carboplatine : 3 séances à 300 mg/m2 en IV lente diluée à 21 jours d’intervalle chez le chien, et 240 mg/m2 à 28 jours d’intervalle chez le chat. L’animal sera hospitalisé 24 heures à la clinique, puis surveillé pendant 4 jours au domicile.

Une numération et formule sanguines est réalisée entre 7 et 10 jours après la séance et avant la suivante. Un contrôle radiographique est recommandé tous les 3 mois pour surveiller l’efficacité du traitement. Dans tous les cas, le praticien se doit de respecter le cadre réglementaire de la chimiothérapie.

Intérêt du Viscum album

Chez les animaux, les extraits de Viscum album fermenté (VAF) sont utilisés en oncologie, mais aussi dans les maladies virales ou bactériennes en complément des thérapies conventionnelles ou en traitement alternatif.

Le VAF permet, dans pratiquement tous les cas, une amélioration de la qualité de vie des animaux traités et fréquemment un allongement de celle-ci, souligne Richard Blostin. Lors de tumeurs mammaires canines et félines, c’est un protocole injectable qui est privilégié avec du VAF de type Pini. Il est important d’informer le propriétaire que l’objectif principal est d’accompagner le mieux possible l’animal au cours de sa maladie, d’améliorer ou de maintenir sa bonne qualité de vie et de ralentir le processus tumoral. Lors de carcinome inflammatoire, il convient de démarrer d’emblée par du VAF de type Quercus injectable (ou Mali). L’objectif est alors juste une amélioration de l’état général.

Le traitement est débuté dès le résultat anatomopathologique et le scoring connus. Chez le chien, le protocole consiste en une injection le matin tous les deux jours par voie sous-cutanée stricte, quel que soit le poids de l’animal. Quatre injections à 0,1 mg sont pratiquées, puis quatre autres à 1 mg et autant à 10 mg. Une pause de 1 semaine est respectée avant de renouveler la série. Les pauses entre les séries peuvent être supprimées en fonction du scoring et de l’état de l’animal. Chez la chatte, il est possible de réaliser ce protocole, mais aussi d’utiliser du VAF de type Quercus sous forme buvable (0,5 ml matin et soir ; 2 gouttes matin et soir chez les rattes). Un bilan d’extension est réalisé au bout de 1 an. En cas de pronostic favorable, les pauses sont rallongées de 1 semaine. Dans le cas inverse, elles sont supprimées.

Alexandre Caron Praticien au CHV Atlantia de Nantes (Loire-Atlantique). Delphine Holopherne Praticienne hospitalière à l’université de Bristol (Royaume-Uni). Claire Beaudu-Lange Praticienne à Pipriac (Ille-et-Vilaine). Richard Blostin Praticien à Champagne-sur-Seine (Seine-et-Marne). Article rédigé d’après des présentations faites au congrès de l’Afvac à Lille (Nord), en novembre 2016.

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