Le courage des larmes

La force de la littérature est de dépasser l’anecdote pour rendre au vécu une profondeur. En refermant le livre de Dominique Lange (T 94), nous comprenons pourquoi, sur la quatrième de couverture, elle dit arrêter d’exercer… après 15 ans de loyaux services, en ville, à la campagne, en cabinet, à domicile, en refuge, en abattoir, ici ou dans des terres lointaines. À travers des récits ramassés, l’auteur dessine les jalons d’une aventure intérieure, vécue avec intensité, qui, dès la prime jeunesse, lui fait choisir notre profession puis l’explorer sans démériter… jusqu’à finalement « finir d’en rêver ». Une trentaine de nouvelles brèves, souvent poignantes, qui témoignent avec sensibilité, poésie, mélancolie, parfois cocasserie, mais sans amertume, d’une grande force et d’une extrême fragilité face au vivant et aux détresses qui lui sont inhérentes. Rarement une plume vétérinaire aura décrit avec autant d’acuité la discordance intime que notre métier met en jeu entre l’innocence d’une vocation (souvent nourrie depuis l’enfance) et les souffrances – animales comme humaines – auxquelles sa pratique la confronte. Il y a une belle épaisseur tragique dans ces pages qui, au-delà de la familiarité éprouvée vis-à-vis des situations rapportées, activent en nous un écho plus subtil. Comment ne pas entendre le refus de l’auteur de se blinder – en « s’armant de professionnalisme » – face à la douleur et à la mort ? Il faut lire Chaleur de bête… et encourager son auteur à continuer d’écrire.
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Chaleur de bête et froid de canard - Vies et morts d’une vétérinaire de Dominique Lange, Le Zèbre volant, 160 pages, 13 x 20,5 cm, 13,50 €.