Antibiotiques : comment l’EMA veut réduire leur utilisation “hors AMM” ? - La Semaine Vétérinaire n° 1732 du 23/09/2017
La Semaine Vétérinaire n° 1732 du 23/09/2017

DÉCRYPTAGE

Auteur(s) : MICHAELLA IGOHO-MORADEL 

La prescription “hors AMM” d’antibiotiques en médecine vétérinaire a fait l’objet d’un document de réflexion publié par l’Agence européenne des médicaments, qui lance une consultation publique à ce sujet.

Dans un document de réflexion1, l’Agence européenne des médicaments (EMA) rappelle que le vétérinaire peut avoir recours à la cascade dans certaines circonstances. Par exemple, si le médicament est indisponible pour le traitement d’une affection spécifique chez une espèce. Dans cette situation, le praticien a la possibilité d’utiliser un médicament autorisé pour une autre espèce. Cependant, dans le cas des antibiotiques, l’agence s’inquiète du recours à la cascade en ce sens qu’il constitue un risque de développement de l’antibiorésistance. À travers ce document, l’EMA souhaite évaluer l’impact de cette pratique pour les antibiotiques. L’exercice est loin d’être simple, car les données sur l’utilisation “hors autorisation de mise sur le marché” (“hors AMM”) des antibiotiques en médecine vétérinaire au sein de l’Union européenne sont actuellement trop limitées pour permettre une évaluation complète de l’impact de ces prescriptions sur la propagation de la résistance bactérienne aux antibiotiques et les risques associés pour la santé humaine et animale.

Améliorer la collecte de données

Afin de mieux identifier les raisons pour lesquelles un vétérinaire a recours à la cascade, l’EMA recommande la mise en place d’une collecte officielle de données sur l’étendue ou la nature de l’utilisation “hors AMM” d’un antibiotique. Elle retient en effet qu’il existe très peu de preuves scientifiques sur le lien entre la cascade et le développement de l’antibiorésistance. Elle préconise pour l’instant de limiter cette collecte pour l’utilisation “hors AMM” des médicaments à usage humain. À plus long terme, ces données pourraient, selon l’agence, aider à mesurer l’efficacité des mesures prises pour gérer les risques liés à l’emploi “hors AMM”.

Réaliser un antibiogramme

L’agence rappelle que le recours à la cascade doit être fait après un diagnostic, y compris, dans la mesure du possible, après avoir réalisé un test de sensibilité aux antibiotiques. Les experts européens vont plus loin en recommandant que cette possibilité soit limitée au traitement individuel des animaux. En cas de prescription “hors AMM”, ils ajoutent qu’un vétérinaire doit prendre en considération l’importance de ces substances pour la médecine humaine et le risque de transmission de l’antibiorésistance à l’homme. En effet, les praticiens devraient tenir compte de ces facteurs dans l’évaluation des risques et des bénéfices, surtout si les antibiotiques sont d’importance critique.

Consulter les recommandations européennes

Autre piste de réflexion, le développement de lignes directrices fondées sur des données probantes. Selon l’EMA, une telle initiative permettrait de favoriser une utilisation responsable des antibiotiques “hors AMM” en tenant compte du développement de l’antibiorésistance et de la disponibilité des médicaments dans l’État membre. Par ailleurs, elle ajoute que toute utilisation “hors AMM” recommandée dans ces lignes directrices devrait être conforme à la réglementation européenne encadrant le recours à la cascade2. Il est convenu d’adopter une approche One Health, afin que l’impact potentiel sur la santé publique soit inclus dans l’évaluation des risques qui y sont liés. De même, les orientations données aux vétérinaires devraient mettre l’accent sur les principes d’utilisation prudente, en particulier en ce qui concerne les antibiotiques critiques. Une mise à jour régulière de ces lignes directrices devrait être effectuée et chaque vétérinaire formé sur les problématiques qu’elles abordent.

La cascade, une exception

Selon l’agence, tout vétérinaire n’est pas censé ignorer que le recours à l’utilisation “hors AMM” d’antibiotiques de façon préventive et systématique est incompatible avec les principes de la cascade et ne devrait pas avoir lieu. Un tel recours ne correspondant pas à la réglementation européenne en la matière. Par ailleurs, l’industrie pharmaceutique n’est pas en reste, puisque les experts européens recommandent d’encourager le développement de nouveaux médicaments afin de réduire le recours à la cascade. L’EMA estime que d’autres recherches sont nécessaires pour évaluer le lien entre la voie d’administration de l’antibiotique et la résistance bactérienne.

1 bit.ly/2uElPdf.

2 La directive 2001/82/CE, telle que modifiée par la directive 2004/28/CE.

QUATRE RECOMMANDATIONS PHARES DE L’EMA

- Mener d’autres recherches sur la nature et l’étendue de l’utilisation “hors AMM” des antibiotiques chez les animaux producteurs de denrées alimentaires au sein de l’Union européenne (UE) et sur son lien avec le développement de l’antibiorésistance.
- Encourager la mise en place d’une réglementation européenne garantissant la disponibilité et le maintien sur le marché d’antibiotiques vétérinaires, afin que les vétérinaires puissent les prescrire en se basant sur le contenu du résumé des caractéristiques du produit (RCP).
- Prendre en compte les problématiques de l’antibiorésistance et du bien-être animal en cas de recours à la cascade.
- Mettre à la disposition des vétérinaires des lignes directrices sur la prescription “hors AMM” pour favoriser une utilisation responsable des antibiotiques.

LE PRINCIPE DE LA CASCADE

Lorsqu’aucun médicament autorisé et approprié n’est disponible, il est possible pour le vétérinaire de prescrire, en première intention, un médicament vétérinaire autorisé pour des animaux d’une autre espèce dans la même indication thérapeutique ou pour des animaux de la même espèce mais dans une autre indication thérapeutique.
Si un tel médicament n’existe pas, il peut recourir à une spécialité vétérinaire autorisée pour des animaux d’une autre espèce pour une indication thérapeutique différente.
S’il ne peut avoir recours à ces deux médicaments, il peut alors prescrire un médicament autorisé pour l’usage humain.
À défaut, une préparation magistrale vétérinaire est utilisée.

Deux contraintes s’imposent toutefois au vétérinaire :
- en cas d’administration à des animaux dont la chair ou les produits sont destinés à la consommation humaine, les substances pharmacologiquement actives doivent être inscrites dans les annexes I, II ou III du règlement 2377/90 établissant les procédures de fixation des limites maximales de résidus (LMR) ;
- les délais d’attente ne peuvent pas être inférieurs aux temps d’attente forfaitaires fixés par l’arrêté ministériel du 16 octobre 2002 :
- lait : 7 jours,
- viande, graisse et abats : 28 jours,
- œufs : 7 jours,
- chair de poisson : 500 degrés-jours.

Source : note de service DGAL/SDSPA/N2004-8185 (bit.ly/2y2pxhz).
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