CONFÉRENCE
PRATIQUE CANINE
Formation
Auteur(s) : JULIEN MICHAUT-CASTRILLO
Le développement des techniques de cœlioscopie en médecine humaine et leurs intérêts comparés à la chirurgie conventionnelle, notamment une moindre douleur, font de la cœlioscopie une pratique chirurgicale vétérinaire en plein essor.
Il est indispensable de s’équiper d’un matériel spécifique. Il s’agit d’un investissement important et seul l’équipement indispensable est présenté ici.
Les instruments
Le premier geste lors d’une cœlioscopie est la réalisation d’une ou de plusieurs voies d’entrée. Pour cela, de l’air peut être insufflé à l’aide d’une aiguille de Veress, puis une ou plusieurs canules placées. Chaque canule est lisse ou filetée et possède une valve anti-retour pour maintenir l’étanchéité de l’abdomen. Leur diamètre est variable, celles de 10 mm étant les plus utilisées. Un réducteur de diamètre peut y être associé si besoin.
Une fois le gaz insufflé, une optique est introduite dans la première canule pour visualiser l’intérieur de l’abdomen. Une optique de 5 mm de diamètre est le plus souvent utilisée, avec un angle de vue de 0°. Avec l’expérience, un angle de vue de 30°, qui nécessite plus de technique, mais offre un champ de vision plus large, peut être privilégié.
Les instruments pour réaliser la chirurgie proprement dite ressemblent à ceux utilisés en chirurgie conventionnelle. Il existe une large gamme de pinces et de ciseaux, qui peuvent être reliés à une électrode monopolaire pour réaliser la cautérisation. Cette dernière peut également être faite à l’aide de clips vasculaires ou d’agrafes. De nouvelles pinces permettant d’associer une section à la cautérisation (Ligasure®, EnSeal®) ont aussi été développées. Leur usage est unique, mais elles peuvent être stérilisées à froid pour être utilisées plusieurs fois.
La colonne de cœlioscopie
Elle comprend l’insufflateur, qui injecte du gaz (le plus souvent du CO2) et maintient une pression abdominale constante durant la procédure chirurgicale, autour de 8 mmHg chez le chien et 4 à 6 mmHg chez le chat.
L’optique est reliée à une caméra qui renvoie l’image sur un écran et est connectée à un enregistreur pour conserver les images et les vidéos réalisées. L’optique est également reliée à une source lumineuse (LED, ampoules halogènes ou ampoules à xénon, ces dernières offrant une lumière blanche et puissante, mais nécessitant d’être changées plus régulièrement).
Enfin, les pinces de coagulation sont raccordées à un générateur dont les plus récents permettent d’associer une coagulation par fusion tissulaire et une section des vaisseaux jusqu’à 7 mm de diamètre.
Avantages de la cœlioscopie
La chirurgie de choix à réaliser pour débuter en cœlioscopie est l’ovariectomie. Cette technique offre de nombreux avantages par rapport à un abord par laparotomie classique : douleur et morbidité réduites, meilleure visualisation peropératoire, reprise rapide de l’activité normale, notamment pour les chiens de travail. Une fois cette pratique chirurgicale maîtrisée, une large palette de chirurgies est possible, en cœlioscopie pure ou en vidéo-assistance. Cette dernière consiste à extérioriser l’organe cible par une mini-laparotomie pour le traiter en dehors de la cavité abdominale. Cela permet notamment de diminuer la taille de l’incision, de limiter les risques d’infection, même si cela peut augmenter légèrement le temps chirurgical.
Précautions préopératoires
Il est conseillé de faire un bilan préopératoire avec une mesure des temps de coagulation, car il s’agit d’une contre-indication relative s’ils sont augmentés, de même que d’opérer un animal obèse.
Une échographie préopératoire est également conseillée car la présence d’anses digestives dilatées, d’adhérences importantes, d’une hernie diaphragmatique ou d’une péritonite septique sont des contre-indications absolues.
Complications
L’inexpérimentation de l’opérateur peut être la cause de complications, qui sont parfois observées en laparotomie classique (hémorragie, ponction d’organes, déhiscence des sutures, etc.) ou sont propres à la cœlioscopie (mauvais placement des canules ou leur décrochage, ponction ou perforation d’organes lors de la mise en place des canules, etc. Il ne faut alors pas hésiter à convertir, si besoin, la cœlioscopie en laparotomie, comme dans ce dernier cas, pour pratiquer un lavage abondant de la cavité abdominale).
Préparation du temps chirurgical
La préparation chirurgicale est la même que pour une laparotomie. La tonte et la désinfection sont larges, en cas de nécessité de conversion en laparotomie en cours d’intervention.
Le choix de l’abord se fait selon la localisation de l’organe cible et les habitudes du chirurgien. Il est le plus souvent ventral, pour accéder au plus grand nombre d’organes. L’abord peut être latéral droit, par exemple lors d’une chirurgie du lobe droit du pancréas, des lobes hépatiques droits, de la vésicule biliaire ; il peut être latéral gauche, par exemple lors d’une chirurgie des lobes hépatiques gauches ou de la rate.
Les canules doivent être mises en place avec délicatesse. Une fois l’abdomen insufflé et la caméra introduite, une inspection de la cavité abdominale est systématiquement réalisée.
La réalisation de biopsies par cœlioscopie doit respecter les mêmes règles qu’en laparotomie, à savoir qu’elles doivent être réalisées à la jonction entre le tissu sain et le tissu atteint et être de grande taille.
Biopsies hépatiques
Seules les lésions hépatiques visibles en surface peuvent être biopsiées par cœlioscopie.
Lorsque les lobes hépatiques médial droit, carré, médial et latéral gauches sont concernés, l’abord se fait en ventral, avec le port optique sur la ligne blanche caudalement à l’ombilic et le port instrumental sur la ligne blanche ou en paramédian. Pour les lobes hépatiques droit et carré, l’abord peut être latéral droit, ce qui présente l’avantage pour le chirurgien de ne pas être gêné par le ligament falciforme.
Les biopsies peuvent être réalisées à l’aide d’une pince à biopsie. La pince est serrée sur le bord du lobe durant 45 secondes pour assurer l’hémostase, puis elle est retirée délicatement en réalisant de légères rotations pour décrocher le prélèvement du reste du lobe. Si la zone à biopsier est au centre d’un lobe, alors la pince est avancée grande ouverte, puis appuyée contre le lobe jusqu’à être refermée. Une à plusieurs biopsies peuvent être réalisées par lobe. Chaque biopsie doit contenir au moins huit triades (une triade étant formée d’une veine, d’une artère et d’un conduit hépatique).
La technique de la guillotine consiste à utiliser une boucle de fil contenue dans un tube plastique (Endoloop® Ethicon, Surgitie® Covidien). La portion de lobe à biopsier est placée dans la boucle et le tube est poussé pour serrer le nœud. La section est réalisée à l’aide de ciseaux. Les biopsies sont de taille plus grande ; une seule peut être réalisée par lobe.
Enfin, les biopsies peuvent être effectuées à l’aide d’une pince à thermofusion (Ligasure®, EnSeal®) ou à ultrasons (Harmonic®) qui coagule, puis sectionne. Cela permet de limiter les hémorragies, mais lèse les marges d’incision.
Biopsies pancréatiques
Les biopsies du lobe droit et du corps peuvent être réalisées par abord ventral ou latéral droit. Le lobe gauche est recouvert par l’omentum, sa visualisation est donc assez difficile.
Une pince à biopsy punch peut être utilisée pour faire une ou deux biopsies, en faisant attention à prélever uniquement la périphérie et à éviter le centre du pancréas, où sont localisés les canaux et les vaisseaux.
Cholécystocentèse
La visualisation de la vésicule biliaire par cœlioscopie permet une ponction aisée de la bile par voie transcutanée à l’aide d’une aiguille spinale (20 G). Le contenu est aspiré au maximum pour limiter le risque de fuite.
Biopsies intestinales
Les biopsies intestinales sont réalisées par vidéo-assistance. Trois ports sont nécessaires : le port optique sur la ligne blanche proche de l’ombilic et deux ports instrumentaux, soit en latéral gauche, soit en ventral, afin de dérouler les intestins à l’aide de deux pinces à préhension. Une fois la portion atteinte repérée, une mini-laparotomie en regard d’un port permet de l’extérioriser et de réaliser la biopsie selon les techniques classiques de laparotomie. Le segment est ensuite lavé, puis réintégré. Si plusieurs biopsies sont nécessaires, il est conseillé de les séparer d’au moins 35 cm.
Castration
L’animal est placé en décubitus dorsal, en position de Trendelenburg (position déclive, les membres antérieurs étant plus hauts que la tête). Deux ou trois ports sont nécessaires : le port optique sur la ligne blanche proche de l’ombilic, un (ou deux) en paramédian ou en avant du fourreau. Le canal déférent et le complexe pampiniforme sont visualisés dans l’anneau inguinal, puis sectionnés à l’aide d’une pince à thermofusion ou de clips vasculaires et de ciseaux. Les testicules sont alors laissés dans le scrotum où ils se fibroseront. Si les propriétaires souhaitent que leur chien conserve une production hormonale testiculaire sans pour autant pouvoir se reproduire, une vasectomie peut être réalisée, en sectionnant uniquement le canal déférent. En cas de cryptorchidie intra-abdominale, le testicule ectopique est repéré, puis une canule est placée en regard, ce qui permet de le saisir et de l’extérioriser pour poser les ligatures sur le canal déférent et les vaisseaux. Une troisième canule peut aussi être introduite pour les sectionner par voie intra-abdominale et les extraire secondairement.
Pexies
Une gastropexie prophylactique peut être réalisée chez les grands chiens. Il existe de nombreuses méthodes, mais certaines présentent un taux de complications élevé. Plusieurs techniques de fixation ont été décrites en cœlioscopie pure, notamment une suture transabdominale à l’aide d’un fil monofilament résorbable lentement, du type polydioxanone. Elle consiste à placer cinq ou six points entre la paroi abdominale (dont la peau en regard a été préalablement incisée) et celle de l’estomac. Une suture intra-abdominale demande une certaine expérience de l’opérateur. Des aiguilles automatiques (Endostich® Covidien) facilitent la réalisation, mais sont plus onéreuses.
En vidéo-assistance, l’opérateur place l’antre pylorique en regard de la canule paramédiane, prolonge l’incision de la paroi abdominale, puis incise la séreuse et la musculeuse de l’estomac sur environ 5 cm pour les suturer au muscle transverse de l’abdomen, avant de finir par une suture plan par plan.
Les consignes postopératoires sont du repos et une fragmentation du nombre de repas pendant 1 semaine.
De la même manière, une colopexie peut être réalisée par suture transabdominale ou en vidéo-assistance, en suturant l’adventice, non préalablement incisé, au péritoine pariétal.
Ovario-hystérectomie
Une ovario-hystérectomie peut être réalisée par cœlioscopie lors de rémanence ovarienne ou de pyomètre dont le diamètre utérin est inférieur à 4 cm (à 2 cm pour les femelles de moins de 10 kg). L’animal est placé en décubitus dorsal. Trois ports sont installés, dont l’un sur la ligne blanche en regard du col. L’utilisation d’une pince à thermofusion est fortement conseillée pour réduire le temps de section des ligaments suspenseurs de l’ovaire et de sa vascularisation, mais surtout pour la section du ligament large. Le port en regard du col est ensuite agrandi pour extérioriser les ovaires et l’utérus, puis une ligature et une section classiques du col sont réalisées.
Lithiases vésicales
L’animal est placé en position de Trendelenburg. L’abord est ventral, deux canules sur la ligne blanche chez les femelles ou une en paramédian chez les mâles sont placées et permettent de saisir l’apex vésical et de suturer de manière étanche la paroi vésicale à la paroi abdominale, dont un abord a été agrandi. L’optique est alors placée dans la vessie et une rétropulsion de chlorure de sodium (NaCl) stérile est réalisée via la sonde urétrale préalablement posée. Cela permet de retirer la totalité des calculs sous contrôle visuel et de limiter l’œdème vésical. Des biopsies pariétales peuvent également être réalisées aisément.
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