DÉCRYPTAGE
De l’animal qu’on lui confie, le vétérinaire est d’abord le gardien temporaire. À titre personnel, il peut également être le propriétaire d’un animal. Dans les deux cas, quelle en est sa responsabilité ? Le point avec Jean-Louis Aupois, avocat au barreau de Clermont-Ferrand.
Aux termes de l’article 1243 du Code civil, le propriétaire d’un animal, ou celui qui s’en sert pendant qu’il est à son usage, est responsable du dommage que l’animal a causé, qu’il ait été sous sa garde ou qu’il se soit égaré ou échappé. Il devra donc réparer les dégâts corporels et matériels qui en ont résulté, ainsi que le préjudice moral ou affectif que peut avoir subi la victime. La cour d’appel de Paris a ainsi condamné la propriétaire d’un chien qui avait mordu un homme au sexe à lui verser d’importants dommages et intérêts pour préjudice d’agrément, ainsi que pour préjudice psychologique et moral.
La jurisprudence qui retient la responsabilité de plein droit du maître est très abondante. Un chien qui mord un enfant à travers un grillage, alors même qu’il est attaché, engage la responsabilité de son maître. Sauf à prouver que l’enfant n’était pas surveillé par ses parents comme il aurait dû l’être, et que ce défaut de surveillance a été la cause unique de l’accident. La cour d’appel de Colmar (Haut-Rhin) a retenu la pleine responsabilité du maître d’un chien qui s’était échappé et avait effrayé un enfant, lequel avait alors brutalement traversé la rue et s’était fait renverser mortellement. Même décision concernant une passante renversée par deux chiens qui en voulaient à son animal tenu en laisse. Leur propriétaire, en laissant son portail entrouvert, avait permis à ses chiens de sortir dans la rue et a été déclaré responsable.
Les articles 1243-3, 3 bis, 4 et 5 du Code civil spécifient, outre la responsabilité du propriétaire de l’animal, celle de la personne qui en a l’usage, qu’il s’agisse du vétérinaire, pour des soins ou pour une intervention chirurgicale, d’un chenil lors d’un départ en vacances, d’un centre de dressage ou encore d’un institut de toilettage. La responsabilité est transférée au gardien de l’animal dès lors qu’il s’agit d’un professionnel rémunéré pour s’en occuper.
En 2016, la jurisprudence a néanmoins donné raison à une vétérinaire victime d’une grave morsure de chien dans les locaux de sa clinique en 20141.
Par ailleurs, la jurisprudence admet que, même sans se servir de l’animal, certains professionnels, comme les hôteliers ou les transporteurs, en sont responsables. En effet, ils en assurent implicitement la garde en les acceptant dans leur hôtel ou dans leur véhicule.
En cas de dommages occasionnés par un animal, les tribunaux vérifient toujours si son gardien temporaire a acquis sur lui les pouvoirs d’usage, de contrôle et de direction constitutifs de la garde. Il serait en effet injuste que la personne qui voulait rendre service soit pénalisée. Le fait d’accepter de garder bénévolement un animal le temps d’un repas ne permet pas d’engager sa responsabilité, sauf si le propriétaire peut prouver qu’une imprudence a été commise. Le maître d’un animal ne peut pas non plus transférer sa responsabilité sur un employé de maison, une baby-sitter ou un salarié de son entreprise auquel il aurait confié son animal pendant son temps de travail.
1. Quand le dommage est dû à une cause étrangère
Le propriétaire ou le gardien, qui sont ainsi présumés responsables d’un animal familier, peuvent tout de même dégager tout ou partie de leur responsabilité en prouvant que le dommage est dû à une cause étrangère qui ne peut leur être imputée : un cas de force majeure, un événement extérieur imprévisible, irrésistible. Par exemple, un chien qui, pris de panique en raison de la foudre ou d’une explosion, réussit à se détacher, s’enfuit sur la route et provoque un accident. La jurisprudence, toutefois, ne considère pas que des bruits faisant partie de l’environnement sonore de l’animal (tonnerre, avion, marteau-piqueur, etc.) puissent dégager la responsabilité du propriétaire.
2. Quand la faute peut être imputée à une tierce personne
Le Code civil prévoit, outre le cas de force majeure, le fait d’un tiers dont le caractère était imprévisible et irrésistible pour le gardien. Exemple, lorsqu’une personne excite un animal étranger qui, de ce fait, mord l’enfant qui se trouve à ses côtés, elle porte la responsabilité totale des blessures causées à l’enfant en lieu et place du propriétaire. Il y a également transfert de responsabilité quand une personne, hébergée par un ami, laisse intentionnellement les chiens de son hôte se promener sur la route où ils provoquent un accident.
3. Quand la victime a commis une faute
Une personne qui fait peur à un chien, lequel, pour se défendre, la mord sévèrement, ne peut s’en prendre qu’à elle-même. Même situation lorsqu’une personne pénètre sans en avoir l’autorisation dans une propriété privée, sur laquelle est apposé un écriteau la prévenant du danger (si ce n’est pas le cas, la responsabilité est alors partagée). Ou quand un animal en blesse un autre qui l’avait attaqué. Pour se dégager de toute responsabilité, encore faut-il que le propriétaire puisse prouver que la faute de la victime était la cause unique du dommage.
La jurisprudence précise que la défense ne doit pas être disproportionnée par rapport à l’attaque. Par exemple, un homme, qui s’était fait mordre par un teckel et lui avait donné un violent coup de pied ayant entraîné la mort de l’animal, a été condamné. En revanche, un homme, qui avait tué un bull mastiff après avoir vainement tenté de le séparer de sa chienne, que celui-ci était en train d’attaquer, a été reconnu par la Cour de cassation en état de légitime défense.
Il est interdit d’exciter son chien contre autrui. Le fait pour un gardien d’animal d’exciter ou de ne pas retenir un animal est puni d’une peine d’amende. Les tribunaux ne seront tolérants envers l’auteur des faits que si celui-ci peut prouver qu’il était lui-même en état de légitime défense. Par exemple, un maître qui fait appel à son chien pour le défendre contre un agresseur ou pour empêcher l’effraction de son domicile, à condition qu’elle ait lieu la nuit.
Le gardien de l’animal, présumé responsable, devra être en mesure de prouver que l’automobiliste, le motard ou le cycliste, aurait dû garder le contrôle de son véhicule, de sa moto ou de son vélo. En effet, le Code de la route prescrit au conducteur de rester maître de son véhicule et de conduire prudemment. Si le juge estime que ces consignes n’ont pas été respectées par la victime, il pourra donc partager la responsabilité de l’accident entre le maître de l’animal et le conducteur, voire estimer que le conducteur est le seul responsable. Si l’accident est provoqué par un animal dont le maître n’est pas assuré, mais identifié, le fonds de garantie automobile peut indemniser la victime pour les dommages corporels et matériels.
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1 Voir La Semaine Vétérinaire n° 1685 du 2/9/2016, pages 10 et 11.
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