Le bien-être, une notion si difficile à objectiver - La Semaine Vétérinaire n° 1733 du 30/09/2017
La Semaine Vétérinaire n° 1733 du 30/09/2017

COLLOQUE

PRATIQUE MIXTE

L'ACTU

Auteur(s) : JEAN-PAUL DELHOM   

Le laboratoire MSD organisait le 12 septembre la 20 e édition de ses rencontres annuelles, qui traitaient cette année du bien-être animal.

Selon un sondage effectué en 2015, présenté par Olivier Parnet, directeur de recherche chez Kantar Public, au cours des rencontres de Saint-Malo (Ille-et-Vilaine) organisées par MSD Santé animale, 98 % des Français considèrent qu’il est important de protéger le bien-être animal et une grande majorité se déclare prête à payer plus pour des produits respectueux de celui-ci. En dehors de sa dimension éthique, la recherche du bien-être des animaux conditionne leur santé et la qualité de la production animale. Pendant longtemps, il signifiait une absence de mal-être. Aujourd’hui, il s’agit de favoriser le bien-être en intégrant des critères positifs dans son évaluation. Autrement dit, il convient de réfléchir à adapter les conditions d’élevage aux animaux et non l’inverse !

L’élevage sous le feu des critiques

L’élevage est fréquemment et diversement interpellé par la société. Dans ce contexte, le projet Accept, coordonné par Christine Roguet1 (pôle économie, Institut du porc), a pour objectifs de recenser et d’analyser les controverses sur l’élevage, et d’évaluer son impact sur la société. L’analyse des argumentaires a permis de classer les différents points de débat en quatre grandes thématiques : l’environnement, le bien-être animal, la santé humaine et l’organisation de l’élevage.

Il existe un gradient de préoccupations sociétales sur l’élevage, du nord au sud de l’Europe. Les controverses sont très actives dans le Nord, portées par de puissantes associations. Elles se traduisent par la mise en place de réglementations spécifiques et de nombreux labels, qui commencent à trouver leurs marchés. En Allemagne, chaque nouveau ministre de l’agriculture doit présenter une charte. Par exemple, celle de 2014 avait comme objectifs d’arrêter les mutilations et la suppression des poussins mâles, d’accompagner dans le dialogue les changements structurels de l’élevage, de renforcer la recherche sur le bien-être animal, de sensibiliser les consommateurs au fait que ce dernier a un coût. La réponse des filières animales se fait en deux temps : communiquer (portes ouvertes, sites internet, etc.) et répondre aux demandes des consommateurs (charte de bonnes pratiques, améliorer les conditions d’élevage et le faire-savoir). Toujours en Allemagne, le bien-être animal est financé par tous les consommateurs comme un bien commun (augmentation de la TVA et taxes sur la viande vendue) et le marché est segmenté par la création de labels en fonction des conditions d’élevage.

Pour la filière aviaire, Nan-Dirk Mulder, expert chez Rabobank, estime que les marchés changent très vite, et si la Pologne assure désormais une production de volaille standard de masse, la France doit se concentrer sur une production de qualité et sa transformation. Il pointe du doigt les dangers du Brexit et l’arrivée de la vente alimentaire en ligne (Amazon.com). En élevage de poules, il rapporte que 80 à 90 % des élevages sont infestés de poux rouges (Dermanyssus gallinae). L’impact négatif est important, souligne Olivier Sparagano, président du Coremi2, avec des œufs tachés de sang non commercialisables, d’autres plus petits et cassables et davantage de maladies vectorielles, mais l’impact sur la santé des hommes, qui a nécessité le développement du réseau Coremi, ne doit pas être oublié.

Étudier le cerveau pour améliorer le bien-être

Une série d’expériences montre que les animaux sont capables d’évaluer une situation. Ils perçoivent aussi lorsque celle-ci ne correspond plus à leurs attentes, et apprécient lorsqu’ils peuvent la contrôler. Ce sont ces mêmes caractéristiques qui déclenchent et définissent les émotions chez l’homme. Lors d’une situation déclenchante d’émotion, le cerveau a des réponses endocriniennes (cortisol), neurovégétatives (rythme cardiaque) ou comportementales (fuite, saut, vocalisation). Un contrôle cognitif du cerveau fait suite. Dans ses travaux qui prennent appui sur des scanners, Élodie Chaillou, de l’Institut national de la recherche agronomique (Inra) de Nouzilly (Indre-et-Loire), a montré que la maturation cérébrale du chiasma optique et de l’hippocampe est retardée chez les agneaux élevés sans leur mère et avec du lait artificiel. L’étude des réseaux neuronaux est une nouvelle piste pour appréhender les stratégies d’adaptation comportementales et cognitives des animaux, et modifier les conditions d’élevage en conséquence afin de minimiser leurs émotions négatives et favoriser leurs émotions positives.

Des indicateurs pour mesurer le bien-être

En 1992, le Farm Animal Welfare Council, un organe consultatif indépendant créé au Royaume-Uni, établit la notion des cinq libertés pour définir le bien-être animal : absence de faim et de soif ; d’inconfort ; de douleur, de blessure ou de maladie ; de peur et de détresse et possibilités d’exprimer les comportements normaux de l’espèce. À l’échelle européenne, plus de 200 chercheurs de 13 pays sont associés au sein du programme Welfare Quality ® pour établir un outil commun d’évaluation globale du bien-être des animaux en ferme. L’audit Welfare Quality ® comprend quatre principes (bonne santé, alimentation et logement corrects, comportement approprié), 12 indicateurs et 40 mesures. Comme le souligne Valérie Courboulay (Ifip, Institut du porc), pour utiliser cet outil à grande échelle, il convient de simplifier la grille de notation, d’utiliser une combinaison d’indicateurs (comportement, santé) et de les adapter à l’objectif poursuivi. Par exemple, des audits ont été effectués en filière porc pour connaître l’impact de la présence ou non de paille sur la fréquence du cannibalisme ou des boiteries ; d’autres ont évalué la douleur lors de la castration.

Les radicaux libres constituent des espèces chimiques actives produites in vivo dans des conditions biologiques normales, mais des agressions diverses accroissent leur formation, conduisant à des états pathologiques quand les systèmes de détoxication sont débordés. Ces débordements sont directement liés à la capacité de défense de l’individu (facteurs génétiques, environnement, mode de vie, maladies). Le test Kit radicaux libres® (KRL), présenté par Michel Prost, du laboratoire Spiral, et Carlo Corino, professeur à l’université de Milan, est un test simple qui permet de mesurer la résistance globale vis-à-vis de l’agression des radicaux libres en tenant compte de l’ensemble des défenses antiradicalaires à la fois cellulaires et extracellulaires. Concrètement, un extrait aqueux ou alcoolique du produit à tester est ajouté à une suspension standardisée d’hématies (ou un sang EDTA), qui sera ensuite mise en incubation en présence d’un générateur de radicaux libres. La capacité antiradicalaire d’un produit à une certaine concentration est donnée par le pourcentage d’augmentation de la durée de demi-hémolyse. Ce test peut être d’un grand intérêt pour les filières animales : optimisation d’une formulation alimentaire, évaluation d’un complément antioxydant chez le porc intoxiqué par une mycotoxine, suivi du stress de la mise bas, etc.

Le stress

Le stress, a rappelé Élodie Merlot, de l’Inra de Rennes (Ille-et-Vilaine), est une réaction d’alarme non spécifique de l’organisme en réponse à une agression mentale ou somatique. Les facteurs de stress considérés dans les études sur le bien-être animal incluent les composantes mentales (émotions) et somatiques (adaptation immunitaire, métaboliques) : frustration, compétition, stress social, picage, rythme du sommeil, boiterie. Différentes expérimentations montrent que le stress induit la libération dans le sang de médiateurs de l’inflammation (augmentation de l’interleukine dans le sang de poulet après le transport), ralentit le processus de cicatrisation, peut augmenter la sensibilité des poulets aux agents infectieux (salmonelles), ou diminuer la réponse au vaccin contre la maladie d’Aujeszky chez le porc.

Les effets du stress varient selon l’individu (sexe, perception psychologique) et le facteur (nature, intensité, durée, fréquence), ceux-ci pouvant se cumuler. Dans une situation donnée nouvelle, il est difficile de prédire si un stress aura ou non des répercussions sur l’immunité et, si oui, quels en seront les effets sur la santé.

1 Voir La Semaine Vétérinaire n° 1730 du 8/9/2017, page 32.

2 Improving current understanding and research for sustainable control of the poultry red mite Dermanyssus gallinae.

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