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Auteur(s) : BÉATRICE BOUQUET
Réunissant les chercheurs d’agences expertes en épidémiologie vétérinaire, le congrès Epizone, organisé par l’Anses, proposait de se réunir autour d’un thème d’actualité, « Crossing barriers » , avec de redoutables viroses en point de mire.
Pendant qu’en vaillantes sentinelles, les praticiens guettent dans les élevages des émergences ou réémergences possibles, les épidémiologistes partagent leurs avancées à l’échelon international. Le 11e congrès Epizone s’est tenu en France (après l’Espagne), à La Villette, à Paris, du 19 au 22 septembre. Organisé par l’Agence nationale de sécurité sanitaire (Anses), membre du réseau, il a réuni plus de 300 chercheurs en épidémiologie animale, issus d’organisations similaires à l’agence française, principalement européennes : le Federal Research Institute for Animal Health (Allemagne), la Wageningen University and Research (Pays-Bas), l’Instituto nacional de investigación y tecnología agraria y alimentaria (Espagne), etc. À la tête du comité scientifique, un binome paritaire et décentralisé : nos confrères Marie-Frédérique Le Potier et Stéphan Zientara. Ont été évoqués, outre des maladies bien présentes en France (fièvre catarrhale ovine, virus de Schmallenberg, tuberculose, etc.), des travaux basés en dehors de l’Europe, susceptibles de maintenir une veille scientifique d’actualité face à des périls sanitaires encore flous, mais qui « s’approchent de nous ». Et pas de barrière animale pour Epizone : tous les animaux de production comme les sauvages, mais aussi les vecteurs ailés des maladies redoutables pour l’élevage ou l’homme étaient ciblés.
La fièvre de la vallée du Rift s’inscrivait bien dans le thème de l’édition 2017, « Crossing barriers », car le virus sait traverser les frontières et les barrières d’espèce. Actuellement confiné en Afrique et dans la péninsule arabique, il peut être véhiculé par quantité d’espèces de moustiques et infecter divers animaux, d’où un réel péril pour l’Europe. Les brebis en gestation et les agneaux y sont particulièrement sensibles, mais les autres ruminants sont concernés également ; même l’homme, chez lequel il induit souvent un simple accès de fièvre, mais parfois une encéphalite ou des hémorragies fatales. Les vaccins disponibles dans le sud de l’Afrique contre cette maladie ne donnent pas entièrement satisfaction (risque de malformations fœtales avec le clone 13), et d’autres, plus modernes, sont à l’étude. Comment fonctionne la persistance immune et comment ce virus peut-il rester caché pendant des dizaines d’années, avant de rejaillir sous forme de flambée de cas ? Pourquoi des animaux résistent-ils et d’autres pas ? Encore beaucoup d’inconnues demeurent, et il n’est pas facile de convaincre les éleveurs de vacciner dans ce contexte, a souligné Jeroen Kortekaas (Pays-Bas). Compter sur les antiviraux en cas d’épizootie menaçant l’homme est risqué, car ce virus mute après exposition au favipiravir (l’anti-Zika !), jusqu’à devenir moins sensible, selon des travaux espagnols (Belén Borrego).
Autre maladie des ruminants dont il a été particulièrement question, la lumpy skin disease, capripoxvirose qui circule chez les ruminants en Grèce, en Albanie et en Bulgarie, menaçant la toute proche Croatie – qui a décidé de vacciner – et l’Italie. Un chercheur italien de l’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA), Alessandro Broglia, a présenté l’expansion locale des cas au fil des saisons, en relation avec les populations vectorielles. Le virus ne s’est pas étendu à l’identique dans tous les pays, les décisions sanitaires ayant leur influence, notamment les campagnes de vaccination. Concernant la France, Claude Saegerman, du Fundamental and Applied Research for Animal and Health (Farah) Center, en Belgique, en collaboration avec plusieurs équipes franco-espagnoles, a modélisé le risque d’introduction de ce virus jusqu’à déterminer la taille d’une banque de vaccin adéquate. Malheureusement, les chiffres sur les mouvements d’animaux en Europe ne sont pas tous rendus publics, alors que cette donnée serait utile à l’épidémiologiste. La Commission européenne a d’ailleurs été interrogée sur le sujet.
De nombreuses maladies pourraient traverser les frontières à grande échelle via des animaux sauvages (migrations aviaires, par exemple) ou des insectes. Or, ce sont parfois de discrètes importations illégales et de petits commerces mal contrôlés qui disséminent le risque. La peste porcine africaine pourrait faire des bonds épidémiologiques en Europe à la faveur de déplacements cynégétiques de sangliers. Et pour l’influenza aviaire hautement pathogène en Belgique, c’est dans un élevage de loisirs que la souche H5N8 clade 2.3.4.4 a fait une incursion en juin, les élevages professionnels restant longtemps “silencieux”, tout en étant très surveillés. Ensuite, des achats entre amateurs de volaille d’ornement ont été clairement mis en cause dans l’extension du virus, certaines de ces ventes “à risque” ont même traversé la frontière française ! La loi a été modifiée à la suite des retours épidémiologiques : il n’est plus possible d’être conjointement éleveur professionnel et amateur en Belgique, et la vente sur foire a été interdite. Un travail de sensibilisation face à ce risque auprès des vétérinaires (non spécialisés en volaille) et du public est en cours.
Outre les réémergences prévisibles, les chercheurs sont à l’affût de vraies émergences de virus, traquant les “petits nouveaux” dans toutes les espèces. Une équipe hollandaise de Wageningen a identifié un nouvel agent dans les fèces de diarrhée de porc, un orthoréovirus différent de ses prédécesseurs identifiés chez un renard italien ou des tortues d’eau à Taïwan. Chez le cheval, en France, c’est grâce au Réseau d’épidémiosurveillance en pathologie équine (Respe) que les chercheurs ont identifié un nouvel agent pathogène neurologique, qui fut fatal à un trotteur de Grosbois, à Boissy-Saint-Léger (Val-de-Marne) : il s’agit d’un rotavirus (travaux exposés par Sylvie Lecollinet, de Ploufragan, dans les Côtes-d’Armor). L’espoir est de faire diminuer le nombre de cas neurologiques équins reliés à aucune étiologie (actuellement 16,5 % dans une enquête à l’autopsie. Ce chiffre étant sans doute supérieur dans une population d’équidés vivants, où des cas guéris peuvent exister).
Les maladies récemment apparues en Europe continuent d’être approfondies. S’agissant du virus de Schmallenberg, par exemple, les malformations fœtales ont pu être reliées à un surprenant mécanisme d’échappement immun ante-natal, alors que le virus mute peu chez l’adulte (travaux du Friedrich Loeffler Institut, en Allemagne). Et pour expliquer les cas de maladie de Schmallenberg à des températures (et des saisons !) où les vecteurs entomologiques ne sont normalement pas actifs, au nord de l’Europe, les Danois sont allés jusqu’à analyser le microclimat dans les élevages, collectant des données de température jusqu’aux plus petites anfractuosités des stabulations, à l’aide de micropuces.
Ainsi, des plus petits gènes mutants aux plus grands territoires de la planète, en passant par les modestes recoins des élevages, l’épidémiologiste sait ouvrir l’œil et partager ses vues.
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