Désacraliser la mesure de la pression artérielle chez le chat

Mesurer la pression artérielle (PA) chez un chat est essentiel pour diagnostiquer l’hypertension et agir efficacement contre ses conséquences graves. Pourtant, combien de praticiens réalisent cet acte en routine ? Quels sont les freins qui empêchent dans une pratique courante de développer ce service ? L’objectif de cet article est d’aborder cette problématique sous un angle pratique.

Pourquoi mesurer la pression artérielle d’un chat ?

Le chat est particulièrement concerné par l’hypertension artérielle. Deux cas de figure peuvent se présenter pour le praticien : une découverte fortuite sur un chat apparemment en bonne santé ou, cas le plus fréquent, une mise en évidence sur un chat malade. Si le praticien pense à l’hypertension en présence de symptômes évocateurs, la première situation, en revanche, est encore peu commune. Or le chat est un animal qui présente généralement peu de symptômes et le praticien passe alors souvent à côté d’une hypertension subclinique qui aura des conséquences graves, parfois irréversibles sur différents organes cibles : les yeux, le cœur, les reins ou le système nerveux central. La mesure de la PA doit devenir un acte de routine chez le chat, en particulier à partir de 7 ans.

Se décider à “prendre la tension”

Connaissant l’importance de cet acte, il reste à le mettre en pratique. Or cela peut représenter un vrai changement dans les habitudes de travail et de nombreuses raisons peuvent en reporter son application : manque de temps, désintérêt des clients ou animaux pas coopératifs. Quelles sont les actions à programmer pour enfin mesurer la PA des chats ? Il convient tout d’abord de décider des objectifs lors d’une réunion (Quels chats ? Quand ? Comment ?), du meneur de projet et de fixer des échéances. L’équipe doit ensuite s’entraîner et évaluer le protocole défini. Il est facile d’expliquer aux clients que « les dernières données de la science montrent que le suivi de la tension est essentiel pour les chats et que la clinique a décidé de le mettre en place, en passant d’abord par une phase test ». Puisque cela va dans le sens d’une meilleure médecine, ils seront tout à fait compréhensifs. Ces deux étapes passées, l’habitude s’installe. Le travail est valorisé et les chats mieux suivis.

“Prendre la tension” en pratique

Quelle population ?

Les recommandations internationales¹ sont les suivantes : mesure annuelle pour les chats âgés de 3 à 6 ans, au moins annuelle pour ceux âgés de 7 à 10 ans, au moins semestrielle à partir de 11 ans et tous les 3 à 6 mois pour les chats à risque (insuffisants rénaux, hyperthyroïdiens, etc.).

Quel appareil ?

Différents appareils existent sur le marché. À chacun de se faire une idée. Les recommandations internationales préconisent la méthode Doppler ou le Vet-HDO^® (high definition oscillometry)² mais le PetMAP^® (méthode oscillométrique) est aussi utilisé et semble donner des résultats fiables. L’appareil et la méthode sont présentés lors de la première réunion d’équipe. La mesure à interpréter est celle de la pression artérielle systolique.

À quel moment mesurer la pression artérielle ?

Les expressions “consultation vaccinale” ou, pire, “vaccination” sont à bannir. L’époque est à la prévention et le chat est particulièrement concerné. Il vient donc pour une consultation de prévention. Annuelle, semestrielle, chacun le définira. Cette consultation comprend la mesure de la PA. Le temps à y consacrer est défini, avec prise en compte dans la facturation : amortissement du matériel, du temps de formation, auxiliaire spécialisé vétérinaire (ASV) si besoin, temps passé. Un acte gratuit est dévalorisé. Avec l’expérience, mesurer la PA prend moins de 5 mn. Une consultation d’un quart d’heure pour un chat est souvent un peu juste. Pourquoi ne pas en profiter pour revoir les consultations félines : temps, déroulé, facturation ?

Se mettre dans les meilleures conditions

Un chat qui attend une demi-heure en salle d’attente, à côté d’un berger allemand qui le renifle et aboie, puis qui se fait extirper de sa boîte par le vétérinaire, présentera probablement une PA peu fiable. Des plages horaires peuvent ainsi être consacrées aux chats et/ou un espace d’attente peut leur être réservé. L’heure des rendez-vous est respectée. Enfin, il convient d’accorder quelques minutes au chat en consultation pour qu’il s’habitue à l’ambiance. S’il est nécessaire de le sortir de sa boîte, il convient de le faire précautionneusement. La PA est mesurée quand il semble apaisé. Bien entendu, il est difficile d’effectuer des mesures sur certains chats agressifs. Le protocole de la clinique définit la méthode : présence ou non d’une ASV, membre antérieur ou queue, en début ou en fin de consultation, etc. Il est intéressant de laisser aussi des possibilités d’adaptation en fonction de l’animal. Si, pour certains, le protocole est différent, il suffit de le préciser sur leur dossier médical.

Parler hypertension avec les clients

Si le projet de la “PA systématique” est lancé dans la clinique, les clients doivent en être informés. Cela peut se faire par un courrier, un e-mail, une communication visuelle dans la clinique et une explication par les vétérinaires et les ASV. « Nous vous informons que ce mois-ci, nous mettons en place la mesure de la PA pour tous les chats de plus de 7 ans. Le vétérinaire vous l’expliquera en consultation », peut prévenir l’ASV au moment de l’entrée en salle d’attente, en remettant éventuellement un document au propriétaire. Un argumentaire technique est présenté. Les clients sont très ouverts à ce sujet, car l’hypertension est bien connue chez l’homme. La PA est parfois augmentée en raison du stress mais, avec l’expérience, le praticien reconnaîtra les mesures plus au moins fiables. En cas de doute, il est intéressant de proposer un rendez-vous de contrôle 15 jours à 1 mois plus tard. Si la PA est toujours élevée, un traitement, puis un nouveau contrôle sont programmés. Bien entendu, le client est informé à chaque étape pour qu’il ne se retrouve pas devant le fait accompli. Il s’agit de toujours obtenir son accord éclairé. S’il ne souhaite pas que la PA soit mesurée ou s’il ne souhaite pas traiter, c’est son choix. Le praticien a fait son travail.

Quand traiter ?

L’International Renal Interest Society considère que les conséquences sur les organes cibles sont modérées à élevées au-dessus de 160 mmHg. Les valeurs de PA systolique considérées comme normales sont au-dessous de 150 mmHg. La mise en place d’un traitement dépend de la mesure de la PA corrélée, si possible, à l’évaluation des organes cibles (encadré). Les chats qui ont une PA systolique supérieure à 150 mmHg ne doivent pas tous être traités et, en cas de doute dans la mesure, celle-ci peut être réévaluée quelques semaines plus tard et des lésions sur les organes cibles recherchées : examen du fond d’œil, mesure du rapport protéines sur créatinine urinaires (RPCU), échocardiographie, etc. Si le chat n’est pas symptomatique, il n’est pas à 15 jours ou 1 mois près ! En outre, si la PA est systématisée, les mesures sont comparées d’une fois sur l’autre. En cas d’hypertension avérée, il est important d’évaluer les causes potentielles (maladie rénale chronique, hyperthyroïdisme ou hypertension idiopathique) et les lésions sur les organes cibles. La cause est traitée prioritairement et la PA réévaluée.
•

¹ ISFM consensus guidelines on the diagnosis and management of hypertension in cats. J. Feline Med. Surg. 2017;19:288-303 ; voir aussi La Semaine Vétérinaire n° 1723 du 9/6/2017, page 38.

² Voir La Semaine vétérinaire n° 1711 du 17/3/2017, pages 26 et 27.