Piment d’Espagne

La faculté vétérinaire espagnole de l’université Cardenal-Herrera vient de recevoir l’accréditation de l’European Association of Establishments for Veterinary Education (EAEVE). La nouvelle fait grand bruit ! C’est un réel tournant pour la profession en Europe : il s’agit de la première faculté européenne privée à être accréditée, avec, au passage, près de la moitié de francophones dans ses rangs. Une structure hospitalière vétérinaire existe depuis plusieurs mois, une ferme pédagogique, une clinique, etc. Les frais de scolarité s’élèvent à plus de 14 000 € par an (pendant cinq ans).

Jusqu’à présent, le sujet des facultés privées était pris avec distance, et souvent associé à une image de formation bas de gamme. En 2012, le projet d’installation dans le sud de la France de l’université privée portugaise Fernando-Pessoa, pour délivrer des études en pharmacie et en odontologie, avait créé l’émoi. Mais il avait été stoppé au terme de batailles judiciaires.

La décision de l’EAEVE change la donne (alors d’ailleurs qu’un observateur français figure dans le jury de l’association) : faut-il y voir l’ouverture à la production massive de vétérinaires par des facultés privées étrangères ? Doit-on s’attendre à une réplique du séisme en France, avec l’accréditation d’écoles vétérinaires privées sur notre territoire ?

D’aucuns y verront une potentielle solution au déficit démographique de praticiens. Mais ne nous leurrons pas : soit les personnes paieront leurs études et leur liberté d’installation sera justifiée – avec un risque pour le mandat sanitaire et ses actes quasi gratuits ? –, soit les élèves utiliseront le système financier proposé pour payer leurs études (des banques sont adossées à ces établissements), ils devront ensuite rembourser et ne s’orienteront pas nécessairement vers les déserts ruraux…

D’autres questions émergent : verra-t-on une formation à deux vitesses et à deux coûts ? S’agit-il de la mise à mal du système actuel de prépa, de grandes écoles ? En outre, ces universités privées ne développent pas de recherche, mais s’insèrent dans la formation car elle est rentable : veut-on arrêter la recherche ? Ne faut-il pas craindre des effets secondaires, tels qu’une perte de ressources, de leadership, d’image, une coupure avec l’industrie, un basculement vers la formation professionnelle ?

Les interrogations ne manquent pas ! De quoi alimenter les discussions à l’aube des premières restitutions de Vetfuturs, qui nécessiteront de ne pas se limiter aux seuls horizons français ou vétérinaires.●