Christian Diaz : « Chiens mordeurs : les chiffres prouvent l’échec de la loi » - La Semaine Vétérinaire n° 1737 du 26/10/2017
La Semaine Vétérinaire n° 1737 du 26/10/2017

ENTRETIEN

PRATIQUE CANINE

L'ACTU

Auteur(s) : PROPOS RECUEILLIS PAR CHANTAL BÉRAUD   

Deux vétérinaires praticiens, également comportementalistes diplômés, Christian Diaz et Christine Debove, cosignent un ouvrage synthétique pour guider le lecteur à travers le dédale des lois relatives à l’évaluation comportementale des chiens dits dangereux. Avec un intéressant recul de près de dix ans d’expertise.

Pourquoi avoir rédigé ce second guide de l’évaluation comportementale ?

Notre premier ouvrage remontant à 2009, une réactualisation était nécessaire concernant les données pratiques et juridiques, tout en conservant l’esprit qui avait fait le succès de notre première édition. Où en sommes-nous aujourd’hui ? Je dirais que la situation est paradoxale. D’un côté, nous constatons que le nombre de vétérinaires ayant suivi une formation continue pour être compétents en matière d’évaluation comportementale est satisfaisant, puisque le public peut aujourd’hui trouver un tel praticien sans problème, sur n’importe quel point du territoire, y compris outre-mer. Cependant, les rapports de l’Agence nationale de sécurité sanitaire (Anses) pointent en parallèle une sous-déclaration de ces évaluations comportementales : en 2014, 835 vétérinaires ont effectué 4 652 évaluations, ce qui est peu, sachant qu’il y a un potentiel réel de 20 000 à 25 000 chiens à évaluer !

Qu’en concluez-vous ?

À mon sens, ces chiffres traduisent, dans les faits, l’échec des mesures législatives votées. Ce qui s’explique par diverses raisons. D’abord, depuis la loi du 20 juin 2008, la déclaration de morsure se fait auprès du maire par le propriétaire ou par tout professionnel en ayant connaissance. Parmi les premiers avertis se trouvent souvent les médecins, surtout ceux travaillant dans les centres d’urgence pédiatrique, puisque les chiens mordeurs sont majoritairement ceux vivant en famille. Il faudrait donc que les médecins soient davantage informés de ladite obligation de déclaration de morsure. Cette sous-déclaration peut malheureusement être aussi le fait du vétérinaire lui-même, soit parce qu’il juge cette loi inutile (voire dangereuse), soit parce qu’il a peur de perdre un client en lui imposant une procédure lourde et coûteuse1.

Des dysfonctionnements sont-ils observés au niveau des maires ?

En effet, les maires demandent eux aussi trop peu souvent cette évaluation… ou interprètent les textes à leur façon ! J’ai, par exemple, eu connaissance d’un arrêté municipal qui stipulait que « le chien sera euthanasié, après avis d’un vétérinaire ». Ledit avis du vétérinaire n’ayant qu’une valeur consultative, on sait qu’il se produit aussi des situations où, par une sorte d’excès de zèle sécuritaire, des chiens sont abusivement euthanasiés sur la base de critères uniquement racistes. Il existe d’ailleurs déjà des cas de jurisprudence où de telles décisions ont été annulées par les tribunaux administratifs.

Avec quels résultats pratiques observés sur le terrain ?

Il est tout de même stupéfiant de constater que les deux conséquences principales de ces lois sont un babyboom dans la race american staffordshire terrier (environ 10 000 naissances par an contre quelques centaines dans les années 1990) et une moindre prise en charge des animaux mordeurs !

Que faudrait-il faire pour améliorer la loi ?

Le problème est que les textes fondateurs – la loi du 6 janvier 1999 et l’arrêté du 27 avril 1999 – relèvent d’une aberration scientifique et éthique. Car la classification des chiens dits dangereux est faussement fondée sur des critères uniquement morphologiques – avec, par exemple, pour axiome ahurissant qu’une race pure est moins dangereuse que des croisements –, sans prendre en compte les données comportementales. Cette loi mériterait donc d’être complètement revue, via par exemple l’adoption d’un cavalier législatif. Ce n’est malheureusement plus une action prioritaire dans l’esprit des politiques. Enfin et surtout, il faudrait que le public sache que, quelle que soit la race du chien, il doit faire l’objet d’une évaluation comportementale dès la première morsure. Car les enfants qui sont notamment défigurés par l’animal de la famille le sont généralement à l’issue d’une succession de dérapages, où rien n’a été fait pour prévenir une escalade de la situation.

1 Pour en savoir plus sur le rôle du praticien, voir La Semaine Vétérinaire n° 1728 du 15/7/2017, pages 36 à 41.

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