DÉCRYPTAGE
Auteur(s) : MICHAELLA IGOHO-MORADEL
Un avis récent de l’Agence nationale de sécurité sanitaire (Anses) pourrait favoriser la mise sur le marché de nouveaux tests rapides de détermination de la sensibilité bactérienne aux antibiotiques applicables à la médecine vétérinaire.
Un peu plus d’un an après l’entrée en vigueur de la réglementation sur la prescription d’antibiotiques critiques, l’Agence nationale de sécurité sanitaire (Anses) veut actualiser ce dispositif, posé notamment par l’arrêté du 18 mars 2016 fixant la liste des méthodes de réalisation du test de détermination de la sensibilité des souches bactériennes1. L’agence souhaite en effet « mettre à la disposition des prescripteurs vétérinaires une gamme plus étendue d’outils d’orientation de leur prescription ». Pour ce faire, elle recommande d’appliquer en médecine vétérinaire toute méthode produisant des valeurs de la concentration minimale d’inhibition (CMI) ou de diamètres par les méthodes de dilution (y compris micro-dilution) en milieu liquide ou solide et de diffusion en milieu solide. À noter aussi la recommandation concernant l’utilisation de tests rapides de détermination de la sensibilité des souches bactériennes aux antibiotiques. L’Anses propose de favoriser leur développement tout en assurant une validation de leur efficacité en médecine vétérinaire.
Au 1er avril 2016, la réglementation sur la prescription d’antibiotiques critiques était claire. Leur utilisation est subordonnée à l’identification de la souche bactérienne et à la réalisation d’un antibiogramme selon une méthode de diffusion sur gélose, décrites par les normes Afnor2 NFU 47-106 et 107. Dans la pratique, l’Anses indique que la méthode la plus répandue en France est la méthode par diffusion en milieu gélosé (méthode des disques), telle que développée dans la norme NFU 47-107. La méthode par dilution en milieu solide (norme NFU 47-106) est très rarement utilisée, car non adaptée au diagnostic de routine. Dans son avis, l’agence annonce un objectif clair : orienter le prescripteur vétérinaire à partir de méthodes fiables et robustes de détermination de la sensibilité bactérienne aux antibiotiques. Elle recommande ainsi de modifier la réglementation en vigueur afin de permettre d’utiliser en médecine vétérinaire « toute méthode produisant des valeurs de CMI ou de diamètres par les méthodes de dilution (y compris micro-dilution) en milieu liquide ou solide et de diffusion en milieu solide ». Cette proposition de l’Anses permet de prendre en compte des méthodes d’analyse qui ne se limitent pas à la mesure du diamètre d’inhibition et permet d’élargir le nombre de méthodes de référence validées à ce jour. Par ailleurs, pour le cas de la colistine, l’agence souligne que « les méthodes par diffusion en gélose ne sont pas appropriées dans un objectif clinique » et renvoie vers la recommandation faite pour la médecine humaine « de ne tester la sensibilité bactérienne à la colistine que par la mesure de la CMI par la méthode en micro-dilution en milieu liquide ».
Les textes précisent jusqu’ici que ces tests de sensibilité doivent être réalisés selon les normes Afnor NFU 47-106 et NFU 47-107. L’arrivée de ces nouvelles obligations a favorisé la commercialisation directe de tests rapides, auprès des vétérinaires, présentés comme étant des antibiogrammes. L’Ordre n’avait pas tardé à mettre en garde les praticiens contre l’utilisation de ces kits rapides3. Dès mai 20164, il rappelait en effet que certains de ces kits colorimétriques antibiogrammes réalisés par le vétérinaire ne répondaient absolument pas aux normes Afnor précitées. « Une prescription d’antibiotiques critiques sur la base du résultat procuré par de tels tests pourrait engager sérieusement la responsabilité du praticien », rappelait l’Ordre dans son Infoflash du 9 mai 2016. Alors, que dit l’Anses sur l’utilisation de ces tests rapides ? L’agence souhaite tout d’abord remettre au centre des discussions l’intérêt du vétérinaire prescripteur. Elle insiste sur l’idée qu’une partie de cette offre de tests rapides « fait légitimement écho à certains besoins non couverts dans le contexte des bonnes pratiques d’usage des antibiotiques par les vétérinaires, par exemple celui de disposer d’un diagnostic de sensibilité/résistance le plus rapide possible, en vue d’une orientation thérapeutique très précoce et d’un choix encore mieux raisonné des antibiotiques ».
Cette proposition faisait déjà l’objet d’une mesure dans le cadre du plan ÉcoAntibio 1. L’objectif était en effet de développer les moyens diagnostiques fiables et rapides validés pour certaines filières. C’est donc finalement sans surprise que l’Anses recommande, dans son avis, de promouvoir le développement et la validation de tests rapides de détermination de la sensibilité bactérienne aux antibiotiques applicables à la médecine vétérinaire, et permettant l’orientation la plus précoce possible du prescripteur. Ainsi, l’efficacité des tests revendiquant la détermination de sensibilité bactérienne aux antibiotiques ne correspondant pas aux méthodes de référence actuellement prises en compte pourrait être vérifiée par le laboratoire national de référence (LNR) pour les antimicrobiens, sur la base d’une demande déposée par l’industriel. Le fabricant devra fournir avec sa requête «
un dossier de validation comprenant les performances du test en réponse à un cahier des charges édité par le LNR
». À terme, les kits validés pourront être utilisés par le praticien sans que celui-ci ne voie sa responsabilité engagée. En revanche, les tests non validés ne pourront pas être mis sur le marché.
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2 Association française de normalisation.
4 Ordre des vétérinaires, Infoflash n°35 du 9 mai 2016.
L’ANTIBIOGRAMME EST OBLIGATOIRE DEPUIS LE 1ER AVRIL 2016