Droit du travail : une nouvelle hiérarchie des normes - La Semaine Vétérinaire n° 1741 du 23/11/2017
La Semaine Vétérinaire n° 1741 du 23/11/2017

DÉCRYPTAGE

Auteur(s) : JEAN-PIERRE KIEFFER  

La loi travail du 8 août 2016, ou loi El Khomri, et les ordonnances publiées le 23 septembre 2017 ont défini une nouvelle hiérarchie des normes entre le Code du travail, la convention collective et l’accord d’entreprise. Quel sera l’impact pour les entreprises vétérinaires de petite taille ?

Réforme du droit du travail

Avant la réforme du droit du travail, la loi fixait par le Code du travail les règles générales garantissant des droits minimaux aux salariés. La convention collective pouvait définir des règles différentes si elles étaient plus favorables aux salariés. Enfin, l’accord d’entreprise pouvait établir des règles différentes uniquement si elles amélioraient la protection du salarié. C’était toujours la norme la plus favorable aux salariés qui l’emportait.

Depuis la réforme du droit du travail, c’est désormais l’entreprise qui devient le lieu privilégié de la négociation collective. L’articulation entre les conventions collectives et les accords d’entreprise est revue, afin d’étendre les domaines dans lesquels les accords conclus au niveau de l’entreprise priment sur les conventions collectives, même s’ils sont moins favorables aux salariés. C’est l’inversion de la hiérarchie des normes de la négociation collective.

Les limites de la réforme sont fixées par l’ordonnance 1385 du 23 septembre 2017 qui distingue trois blocs :

- 11 domaines pour lesquels la convention collective s’impose obligatoirement. Dans ce cas, les accords d’entreprise ne s’appliquent que s’ils prévoient des garanties au moins équivalentes pour les salariés. Sont ainsi principalement concernés les salaires minima, les classifications, l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes, les conditions et durées de renouvellement de la période d’essai, la durée minimale du travail à temps partiel et le taux de majoration des heures complémentaires, certaines règles relatives aux contrats à durée déterminée, les garanties collectives complémentaires.

- quatre domaines pour lesquels la convention collective peut prévoir qu’elle s’impose, ne permettant pas à un accord d’entreprise de modifier les règles sauf à prévoir des garanties au moins équivalentes. Cela concerne la prévention des risques professionnels, l’insertion professionnelle et le maintien dans l’emploi des salariés handicapés, l’effectif à partir duquel les délégués syndicaux peuvent être désignés, les primes pour travaux dangereux.

- les domaines pour lesquels les accords d’entreprise priment sur la convention collective, même s’ils sont moins favorables pour les salariés. Il s’agit de tous les sujets qui ne sont pas listés dans les deux blocs détaillés ci-dessus. Cela concerne principalement le temps de travail, les heures supplémentaires et leurs majorations, les congés, les jours fériés, les primes, etc.

Les accords d’entreprise

Cette primauté des accords d’entreprise devrait permettre aux employeurs beaucoup plus de flexibilité dans le temps de travail, les congés et les majorations des heures supplémentaires. L’accord d’entreprise peut ainsi répondre aux nécessités du bon fonctionnement de la structure pour adapter l’emploi, réduire les coûts et prévenir des difficultés liées aux charges du personnel.

Jusqu’à présent, la négociation d’un accord d’entreprise se heurtait, dans les petites et moyennes entreprises (PME), à l’obligation de la présence de délégués syndicaux ou de salariés mandatés par un syndicat (96 % des PME n’ont pas de délégué syndical).

Depuis la réforme du droit du travail, cette négociation collective sera facilitée dans les entreprises de moins de 20 salariés sans délégué syndical ou d’élu du personnel. Cette nouvelle règle est entrée en vigueur au 24 septembre 2017, sous réserve de décrets d’application.

- Entreprises de moins de 11 salariés sans délégué syndical : l’employeur pourra proposer aux salariés un projet d’accord portant sur un thème pouvant faire l’objet d’une négociation collective au niveau de l’entreprise. Ce texte sera transmis à chaque salarié. Puis, après expiration d’un délai d’au moins 15 jours de réflexion, l’employeur pourra organiser une consultation du personnel. Pour être applicable, cet accord sera soumis au vote et devra être adopté par les deux tiers des salariés. Cette mesure est innovante puisqu’elle étend le référendum à l’initiative de l’employeur à un texte non négocié.

- Entreprise de 11 à 20 salariés sans délégué syndical ni élu du personnel : l’employeur peut recourir directement au référendum pour un texte qu’il aura rédigé unilatéralement sous réserve de la ratification par la majorité des deux tiers.

La prochaine publication de décrets d’application permettra de définir plus précisément le recours aux accords d’entreprise1.

1 Cela fera l’objet d’un prochain article à paraître dans La Semaine Vétérinaire.

LA HIÉRARCHIE DES NORMES EN DROIT FRANÇAIS

Les règles de droit nationales, communautaires et internationales s’organisent sous forme pyramidale, décrivant l’ordre juridique des normes (règles obligatoires). Ainsi, un texte de loi d’autorité inférieure est subordonné à un texte de catégorie supérieure (infographie ci-contre).
Dans le cadre professionnel, les ordonnances du gouvernement pourront inverser la hiérarchie des normes actuelle du droit du travail (par exemple, le Code du travail est régi par la loi et l’accord de branche l’emporte sur l’accord d’entreprise). Un accord d’entreprise pourra donc primer sur un accord de branche facultatif dans certains domaines (durée du travail) et être moins favorable aux salariés que ce que prévoyait l’accord de branche (décret en attente).
Clarisse Burger