Jean-François Rousselot : « Le praticien doit devenir un spécialiste hygiène et biosécurité ! » - La Semaine Vétérinaire n° 1741 du 23/11/2017
La Semaine Vétérinaire n° 1741 du 23/11/2017

ENTRETIEN

PRATIQUE CANINE

L'ACTU

Auteur(s) : PROPOS RECUEILLIS PAR CHANTAL BÉRAUD  

Le nouvel ouvrage des Éditions du Point Vétérinaire, fruit d’une collaboration éditoriale avec l’Association française des vétérinaires pour animaux de compagnie, offre une synthèse sur les connaissances actuelles sur l’antibiorésistance et le bon usage des antibiotiques.

Vice-président de l’Association française des vétérinaires pour animaux de compagnie (Afvac), coordinateur du groupe de travail “Fiches de bon usage des antibiotiques pour la filière animaux de compagnie”, Jean-François Rousselot vient d’assurer la coordination scientifique d’un livre, intitulé Antibiothérapie et antibiorésistance chez le chien, le chat et les NAC. C’est la première fois qu’est publiée une telle synthèse, fruit d’une collaboration transdisciplinaire baignant dans un esprit One Health.

Dans quel contexte cet ouvrage s’inscrit-il ?

Il s’agit d’une synthèse qui dresse une genèse explicative de l’évolution de l’antibiorésistance et de la réglementation afférente, pour la filière chien, chat et nouveaux animaux de compagnie (NAC). Elle est le fruit d’une rédaction collégiale exceptionnelle, qui réunit pour la première fois divers experts scientifiques reconnus dans ce domaine, dont le signataire du rapport Tous ensemble, sauvons les antibiotiques, des experts du ministère de l’Agriculture, du réseau de surveillance Résapath, de l’Agence nationale de sécurité sanitaire (Anses), des écoles vétérinaires.

Sa première partie se compose d’informations diverses, complémentaires et utiles pour mieux appréhender l’antibiorésistance et ses risques, avec notamment des explications sur ce qu’elle est chez l’homme, chez l’animal et les rapports qui existent entre les deux. On y étudie aussi les conséquences du mésusage des antibiotiques, ainsi que les facteurs qui influencent leur prescription, en abordant des notions importantes pour leur efficacité, dont la pharmacocinétique et la pharmacodynamie, éléments clés pour mieux adapter nos prescriptions.

L’antibiorésistance est-elle actuellement sous contrôle ?

En santé animale, on peut dire que le premier plan ÉcoAntibio de réduction des risques est déjà un succès. Je pense donc que la situation actuelle ne présente pas de risque sanitaire majeur. Mais pour que la situation demeure encore demain sous contrôle, il est impératif que cette prise de conscience se poursuive. Pour éviter que n’apparaissent et ne se multiplient dans nos établissements de soins vétérinaires les redoutés germes multirésistants. En santé humaine, dans certains services de réanimation hospitalière, des médecins ont malheureusement déjà été confrontés à des développements de germes sans solution antibiotique. Il faut bien garder à l’esprit qu’il n’y aura pas, dans les années à venir, d’arrivée de nouveaux antibiotiques, ni en santé humaine ni en santé animale.

Comment les vétérinaires peuvent-ils s’améliorer dans cette lutte ?

Pour le plan ÉcoAntibio 2 (2017-2021), nous analysons, d’une part, les mesures du plan 1 qui peuvent être reconduites pour la filière des animaux de compagnie. D’autre part, nous partons sur de nouvelles pistes, avec toujours l’objectif de mieux soigner en utilisant les antibiotiques avec pertinence et discernement. Éviter par exemple de les employer pour les chirurgies de convenance, réfléchir aux nouvelles techniques alternatives auxquelles la profession peut avoir recours... Notre synthèse comporte également un focus sur l’antibiogramme, son bénéfice et ses limites.

Quid de l’hygiène ?

Parmi les pistes envisagées et décrites, nous proposerons à ÉcoAntibio 2 de faciliter la réflexion sur les protocoles optimisés à suivre pour consulter, opérer dans de meilleures conditions de sécurité et d’hygiène… Notre synthèse fait aussi un point sur la question du biofilm, entité méconnue mais particulièrement riche en germes pathogènes. Chaque praticien doit effectivement devenir un spécialiste hygiène et biosécurité ! Par exemple, en se lavant les mains, et en conseillant le détenteur de l’animal sur les comportements à adopter ou non à son égard. Demain, les nouveaux établissements vétérinaires seront construits de manière à vraiment pouvoir séparer les animaux contagieux des autres. La prévention, l’hygiène, la gestion de l’infection et des risques de maladies nosocomiales sont des sujets où la profession prendra en compte l’évolution des connaissances et progressera, comme elle a toujours su le faire.