La conquête de l’Est

Apparu dès l’aube du cinéma, le western – un des derniers grands mythes du monde occidental – a captivé des générations entières qui en ont assimilé tous les codes. Représentante¹ d’un renouveau du cinéma germanique, Valeska Grisebach se réapproprie subtilement le genre pour le transposer dans les confins orientaux de la communauté européenne.

En charge de la construction d’une turbine hydroélectrique quelque part en Bulgarie, un groupe hétéroclite de travailleurs détachés allemands s’installe dans des collines sauvages écrasées de soleil, non loin d’un village. Ce séjour en terre étrangère réveille chez ces hommes le goût de l’aventure comme la méfiance vis-à-vis des autochtones, dont ils ne connaissent ni la langue ni la culture. Alors que les tensions s’avivent entre les deux communautés, Meinhard, un ex-légionnaire un peu à part du groupe, va, par la médiation d’un cheval, nouer des liens avec la population locale. Chevaux, colons, village désert, héros solitaire et taiseux, fusils, alcool, femmes, tension gonflée à la testostérone… Tous les motifs clés du western sont convoqués, mais discrètement, comme un lointain écho qui vise davantage à révéler le romanesque enfoui dans le réel qu’à le forcer. Le minimalisme du film, rétif à toute péripétie spectaculaire, son tempo retenu ne séduiront pas tout le monde, mais ils participent à la pertinence de cette très juste description d’une réalité de l’Europe contemporaine, singulièrement absente de notre imaginaire collectif.
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¹ À travers, notamment, son splendide Désir(s) (2006).

Western de Valeska Grisebach, avec Meinhard Neumann, Reinhardt Wetrek, Syuleyman Alilov Letifov, Veneta Frangova, Allemagne-Bulgarie, 1 h 59, sortie le 22 novembre.