Que pensez-vous de l’intégration de tiers non vétérinaires dans le capital des structures vétérinaires ? - La Semaine Vétérinaire n° 1741 du 23/11/2017
La Semaine Vétérinaire n° 1741 du 23/11/2017

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Auteur(s) : SERGE TROUILLET 

QUI DÉTIENT LE CAPITAL DÉTIENT LE POUVOIR

Pour les jeunes confrères, l’intégration de fonds privés dans le capital de leur structure vétérinaire peut s’avérer opportune. Elle leur permet de ne pas avoir à acquérir de parts de leur entreprise, et donc, dans un environnement économique incertain, de ne pas s’engager sur le long terme, surtout s’ils exercent dans une spécialisation exigeante en investissements. Leur revenu n’en pâtira pas, même s’ils n’auront rien à revendre en fin de carrière. À l’inverse, ceux qui partent en retraite pourront plus facilement céder leurs parts à ces investisseurs. Des fonds non vétérinaires peuvent donc être les bienvenus. Pour autant, qui détient le capital détient le pouvoir. Et le garde-fou des 49 % n’a que peu de valeur. Un investisseur trouvera toujours, parmi la multitude d’actionnaires, celui qui lui permettra de devenir majoritaire ! Dès lors, un praticien pourra-t-il exercer jusqu’à la fin de sa carrière si les financiers jugent sa rentabilité insuffisante au regard de ses confrères plus jeunes et moins bien rémunérés ? Le mode libéral de la pratique vétérinaire s’en trouverait affecté, tant pour le praticien, qui ne serait plus maître de ses décisions, que pour le personnel soignant, soumis lui aussi à des impératifs de compétitivité.


Christian Bussy (N 87)

PENSER EN ENTREPRENEUR, ET NON PLUS EN LIBÉRAL

L’inquiétude des vétérinaires qui craignent de perdre le pouvoir dans leurs structures reste un débat. Mais qui peut penser, objectivement, que nous n’aurons jamais besoin de fonds extérieurs à la profession pour assurer notre développement ? Leur apport peut s’avérer très intéressant. Nous ne pouvons plus penser en libéraux, avec des petits cabinets partout ! L’environnement économique, l’exercice du métier et les motivations des jeunes générations ont considérablement évolué. L’époque est révolue où l’on arrivait jeune dans une structure, où l’on devenait associé et où l’on accompagnait son développement avec d’autres associés qui nous rejoignaient. Les investissements sont beaucoup plus lourds aujourd’hui. Comment racheter le quart d’une clinique bien équipée lorsque l’on sort de l’école ? Il y aura des associés fondateurs de grosses structures, les seniors, qui feront entrer des associés juniors, minoritaires dans le capital. Comme dans toute entreprise. Il s’agira d’ouvrir son capital et sa confiance à des vétérinaires, des salariés, des proches, des actionnaires, qui seront de véritables soutiens. Des gens qui croiront au développement et à la rentabilité de leur investissement, sans exiger d’avoir nécessairement le contrôle de la structure.


Jean-Jacques Bynen (Liège 87)

UNE EXTRÊME VIGILANCE S’IMPOSE

Contrairement à ce que l’on a pu lire dans la presse professionnelle, il n’est pas nécessaire, pour gérer les ressources humaines, les affaires financières, les aspects administratifs, etc., d’une entreprise vétérinaire, de céder des parts de capital à des non-vétérinaires. C’est une option parmi d’autres. Personnellement, je n’ai pas de blocage idéologique à cet égard. Je ne considère pas non plus que c’est indispensable. Il s’agit avant tout que la démarche soit en adéquation avec la vision stratégique que l’on a, au moins à dix ans, de son entreprise. Reste qu’une condition impérative de cette intégration dans le capital est l’évaluation, comme pour tout associé, de ce que cette personne est susceptible d’apporter à la structure à court, moyen et long terme, par rapport à un collaborateur salarié non vétérinaire ou à un prestataire de services. Enfin, il ne faut pas oublier de s’interroger sur les risques que l’on est susceptible de courir en matière d’indépendance professionnelle et de contrôle de l’entreprise. Des exemples récents en biologie humaine ou vétérinaire nous en montrent les dangers. En conséquence, une extrême vigilance s’impose.

Jean-Philippe Corlouer (T 79)