Quelle communication demain ? - La Semaine Vétérinaire n° 1741 du 23/11/2017
La Semaine Vétérinaire n° 1741 du 23/11/2017

ACTU

ÉVÉNEMENT

Auteur(s) : MICHAELLA IGOHO-MORADEL 

Une nouvelle campagne “une seule santé” d’information et de sensibilisation sur l’antibiorésistance sera lancée fin 2018. Plusieurs pistes sont envisagées afin que celle-ci gagne en efficacité.

Les antibiotiques, c’est pas automatique ! », « Les antibiotiques pour nous non plus, c’est pas automatique ! » et, plus récemment, « Les antibios, comme il faut quand il faut ! », les campagnes de sensibilisation pour préserver l’efficacité des antibiotiques s’enchaînent tant en santé humaine qu’en santé animale. Quels impacts ces messages clés ont-ils sur le grand public ? Un colloque, organisé le 16 novembre dernier dans le cadre de l’approche “une seule santé”, a fait un état des lieux des enjeux de la communication sur l’antibiorésistance. « Les actions de communication mises en oeuvre au cours des cinq dernières années autour du plan ÉcoAntibio ont largement contribué à la réduction de l’exposition des animaux aux antibiotiques de 37 %. Il faut pérenniser ces bons résultats en renforçant la sensibilisation des éleveurs et des vétérinaires », a déclaré Patrick Dehaumont, Directeur général de l’alimentation. Preuve que cela marche sur le long terme ? Pas si sûr, car les campagnes de sensibilisation génèrent un effet de pic, puis s’essoufflent. Comme ce fut le cas en santé humaine, où la consommation d’antibiotiques est repartie à la hausse à partir de 2010. La méfiance grandissante du grand public pour les analyses des experts et des institutions mérite aussi d’être signalée. Forts de ces constats, les ministères de la Transition écologique et solidaire, des Solidarités et de la Santé, et de l’Agriculture et de l’Alimentation veulent repenser la communication de demain sur l’antibiorésistance. De nouvelles tendances devront être prises en compte : la sensibilité collective et l’information factuelle.

Une approche plus concrète

Une idée forte ressort de ce colloque : repenser la communication de demain afin que le grand public ne se désintéresse pas des enjeux de la lutte contre la résistance bactérienne. À l’avenir, les principaux messages clés resteront les mêmes. À savoir, entre autres, multiplier les actions de prévention, favoriser les alternatives thérapeutiques et la bonne observance des traitements, maintenir le lien privilégié entre le vétérinaire et l’éleveur. Des dispositifs de communication innovants seront cependant privilégiés. Plus largement, la sensibilisation du grand public passe aussi par la maîtrise des nouveaux canaux de communication, tels que les réseaux sociaux, le digital ou encore le mobile. Au-delà de la nécessité d’une volonté politique forte, il s’agit aussi de favoriser des stratégies de communication qui permettent l’engagement, dans la durée, des acteurs de la santé humaine, de la santé animale et de l’environnement. La nouvelle campagne interministérielle de sensibilisation sur l’antibiorésistance, lancée à l’horizon 2018, devra donc intégrer l’approche “une seule santé”. Parmi les pistes de réflexion abordées, le recours à la sensibilité collective et l’information factuelle. L’idée d’aborder autrement la problématique de l’antibiorésistance pour la rendre plus concrète et lui donner un visage est une possibilité qui a été explorée. Le Centre européen de prévention et de contrôle des maladies (ECDC) propose ainsi de donner des exemples de patients « dont la vie a été changée de façon dramatique par une infection due à une bactérie multirésistante aux antibiotiques, parce que ce sujet est difficile à comprendre par le grand public ». Cependant, l’application de cette stratégie paraît plus délicate en santé animale (à moins de faire témoigner des vétérinaires et des éleveurs ?). Pour aller plus loin dans le concret, la future campagne d’information et de sensibilisation sur l’antibiorésistance pourrait s’inspirer des campagnes de la sécurité routière. Seraient ainsi privilégiés la communication par l’émotion, par la pédagogie et par la valorisation des bons comportements, ou encore les relais d’opinion.

Au-delà des clivages

Lors de cette rencontre, des actions mises en œuvre sur le terrain pour sensibiliser les professionnels de santé, les patients, les éleveurs et les propriétaires d’animaux au bon usage des antibiotiques ont été présentées. Pour atteindre ces cibles, le contact direct est privilégié; tel que l’information et la formation des professionnels de santé à l’hôpital, la sensibilisation des vétérinaires ou encore la communication des praticiens avec leur clientèle d’éleveurs. Les actions sur le terrain ont prouvé leur efficacité. Pour maintenir cette dynamique, les acteurs concernés par le concept “une seule santé” sont encouragés à dépasser les décalages existants, en particulier entre la médecine humaine et la médecine vétérinaire. « Le colloque a mis en évidence la nécessité d’une forte volonté politique, pour permettre une mobilisation efficace des citoyens comme des professionnels, le besoin d’inscrire les actions de communication dans la durée et de mettre en œuvre, à l’avenir, une communication équilibrée pour favoriser l’engagement de tous dans une optique “une seule santé”, c’est-à-dire prenant en compte les enjeux en matière de santé humaine, animale et d’environnement”», a déclaré le ministère des Solidarités et de la Santé1.

Pour lutter sur le long terme

Que ce soit en santé humaine ou en santé animale, l’inquiétude est la même : réussir à lutter efficacement contre l’antibiorésistance sur le long terme. Cette question se pose particulièrement en médecine humaine. En effet, les Français ont consommé moins d’antibiotiques entre 2000 et 2004 (-18,9 %), à la suite d’une communication lancée sur l’antibiorésistance. Les campagnes suivantes ont eu moins d’écho. Une récente enquête2 de l’Institut français d’opinion publique (Ifop), demandée par le ministère de la Santé, démontre que la majorité des Français (87 %) déclarent avoir déjà entendu parler de la résistance aux antibiotiques, mais que peu d’entre eux savent exactement de quoi il s’agit. Certains ont encore de nombreuses idées reçues sur les antibiotiques (59 % pensent que les antibiotiques tuent les virus). Par ailleurs, une part non négligeable des Français ne semblent pas suffisamment informés sur les actions menées pour réduire le recours aux antibiotiques en élevage. 42 % estiment en effet qu’un usage trop important des antibiotiques en élevage et chez les animaux de compagnie est l’une des principales causes de l’antibiorésistance.

1 bit.ly/2zUM3xk.

2 Les Français et l’antibiorésistance, novembre 2017.