SYNTHÈSE
PRATIQUE MIXTE
Formation
Auteur(s) : ANNE COUROUCÉ-MALBLANC
Les dernières décennies ont été le témoin de nombreux changements dans la nomenclature des maladies et des troubles spécifiques des voies respiratoires profondes chez le cheval. Les termes utilisés ont été adoptés pour refléter soit la présentation clinique, soit les caractéristiques pathologiques ou cytologiques de la maladie.
Les termes “pousse” ou “souffle” pour les Canadiens, “heaves” pour les anglophones sont très descriptifs et permettent de mettre en avant l’augmentation de l’effort respiratoire identifié. “Emphysème équin” renvoie à l’apparence grossièrement distendue des poumons à l’autopsie, une caractéristique connue pour refléter le piégeage de l’air plutôt que la perturbation alvéolaire associée à l’emphysème chez l’homme. L’appellation “maladie obstructive des voies respiratoires profondes” (MOVRP) ou “Recurrent airway obstruction” (RAO) a été introduite pour définir phénotypiquement les animaux avec une obstruction réversible des voies respiratoires inférieures liée à l’environnement, notamment à une exposition au foin. Jusqu’à présent, cette appellation est celle qui reste utilisée. Cependant, elle ne reflète pas la cause et ne permet pas d’établir de lien avec certaines autres formes moins graves de maladie inflammatoire des voies respiratoires profondes chez le cheval. Ces formes moins sévères ont également connu pléthore de noms différents au fil des années, jusqu’à ce qu’“Inflammatory airway disease” (IAD) ou “maladie inflammatoire des voies respiratoires profondes” (MIVRP) soit proposé et universellement adopté.
Aujourd’hui, une nouvelle appellation est proposée : “asthme équin” (Pirie et coll., 2016). Cet asthme équin peut être modéré ou sévère. Le premier correspond à la MIVRP ou IAD, le second à la MOVRP ou pousse.
Cette appellation a un véritable intérêt scientifique et clinique pour les vétérinaires, mais est également reconnue par le grand public, qui sait identifier les principales caractéristiques de cette maladie. Celles-ci incluent la variabilité de la susceptibilité au sein d’une population, le rôle potentiel de la génétique dans la détermination de cette susceptibilité, l’association avec certains facteurs déclenchants, les périodes d’exacerbation des symptômes et celles de rémission.
Cependant, malgré l’aspect familier du terme “asthme”, la pertinence de son application aux voies respiratoires profondes du cheval dépend des similitudes entre les deux syndromes. Dans une revue récente dans laquelle le phénotype hétérogène de l’asthme humain a été étudié, Bullone et Lavoie ont mis en évidence un certain nombre de similitudes entre les affections non septiques des voies respiratoires profondes (MIVRP et MOVRP) et l’asthme modéré et sévère chez l’homme. Ces ressemblances concernent l’épidémiologie, mais également certaines caractéristiques étiologiques, physiopathologiques et immunologiques.
Le terme “asthme” n’est pas uniquement réservé à la description de la maladie pulmonaire atopique chez l’homme. C’est une maladie qui présente des étiologies multiples, avec une distinction notamment entre l’asthme allergique et non allergique. La classification des sujets asthmatiques est difficile et met en lumière la grande variété de l’asthme, tout comme pour la MIVRP/MOVRP du cheval… Même si on parle d’asthme équin pour ces deux entités, à ce jour, aucune continuité entre ces deux formes d’asthme n’a été mise en évidence.
À ce stade, la proposition consiste à limiter temporairement la sous-catégorisation à la présence ou à l’absence de dyspnée respiratoire au repos. Par conséquent, l’utilisation de l’appellation “asthme équin sévère” sera limitée aux chevaux adultes présentant une inflammation et une obstruction des voies respiratoires profondes accompagnée de signes cliniques, comme une toux fréquente et une dyspnée au repos. Inversement, “asthme équin modéré” s’applique à un cheval, quel que soit son âge, présentant une toux chronique (durant plus de 4 semaines) et/ou des contre-performances, avec évidence d’accumulation excessive de mucus dans la trachée et/ou une augmentation des neutrophiles, des éosinophiles et/ou des mastocytes dans le liquide de lavage broncho-alvéolaire (tableau).
De nombreux cliniciens sont confrontés à des cas qui ne rentrent pas directement dans l’une ou l’autre de ces cases et la distinction n’est pas toujours évidente entre les cas. Quid également du lien entre ces deux entités ? Beaucoup de chevaux présentant un asthme modéré ne développeront jamais de forme sévère (pousse). Quelle est alors la différence entre les chevaux présentant de l’asthme modéré qui sont “prépoussifs” et les autres ? Il est également possible que tous les chevaux souffrant d’asthme équin modéré soient semblables au départ et que leur environnement et leur système immunitaire déterminent s’ils deviendront ou non “poussifs”.
Quoi qu’il en soit, il est important que l’appellation “asthme équin” soit universellement adoptée par les chercheurs, mais aussi par les cliniciens.
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1 Pirie R. S., Couëtil L. L., Robinson N. E. et Lavoie J. P. Equine asthma : an appropriate, translational and comprehendible terminology ? Equine Vet. J. 2016;48(4):403-405.
2 Bullone M., Lavoie J. P. Asthma “of horses and men”- how can equine heaves help us better understand human asthma immunopathology and its functional consequences ? Mol. Immunol. 2015;66(1):97-105.
3 Couëtil L. L., Cardwell V., Gerber V. et coll. Inflammatory airway disease of horses – Revised consensus statement. J. Vet. Intern. Med. 2016;30(2):503–515.