Les experts européens se rassemblent autour d’“une seule santé” - La Semaine Vétérinaire n° 1742 du 30/11/2017
La Semaine Vétérinaire n° 1742 du 30/11/2017

ACADÉMIE VÉTÉRINAIRE DE FRANCE

ACTU

Auteur(s) : CLARISSE BURGER  

La communauté scientifique s’organise autour du concept One Health en Europe. Il est essentiel d’améliorer le contrôle des risques sanitaires et de ne pas céder à la désinformation.

Vétérinaires, médecins, pharmaciens, éleveurs, agriculteurs, écologues (ou écologistes scientifiques)… devraient davantage collaborer entre eux pour optimiser l’organisation et le concept One Health (“une seule santé”) dans le monde. L’idée n’est pas nouvelle, mais des résistances subsistent, apparemment. « Le One Health faisait figure de slogan il y a quelques années, pourtant, cette approche remonte à 20 ans. L’Institut Pasteur est un lieu où travaillent ensemble médecins et vétérinaires depuis de nombreuses années »,a tenu à rappeler Jacques Risse, membre de l’Académie vétérinaire de France et président honoraire de l’Académie d’agriculture de France, à l’occasion de la séance du 23 novembre (qui s’est tenue à l’Académie nationale de médecine), intitulée« One Health, une approche sociétale fondamentale ». Pour autant, des préjugés demeurent : « Sans doute, les deux médecines sont encore différentes et se heurtent à des préjugés et à des réticences que nous devons surmonter, dans un avenir proche, je l’espère », a-t-il ajouté.

L’Europe a manifesté un très vif intérêt pour ce concept international avec son programme conjoint européen (EJP) One Health, dédié à la recherche sur les zoonoses alimentaires, qui sera mis en place en janvier 2018 et coordonné par l’Agence nationale de sécurité sanitaire (Anses). Y sont associés, au niveau national, l’Institut national de la recherche agronomique (Inra), ainsi que l’Institut Pasteur et Santé publique France. Ce programme retenu par la Commission européenne regroupe une quarantaine de partenaires et 19 États membres. Cette communauté (d’experts) organisée est à l’origine des avancées dans les domaines des zoonoses alimentaires, de la résistance aux antibiotiques et des risques émergents. Cela valorise aussi les connaissances médicales et améliore les relations sociales. Finalement, « il serait souhaitable que l’Académie d’agriculture participe aussi à nos réunions One Health », conseille Jacques Risse.

Le contrôle des risques sanitaires

Pour sa part, André-Laurent Parodi, professeur honoraire de l’Académie vétérinaire de France, a souligné l’importance d’une collaboration « dans une démarche conjointe visant à contrôler les risques sanitaires dans le domaine des maladies transmissibles, émergentes et réémergentes ». Il a insisté sur les conditions favorisant l’émergence des épidémies d’origine animale (développement de comportements nouveaux au sein des populations humaines, démographie mondiale en hausse, urbanisation croissante, vieillissement, désordre immunitaire, hausse des déplacements humains et des animaux, augmentation de la demande de produits alimentaires, etc.), l’évolution dans les modes d’élevage, les contaminants via l’alimentation notamment, le risque de la consommation d’antibiotiques au niveau mondial et les actions européennes (plan ÉcoAntibio 2017).

Par conséquent, ne faudrait-il pas former relativement tôt les étudiants en médecine humaine et vétérinaire au concept One Health, ce qui permettrait aussi de les réunir ? Autre question : apprend-on les mesures de biosécurité dans les écoles d’élevage ?

Concernant l’évaluation du risque d’émergence des nouvelles maladies infectieuses, François Bricaire, professeur des universités et membre de l’Académie nationale de médecine (maladies infectieuses, médecine interne), a pointé les difficultés de prévision, car il existe beaucoup de variables et d’inconnues (ESB1, H1N1, Sras2, Ebola, etc.).

Que prévoir ?

« Oui, nous pouvons prévoir les risques d’émergence, mais les expériences récentes ont montré que nous avons fait des erreurs, a-t-il ajouté. Pour une grippe, il est quasi impossible de savoir quand elle arrivera, si ce sera un virus bénin ou virulent, si le vaccin conçu à partir des virus précédents sera efficace. »

Marc Gentilini, professeur des universités (maladies infectieuses et tropicales, santé publique), a dénoncé les dangers de la désinformation et des méconnaissances à propos des maladies infectieuses, rappelant notamment le cas de la grande peste noire, principalement bubonique, en 1347, qui a fait des millions de victimes humaines mais aussi animales (les chats devant être brûlés sur ordre du pape). Plus récemment, les erreurs, lors de l’épidémie de grippe de 2009, ont coûté 1,5 milliard d’euros à la France, dû au vaccin et à la mobilisation de nombreux acteurs comme la Croix-rouge et les pompiers. Marc Gentilini cite encore le Sida, le virus Ebola et la maladie de Lyme : « Il ne faut pas céder à la désinformation. Les populations méritent une autre information », conclut-il.

1 Encéphalopathie spongiforme bovine.

2 Syndrome respiratoire aigu sévère.