Journée normande vétérinaire : des vétérinaires spécialisés pour des éleveurs débordés ? - La Semaine Vétérinaire n° 1743 du 07/12/2017
La Semaine Vétérinaire n° 1743 du 07/12/2017

FORMATION

PRATIQUE MIXTE

L'ACTU

Auteur(s) : BÉATRICE BOUQUET  

Près de Deauville, le cocktail annuel de formation en rurale – et équine – était servi par des groupements techniques vétérinaires normands remotivés.

Notre confrère Jean-Louis Cosson montre un verre qui symbolise l’activité vétérinaire en rurale, en introduction de la journée normande vétérinaire (JNV), à Touques (Calvados). La coupe n’est pas pleine, mais c’est le breuvage qui doit changer pour s’adapter au goût de l’éleveur. « Les offres de services spécialisés (suivi de reproduction, parasitologie, cellules, veaux, rationnement, parage) ne sont pas achetées par les éleveurs. » Ce que veulent les clients en rurale, c’est déléguer, selon lui, et ce particulièrement en Haute-Normandie, haut lieu de la polyculture-élevage. Le jeune éleveur est débordé… mais compétent, au point d’enseigner à ses parents.

Au-delà de la vente de visites d’élevage, Jean-Louis Cosson croit plutôt à la contractualisation sanitaire, forfaitaire, généraliste. Et sur mesure. Il se dit alors surpris que des cabinets ruraux spécialisés n’aient pas vu le jour un peu partout en France. Avec, en leur sein, « des collaborateurs spécialisés et à plein temps » sur la rurale (que les confrères ont des difficultés à recruter). Il est primordial d’avoir « un engagement et une envie forte qui mobilisent toute l’énergie à plein temps de l’équipe », « innovation, encadrement, adaptabilité sont nécessaires ». Face à des vétérinaires ruraux et mixtes qui n’y croient plus toujours tous les jours, affirmer que « l’État, au moins, croit en nous », puisqu’il soutient la formation des vétérinaires ruraux, ne peut qu’adoucir l’élixir.

La biosécurité, à renforcer

Il y a de l’espoir sur la paratuberculose, mais les progrès ne dépendent pas que du praticien, pour notre confrère Éric Meens, du Groupement de défense contre les maladies des animaux (GDMA) local, équivalent du groupement de défense sanitaire dans d’autres départements. Aux côtés des traditionnelles mesures de dépistage-élimination, l’abord global et le renforcement de la biosécurité à l’échelle d’un élevage constituent les piliers d’une lutte efficace, mais le recours aux indicateurs biologiques de troupeaux lors d’échanges est imparable. Un changement de catégorie sanitaire de la maladie permettrait de gagner en efficacité, pour la passer de la catégorie 3 (seules actions volontaires possibles) à la 2 (actions de lutte obligatoires, gérées par les professionnels, autorisées). La recherche en génomique pourrait aussi apporter des progrès dans la résistance des animaux à la maladie.

L’hygiène de traite est un autre domaine qui requiert un abord global, même s’il est permis d’être pointilleux. Le praticien se doit de connaître en détail les pratiques des éleveurs et les produits qu’ils utilisent pour la désinfection avant de songer à les infléchir. Thibaut Hintzy, de la commission qualité du lait de la Société nationale des groupements techniques vétérinaires (SNGTV), a dressé l’inventaire des antiseptiques inclus dans les produits désinfectants pour les trayons (iode, chlore et dérivés, chlorhexidine, acide dodécylbenzène sulfonique ou DBSA, acide carboxylique et biphényl-2-ol). Le caractère irritant pour la peau, des aspects économiques (coût pour le DBSA), mais aussi techniques sont à prendre en compte pour le conseil. Par exemple, seule la pulvérisation, donc des produits peu filmogènes, est possible “au robot”. La lutte contre Streptococcus uberis (à réservoir mixte environnemental et mammaire) ne pourra alors reposer que sur la désinfection de la griffe à une concentration quatre fois plus élevée qu’en trempage.

Gagner le respect des éleveurs

L’École nationale vétérinaire d’Alfort était représentée à la JNV de ce 10 octobre par Guillaume Belbis, venu partager son expérience de l’échographie. Ce qu’on peut espérer visualiser « dépend du matériel », explique-t-il (réponse de Normand !), avant de susciter l’envie en présentant moult applications (systèmes respiratoire, digestif, etc.).

La chirurgie n’était pas oubliée. Si les interventions “de guerre” apportent encore beaucoup de satisfaction aux “ruraux”, c’est vers des actes un peu plus pointus en urologie que Xavier Quentin, praticien à Saint-James (Manche), a emmené l’auditoire. Pour « gagner le respect des éleveurs », on peut proposer de “grosses” interventions de correction de la persistance du canal de l’ouraque, d’urétrostomie, de réparation vésicale, voire de néphrectomie. Pour leur faire gagner de l’argent, il est possible de proposer des “petites” corrections de l’urovagin. Ce phénomène survient fréquemment chez les vaches laitières après quelques vêlages ; il pénalise la fertilité (le reflux d’urine lié aux changements anatomiques étant délétère pour les spermatozoïdes). Il existe deux techniques acceptables. La première est le cerclage vaginal, qui ne requiert pas forcément un matériel spécifique (l’aiguille de Deschamps modifiée, disposant d’un manche tige pour pouvoir manœuvrer à distance depuis l’entrée du vagin, est facultative). La seconde est l’extension de l’urètre, qui consiste “simplement” à enfermer dorsalement le méat urinaire dans un “pont” de muqueuse créé artificiellement par incision en “U” inversé autour de ce méat, puis suture des deux bords (le serrage est délicat).

Analyses en équine

Malgré le « désir de spécialisation en rurale » exprimé en introduction, cette journée de formation a laissé sa place à l’équine, plébiscitée chaque année en Normandie, avec une présentation sur l’interprétation et le choix des analyses en équine, par le praticien Olivier Boulin et Pierre-Hugues Pitel, du laboratoire Frank Duncombe (Caen, dans le Calvados). Outre le matériel d’analyse, les conditions préanalytiques influent sur les résultats, expliquent-ils. Ainsi, les numérations érythrocytaires et leucocytaires augmentent sur les chevaux excités. Les équidés ont leurs spécificités, hépatiques par exemple. Acides biliaires et glutamate déshydrogénase (GLDH) donnent un très bon reflet de l’état de cet organe dans cette espèce. Gamma- glutamyl-transférase (GGT) et phosphatase alcaline (PAL) reflètent plutôt l’atteinte des canaux biliaires, mais attention au manque de spécificité de la GGT qui peut être physiologiquement élevée chez le jeune cheval en activité, sans oublier que cette enzyme provient aussi beaucoup du pancréas. Lors d’ulcères gastriques, amylase pancréatique, bilirubine totale, PAL (dans sa fraction intestinale !), GGT et sérum amyloïde sérique de type A (SAA, marqueur de l’inflammation) sont les cinq paramètres trouvés élevés dans une étude sur 56 chevaux atteints, comparés à 10 témoins.