L’abattage des renards jugé inefficace dans la lutte contre les risques sanitaires - La Semaine Vétérinaire n° 1743 du 07/12/2017
La Semaine Vétérinaire n° 1743 du 07/12/2017

BIODIVERSITÉ

ACTU

Auteur(s) : MARIE SIGAUD  

Une nouvelle étude scientifique suggère la contre-productivité de l’abattage des renards pour lutter contre l’échinococcose alvéolaire, tandis que des associations se mobilisent pour protéger l’espèce.

L’argument de la santé publique est souvent avancé pour justifier l’abattage de renards roux (Vulpes vulpes). Chaque année en France, plus de 500 000 renards sont ainsi tués. Une étude récente publiée dans la revue Preventive Veterinary Medicine par une équipe de chercheurs de l’Agence nationale de sécurité sanitaire (Anses), de l’Entente de lutte interdépartementale contre les zoonoses (Eliz) et du Centre national de la recherche scientifique (CNRS)1 s’est penchée sur l’impact d’une campagne d’abattage menée pendant quatre ans sur la prévalence d’Echinococcus multilocularis chez le renard. Ce cestode responsable de l’échinococcose alvéolaire, maladie hépatique potentiellement grave, est présent dans tout l’hémisphère nord, et a vu son aire de répartition largement augmenter au cours des dernières décennies. Son cycle sauvage a pour hôte définitif principal le renard. Mais, alors qu’il existe un lien entre les densités de renards et la présence du parasite dans l’environnement, la question du contrôle des populations de renards comme d’un outil de gestion de la maladie se pose.

Une hausse de la prévalence d’Echinococcus multilocularis chez le renard

Les résultats de cette étude indiquent que non seulement la campagne d’abattage s’est révélée incapable de diminuer la taille de la population de renards, mais elle a également entraîné une augmentation de la prévalence du parasite chez les renards de plus de 40 % par rapport aux zones voisines. Les chercheurs attribuent ces résultats surprenants à une augmentation des déplacements chez les individus juvéniles à la suite du vide laissé par les renards abattus. En fin de compte, les chercheurs concluent que l’abattage massif des renards dans la lutte contre l’échinococcose alvéolaire est non seulement inefficace, mais même contre-productif. Ils recommandent donc aux gestionnaires de se tourner vers d’autres méthodes, comme l’utilisation d’appâts contenant des anthelminthiques.

Le renard, un régulateur des populations de rongeurs et un allié contre la maladie de Lyme

Cette étude fait écho à d’autres travaux de recherche qui suggèrent que le maintien de la biodiversité est un atout dans la lutte contre la transmission de maladies. Par exemple, la maladie de Lyme transmise par les tiques a pour réservoir les rongeurs sauvages. En France, près de 27 000 cas par an sont recensés chez l’homme et le nombre de cas est en augmentation dans plusieurs pays d’Europe. Une étude menée par une équipe de chercheurs hollandais2 indique que les prédateurs tels que le renard, en régulant les populations de rongeurs, contribuent à faire diminuer le nombre de tiques infectées par les bactéries responsables de la maladie de Lyme présentes dans le milieu naturel. Ces études scientifiques abondent dans le sens de plusieurs associations de protection des animaux, qui militent contre les campagnes d’abattage d’animaux de la faune sauvage pour des prétextes sanitaires, sans qu’aucune preuve scientifique valide leur efficacité.

Des associations dénoncent l’acharnement dont fait l’objet le renard

C’est le cas du collectif Renard Grand Est3, qui regroupe 60 structures liées à l’environnement et qui dénonce l’acharnement dont sont victimes des centaines de milliers de renards en raison de leur statut de nuisible dans la quasi-totalité des départements français. D’après l’organisation, ce classement en “espèce nuisible” ne repose sur aucune donnée scientifique valable. Cette classification ne prend, en effet, ni en compte le rôle structurant des prédateurs sur le bon fonctionnement des écosystèmes ni les impacts potentiels des changements dans l’abondance des prédateurs sur la transmission d’agents pathogènes entre différentes espèces hôtes.

1 Comte S., Umhang G., Raton V. et coll. Echinococcus multilocularis management by fox culling: an inappropriate paradigm. Prev. Vet. Med. 2017;147:178-185.

2 Hofmeester T. R., Jansen P. A., Wijnen H. J. et coll. Cascading effects of predator activity on tick-borne disease risk. Proc. R. Soc. B 284:20170453.

3 renard-roux.fr.